Arles ville d’art, des Rencontres de la photographie à la Fondation Luma, mais gare à devenir trop abscons !

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Par Philippe Herlin Modifié le 28 août 2015 à 11h32
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150 millions €Un centre de création contemporaine devrait bientôt voir le jour à Arles. Coût des travaux : 150 millions d'euros.

Le plus grand festival de photographie en Europe se déroule à Arles du 6 juillet au 20 septembre, une occasion supplémentaire de parcourir cette ville célèbre pour son patrimoine romain et de découvrir le très prometteur projet "Luma"...

Que retenir de cette 46e édition des Rencontres de la photographie d'Arles, la première du nouveau directeur artistique, Sam Stourdzé ? Malheureusement pas grand chose tant elle manque de lignes de force. Les soi-disant redécouvertes de grands noms du passé (Walker Evans, Stephen Shore) n'ont absolument aucun intérêt, la nouvelle scène japonaise (Another language) frise l'indigence, deux collectionneurs sont exposés, l'un avec des photos du Sphinx d'Egypte (historiquement intéressant mais quel intérêt du point de vue de la photographie ?), l'autre avec des photos dignes d'une blague potache (un personnage déguisé en ours blanc pose dans la rue). Trop d'expositions relèvent du documentaire mais pas de la "photographie" proprement dite (une nouvelle façon de regarder le monde), dommage. Ne parlons même pas de ces "installations" sombrant dans une esthétique de la désolation.

Pour continuer dans le dérisoire, on ne peut s'empêcher de citer l'agence ABM Studio, dans le dossier de presse, qui explique doctement qu’afin de modifier l'identité visuelle de l'affiche des Rencontres, à la demande du directeur, elle a eu cette idée : "Nous avons opté pour un geste simple et radical : le retournement." Eh oui, la photo à l'envers, il fallait y penser.

Heureusement on pourra trouver quelques pépites comme ces photos du tournage de 8 1/2 de Fellini, John Malkovich grimé et reprenant la pose de grandes photographies classiques, les photographies monumentales d'édifices religieux européens de Markus Brunetti, le Congo d'Alex Majoli et Paolo Pellegrin, une grande rétrospective Martin Parr, qu'on adore retrouver, ou quelques jeunes photographes prometteurs (Elsa Leydier, Rebecca Topakian, Dorothée Smith). Chaque exposition offre l'occasion de découvrir le magnifique patrimoine d'Arles (chapelle, église, palais, abbaye de Montmajour, etc.), ce qui en soit vaut le détour. Les Rencontres marchent bien, 60% des recettes sont d'origine privée (billetterie, sponsors), mais il faudrait veiller à ne pas devenir trop abscons...

La visite des expositions, vers les anciens ateliers de la SNCF, permet de découvrir une très prometteuse entreprise de réhabilitation, avec des hangars reconvertis en locaux d'entreprises (Actes Sud notamment) et d'exposition. Mais le projet phare est la Fondation Luma, entièrement financée sur des fonds privés, ceux de l'américaine Maja Hoffmann, qui a passé une partie de sa jeunesse dans la ville. Son père a contribué à protéger le patrimoine naturel de la Camargue, et il a financé la Fondation Vincent Van Gogh, dans la ville (très belle collection de dessins du maître, jusqu'au 20 septembre). A l'extérieur de la vieille ville, c'est un centre de création contemporaine qui s'élèvera bientôt (début 2018), conçu par l'architecte star Frank Gehry (on lui doit la magnifique Fondation Louis Vuitton à Paris). Le bâtiment fera 25.000 m2 et 56 mètres de hauteur (mais sans empiéter visuellement sur la ville historique, ce n'est pas la Tour Triangle à Paris) pour un coût estimé de 150 millions d'euros.

Voici une chance inespérée pour Arles, un lieu de visite supplémentaire, qui s'ajoute au patrimoine romain et roman qui fait déjà la réputation de la ville. L'objet artistique demeure encore un peu flou : "Le site a été pensé pour favoriser la création, la production, les échanges, la représentation et l'expérimentation artistique, dans le domaine de l'art et du mouvement des idées"... Il faudrait, là aussi, se garder d'être trop abscons, pour ne pas se fermer au grand public.

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Philippe Herlin est économiste, Docteur en économie du Conservatoire National des Arts et Métiers, il a publié plusieurs ouvrages chez Eyrolles et rédige des chroniques hebdomadaires pour Goldbroker. Il écrit tous les vendredis un article sur l'art et la culture vus à travers l'économie, et intervient ponctuellement sur d'autres sujets. Son site : philippeherlin.com.

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