Anonymat des terroristes et sous-entendus de BHL

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Par Eric Verhaeghe Publié le 29 juillet 2016 à 12h17
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14 000Ces quinze dernières années, les attentats terroristes dans le monde sont passés de moins de 2 000 à près de 14 000 en 2016

Bernard-Henry Lévy a demandé à la presse, par un Tweet d’ailleurs, de maintenir l’anonymat sur les terroristes qui frappent dans nos rues. L’idée est tellement plaisante qu’elle méritait d’être discutée avec délectation dans ces colonnes.

L’anonymat du mal, un concept reproductible à l’infini

Amusons-nous d’abord de l’idée selon laquelle nommer les terroristes serait une sorte de publicité qui leur serait faite, une forme de prosélytisme qui susciterait des vocations. Voilà une belle croyance qui plonge dans je ne sais plus quelle superstition religieuse selon laquelle il ne faut pas nommer le Malin, le Diable, sans quoi on risque de le réveiller. On se demande si un « intellectuwweeellll » comme BHL croit vraiment à ce qu’il dit.

On notera avec amusement les multiples utilisations possibles du même concept. Par exemple, pour ne pas susciter de vocations antisémites, il suffit de ne plus prononcer le nom d’Adolf Hitler, ou de Mengele, et le tour est joué: on fait disparaître la fascination pour Auschwitz.

En revanche, on aura quelques problèmes à gérer pour les cas litigieux. Le tueur fou de Munich, il y a dix jours, par exemple, était-il d’extrême droite (et on peut citer son nom sans crainte), ou islamiste (auquel cas il faut garder l’anonymat)? Quel délice que de pratiquer la censure: elle permet des jeux intellectuels infinis.

Les sous-entendus de BHL

On voit bien que le propos ne tient pas, parce qu’il est avancé pour une autre raison que celle affichée par son auteur. C’est évidemment un secret de Polichinelle que de pointer l’extraordinaire homogénéité ethnique des terroristes: en France, ils sont tous issus de la communauté maghrébine. Celle dont une partie aime à nous accuser de tous les maux et qui nous a surnommés « Kouffars », les mécréants.

Personne ne soupçonnera BHL de sympathie particulière pour cette communauté, et son propos n’est certainement pas de la protéger. Mais BHL a bien compris l’effet boomerang du terrorisme, et il craint le pire : lui qui a soutenu becs et ongles la déstabilisation de Bachar El-Assad en Syrie, et qui a prôné le soutien aux mouvements islamistes qui tuent aujourd’hui nos enfants et nos prêtres, sait qu’il sera tôt ou tard convoqué par le tribunal de l’histoire pour son odieuse trahison.

Car n’oublions pas qu’il fait partie de ceux qui ont prôné le désordre en Libye et en Syrie, ce désordre dont nous subissons aujourd’hui le contre-coup. Alors, encore un instant Monsieur le bourreau, ne dites pas qu’Hitler s’appelait Hitler, et le procès de Nuremberg sera retardé. Et peut-être même annulé. Ne dites pas qu’Abdelkarim s’appelait Abdelkarim et vous oublierez le lien direct entre le coup d’Etat raté en Syrie, la guerre civile que les amis américains de BHL y ont organisée, et l’armement des islamistes sunnites qui en fut le versant le moins avouable, et le plus tragique aujourd’hui.

BHL veut détourner l’attention

Au-delà de cette prudence égotiste, traditionnelle chez un homme qui se regarde au périscope dans son miroir, tant il surévalue sa taille réelle, BHL a un intérêt objectif à éteindre dans l’esprit des citoyens tout lien de causalité entre le conflit en Syrie et le terrorisme en Europe.

À chaque attentat, les services secrets français ont en effet tendance à expliquer que l’événement était inévitable et commis par des tueurs solitaires. Puis, de fil en aiguille, on apprend que les tueurs solitaires, présentés comme dépressifs et paumés, préméditaient leur acte de longue date et bénéficiaient de puissantes complicités.

Pour l’instant, personne n’a poussé l’investigation plus loin, mais nous ne tarderons pas à comprendre que ces puissantes complicités sont beaucoup plus structurées que nous le croyons. Ici, c’est Coulibaly qui vend sa voiture à un Kosovar installé à Charleroi. Là, c’est Mohamed Lahouaiej-Bouhlel qui est épaulé par des bandits albanais. Progressivement, nous devrons bien avouer que, comme tous les attentats commis sur le sol français depuis les années 80 par des musulmans, ceux qui passent à l’acte sont des instruments entre les mains de services étrangers qui agissent plus ou moins directement sous étiquette terroriste et qu’ils bénéficient d’un réseau perfectionné pour mener à bien leurs forfaits.

BHL et l’Iran

Que le terrorisme soit une façon de faire de la diplomatie par d’autres moyens, BHL ne le nie pas lorsqu’il s’agit de l’Iran et du Hezbollah. Voici d’ailleurs le tweet qu’il avait rédigé l’an dernier:

Suivre Bernard-Henri Lévy ? @BHL N'y a pas que "le nucléaire" en Iran. Il y a aussi le soutien à Bachar, au Hezbollah, à d'autres terroristes - et l'appel à détruire Israël.

Pourquoi ce raisonnement, lorsqu’il touche l’Iran, est-il couramment autorisé en Europe, alors qu’il est banni lorsqu’il touche l’Arabie Saoudite et la Turquie? Pourtant, les preuves ne manquent pas d’une étroite imbrication entre les intérêts saoudiens, les intérêts turcs et les intérêts de Daesh.

Il y a bien sûr, quand on s’appelle Bernard-Henry Lévy, de solides raisons pour s’indigner du soutien accordé par l’Iran au Hezbollah, et de tout aussi solides raisons de vouloir faire taire coûte-que-coûte les petites voix qui affirment que le terrorisme de Daesh est trop structuré, trop pérenne, trop agile, pour ne pas bénéficier d’une ossature fabriquée dans un ou plusieurs Etats au sens propre.

Et on comprend bien que dissimuler les noms à consonance maghrébine portés par les terroristes permet d’éloigner un peu plus le moment où nous avouerons que Daesh est le bras armé d’Etats qui veulent nous déstabiliser.

Comment la presse se suicide

Que BHL mène sa guerre est une chose. Qu’une partie de la presse subventionnée soit prête à participer à sa croisade en est une autre. Cette presse moribonde ne survit déjà plus que par l’argent du contribuable. Celui-ci n’a plus guère de doute sur la corruption qui frappe, à des degrés divers, les journalistes détenteurs d’une carte de presse attribuée par le syndicat bidon de la profession.

Que cette presse mène désormais une croisade ne peut que précipiter un peu plus sa suffocation. Vous avez raison! censurez l’information! les réseaux sociaux vous achèveront car eux, ils ne sont pas inféodés à des hurluberlus.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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