Au nom du secret des affaires, les journalistes seraient-ils privés du droit d’informer ?

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Par Laure De Charette Modifié le 29 janvier 2015 à 11h48
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375 000 EUROSLe journaliste accusé de violer le secret des affaires risquerait jusqu'à 375 000 euros d'amende.

Le gouvernement chercherait-il, en toute discrétion, à mettre des batons dans les roues des journalistes d'investigation ? C'est ce que ces derniers craignent : d'après eux, le projet de loi Macron, actuellement discuté à l’Assemblée nationale, contient un amendement, "glissé en catimini, qui menace d’entraver le travail d’enquête des journalistes et, par conséquent, l’information éclairée du citoyen". Ils le déplorent dans une tribune très engagée publiée aujourd'hui dans Le Monde. Face à ce soulèvement général, Bercy recule.

C'est la presse qu'on muselle

Pourquoi une telle inquiétude ? Parce que le texte crée un "secret des affaires" dont la définition autorise "ni plus ni moins une censure inédite en France" selon les journalistes.

Ils ne veulent donc pas croire en l'argument donné par le ministère, à savoir la "lutte contre l’espionnage industriel".

Concrètement, les très nombreux journalistes signataires de la tribune, ainsi que les syndicats de la presse, le Président de la conférence des écoles de journalisme et même l’association du Prix Albert Londres, donnent un exemple pour que les lecteurs comprennent bien de quoi il retourne : d'après eux, "avec la loi Macron, vous n’auriez jamais entendu parler du scandale du Médiator ou de celui de l’amiante, de l’affaire Luxleaks, UBS, HSBC sur l’évasion fiscale, des stratégies cachées des géants du tabac, mais aussi des dossiers Elf, Karachi, Tapie-Crédit lyonnais".

Pire, la simple révélation d’un projet de plan social pourrait, en l’état, elle aussi, tomber sous le coup de la loi Macron selon eux.

Une disposition spéciale prévoit même que la justice puisse empêcher la publication ou la diffusion d’une enquête.

Les journalistes pas concernés !

Que risque le journaliste qui enquêterait d’un peu trop près sur une entreprise ? S’il viole ce secret des affaires, il encourt trois ans d’emprisonnement et 375000 euros d’amende. La mise est doublée en cas d’atteinte à "la souveraineté, à la sécurité ou aux intérêts économiques essentiels de la France".

Et de conclure : "Nous, journalistes, refusons de nous contenter de recopier des communiqués de presse pour que vous, citoyens, restiez informés".

Mais face à la bronca, le ministre de l'Economie Emmanuel Macron a annoncé que les dispositions sur le secret des affaires contenues dans sa loi seraient amendées. Quatre amendements devraient être proposés, notamment afin de garantir que le délit créé ne sera "pas applicable aux journalistes".

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Journaliste depuis 2005, Laure de Charette a d'abord travaillé cinq ans au service France du quotidien 20 Minutes à Paris, tout en écrivant pour Economie Matin, déjà. Elle est ensuite partie vivre à Singapour en 2010, où elle était notamment correspondante du Nouvel Economiste et où elle couvrait l'actualité politique, économique, sociale -et même touristique !- de l'Asie. Depuis mi-2014, elle vit et travaille à Bratislava, en Slovaquie, d'où elle couvre l'actualité autrichienne et slovaque pour Ouest France et La Libre Belgique. Elle est aussi l'auteur de plusieurs livres, dont "Chine-Les nouveaux milliardaires rouges" (février 2013, Ed. L'Archipel) et "Gotha City-Enquête sur le pouvoir discret des aristos" (2010, Ed. du Moment). Elle a, à nouveau, rejoint l'équipe d'Economie Matin en 2012.

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