Allocations chômage : La Cour des comptes est-elle allée trop loin ?

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Par Jean-Yves Archer Modifié le 23 janvier 2013 à 6h03

La Cour des comptes est une haute Institution qui ne rend de comptes à personne sauf au peuple et sauf au président de la République au moyen d'un rapport public annuel pour le moins formel. La Cour a pour mission de s'assurer du bon emploi de l'argent public et d'en informer les citoyens (article 47-2 de la Constitution).
 Son président est inamovible et son origine historique a notamment pour fondement l'article 15 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »

Dans ce contexte de puissance fortement installée, la Cour s'est longtemps contentée d'un contrôle a posteriori des comptes et ne s'engageait que très timidement sur la voie du contrôle d'opportunité des dépenses. Elle relevait davantage de l'audit que du contrôle de gestion. Sous l'impulsion des Présidents Pierre Joxe et surtout Philippe Seguin et au moyen de textes redéfinis, la Cour a bien évidemment conservé ses attributions contentieuses mais a publié un certain nombre de rapports visant à éclairer les choix publics. C'est dans cette veine que se situe son récent document relatif à l'indemnisation des chômeurs. Le rapport s'alarme des "déficits insoutenables" de l'Unedic : perte probable de 5 milliards d'euros en 2013 et dette cumulée de près de 14 milliards à fin 2012.

Le Président de la Cour, Didier Migaud, exhorte les partenaires sociaux à négocier une nouvelle convention d'assurance-chômage qui viendrait limiter les droits à indemnisation en attaquant la dégressivité jugée trop faible des montants alloués. S'il est exact que des questions d'équité se posent (dégressivité inégale selon les salaires d'activité) et que la Cour est alors clairement sans son rôle, il est légitime de se poser une question simple à énoncer mais avec solennité : à l'heure où tant de salariés et salariées ont peur du chômage, est-il de bonne habileté institutionnelle et médiatique de faire reprendre par des dizaines de sources le fait que la Cour veuille " s'attaquer" (sic) au régime d'assurance-chômage ? En conscience, nous ne pensons pas que le corps social, véritablement craintif face au risque étendu de déclassement social, puisse supporter des propos abrupts émis, qu'on le veuille ou non, par des personnes qui ont de surcroît la garantie de l'emploi et donc du traitement.

Que la Cour des comptes pointe du doigt le régime des intermittents du spectacle devient presque décevant tant il s'agit d'un marronnier. Que la Cour stigmatise la fusion ayant donné naissance à Pôle emploi fait peser une suspicion sur les intentions exactes des rédacteurs qui n'ont pas vocation à juger une réforme législative passée. Pas de cette manière.

Comme dans le cas de son brûlot contre la gestion de Sciences-Po' où il apparait que la Cour a parfois émis des comparaisons hâtives voire erronées, l'Unedic apporte des réponses qui viennent nuancer le tableau assez sombre dressé par les magistrats de la rue Cambon. Une chose est sûre : il y a matière à réforme mais pour ce faire, nous estimons que l'articla 24 alinéa 1er de la Constitution est plus adapté que ce type de document qui devrait être réservé aux Autorités publiques et non à la place publique. Rappelons que l'article 24 prévoit que le Parlement "évalue les politiques publiques". Notre idée d'une démocratie moderne, c'est une Cour des comptes qui respecte la lettre de l'article 47-2 et s'en remette au Parlement plutôt que de le "by-passer" de la sorte.

Ce n'est pas la première fois et seul le théâtre de Pirandello peut supporter le comique de répétition. Là, il y a manquement à la lucidité républicaine et constitutionnelle. En jouant ainsi avec des bruits dans l'agora, la Cour des comptes ne se rend pas compte des forces qu'elle peut être amenée, à son corps défendant, à susciter et sublimer. Si Monsieur Mittal ferme un jour Grandange, le haut magistrat signataire du rapport prendra un exemplaire de celui-ci, se rendra en Lorraine et expliquera tout ça à des gens à la vie ouvrière brisée. Non, c'est vrai, son statut le protège du contact avec la Nation...

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Jean-Yves Archer est énarque ( promotion Léonard de Vinci ), économiste et fondateur de Archer 58 Research : société de recherches économiques et sociales. Depuis octobre 2011, il est membre de l’Institut Français des Administrateurs (IFA).  

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