Actions européennes : les risques sont exagérés

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Par Léon Cornelissen Publié le 18 mars 2019 à 6h31
Chine Donald Trump Commerce 2
6,5%En acceptant de réduire l'objectif de croissance à 6,0-6,5 %, les autorités chinoises continueront de mener une relance monétaire et budgétaire.

Les actions européennes pourraient revenir en grâce, alors qu’une issue favorable aux différentes menaces pesant sur elles se dessine, affirme Léon Cornelissen, économiste en chef.

Des répercussions de la guerre commerciale que se livrent Pékin et Washington au Brexit, en passant par le populisme ou même le faible niveau du Rhin, une série de facteurs négatifs se sont ligués pour maintenir les actions européennes sous-évaluées par rapport à leurs homologues américaines.

Mais l’avenir pourrait être moins sombre que les investisseurs ne le craignent car la confiance des ménages se redresse et la relance budgétaire se profile, notamment en Allemagne, première économie d’Europe.

Les actions européennes n’ont cessé de perdre du terrain face aux valeurs américaines depuis 2009, et c’est souvent l’importance des risques politiques sur le Vieux continent qui est avancée pour expliquer cette situation. Selon nous, contrairement au discours ambiant, les risques sont à la fois limités et exagérés. Les actions européennes sont donc relativement attrayantes.

Des taxes et des menaces

L’économie européenne est une victime collatérale du conflit commercial sino-américain. Les droits de douane et les menaces commerciales ont joué un rôle dans le ralentissement de la croissance chinoise et les exportations européennes, notamment de voitures allemandes quiont souffert de cette situation.

D’autres facteurs ont également pénalisé la production industrielle allemande : les constructeurs automobiles ont eu du mal à s’adapter au durcissement des normes européennes en matière d’émissions, tandis que le niveau exceptionnellement bas du Rhin a entravé la livraison de composants primaires et intermédiaires, et entraîné l’imposition de restrictions de consommation d’eau aux groupes industriels. Mais ces facteurs ne devraient être que temporaires : les expéditions de voitures allemandes ont par exemple connu un net rebond en décembre.

En France, l’accès de populisme semble marquer le pas. La confiance des ménages s’est très nettement améliorée depuis le début de l’année (voir graphique ci-dessous) et la cote de popularité d’Emmanuel Macron est remontée depuis que le président s’est décidé à troquer les ors de l’Élysée pour le dialogue sur le terrain. Par ailleurs, le mouvement des gilets jaunes semble en perte de vitesse. »

Une trêve commerciale quasi certaine

Parallèlement, une trêve commerciale entre les États-Unis et la Chine, qui se menacent mutuellement de droits de douane sur plusieurs milliards de dollars de marchandises, semble quasi certaine. Même si elles s’inclinent devant le principe de réalité, en acceptant de réduire l’objectif de croissance à 6,0-6,5 %, les autorités chinoises continueront de mener une relance monétaire et budgétaire.

Le facteur le plus important ayant conduit à cette trêve a été la réaction négative des marchés actions aux tensions continues. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous pensons que le président américain ne durcira pas le ton avec l’Europe, en imposant des taxes sur les voitures européennes pour des raisons de sécurité nationale par exemple, même s’il a récemment supprimé les conditions préférentielles dont bénéficiaient l’Inde et la Turquie, ce qui revient à augmenter les droits de douane.

L’interminable saga du Brexit

Reste ensuite le sujet qui a accaparé les gros titres récemment : le douloureux (et toujours incertain) divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, dont la date butoir est fixée au 29 mars et àl’heure où nous écrivons ces lignes, il est impossible de savoir si et comment la saga du Brexit se terminera.
Mais le risque d’une sortie sans accord a fortement baissé. Le parlement britannique a contraint le gouvernement à demander un report de la date butoir si l’accord de sortie négocié avec Bruxelles n’obtient pas la majorité à la Chambre des communes. Sur le fond, deux options sont possibles : un report du Brexit, (potentiellement suivi d’un nouveau référendum, les sondages prédisant une victoire du « Bremain ») ou un vote des parlementaires en faveur de l’accord de sortie.

L’incertitude qui entoure le Brexit commence à peser sur l’économie britannique, mais dès que le risque d’un Brexit dur sera clairement écarté, elle devrait sortir la tête de l’eau.

Essoufflement du populisme en Italie

L’Italie est l’autre enfant terrible de l’Europe. Après la fin du bras de fer entre la Commission européenne et le gouvernement populiste au sujet du déficit, la prime de risque des obligations italiennes par rapport au Bund allemand s’est stabilisée. Mais la trêve devrait être de courte durée, puisque l’économie transalpine est entrée en récession technique.

Cela étant, la Lega, partenaire minoritaire au sein du gouvernement, a récemment grimpé en flèche dans les sondages, au détriment de l’eurosceptique Mouvement 5 Étoiles. Compte tenu de son ancrage très fort au sein les entreprises du nord du pays, il y a peu de chances que la Lega prenne des mesures susceptibles de provoquer une crise de la dette italienne. Si, comme prévu, elle remporte un franc succès lors des élections européennes, elle pourrait convoquer des législatives pour renforcer sa présence au sein du gouvernement. En toute logique, les marchés ont été désarçonnés par la formation d’un gouvernement populiste, mais ils semblent aujourd’hui moins inquiets.

Davantage de relance en perspective

Enfin, deux grandes banques centrales, la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE) ont changé de cap et adouci leur rhétorique. Une nouvelle opération de refinancement ciblée à très long terme (TLTRO), d'une durée de deux ans et permettant en partie de procéder au roulement de celle déjà en cours, a été annoncée le 7 mars. La BCE a également modifié ses indications prévisionnelles, excluant toute hausse de taux cette année. Une relance budgétaire est également en préparation en Allemagne, de l’ordre de 0,3 % à 0,4 % du PIB. Annegret Kramp-Karrenbauer, qui devrait succéder à Angela Merkel à la chancellerie, envisage des allègements fiscaux pour donner un coup de fouet à l’économie allemande. Par ailleurs, les salaires augmentent en raison des tensions sur le marché du travail, ce qui est de bon augure pour la consommation.

Nous pensons donc que les investisseurs sont trop pessimistes vis-à-vis de l’Europe. Même s’il reste des problèmes à résoudre, nous anticipons un rebond des économies européennes au second semestre 2019.

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Léon Cornelissen est économiste en chef de ROBECO.

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