Un autre PIB « officiel » voit le jour aux États-Unis

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Par Alexandre Lagny Publié le 23 juin 2014 à 2h31

Chacun sent confusément que la mesure du PIB et son corolaire, la croissance, ne reflètent pas véritablement l'économie réelle. Certaines tentatives, comme l'indice du bonheur ou le PIB durable, veulent y remédier. Plus sérieusement, la production brute, pourrait devenir un indicateur plus fiable, capable d'aider les entrepreneurs.

Mark Skousen est l'auteur de The Structure of Production, un best-seller d'économie, fait plutôt rare. Dans son livre, Skousen explique que l'économie moderne minimise l'importance des entreprises et accorde une trop grande importance aux dépenses de consommation. Il croit en particulier que le PIB ne doit pas être utilisé comme une mesure unique de l'activité économique.

Mark démontre qu'une image plus précise de l'économie pourrait être fournie par une autre statistique : la croissance de la production brute (gross output). Celle-ci prend en compte les investissements réalisés par les entreprises dans un but de production de biens ou services, tels que l'achat de nouveaux équipements, matériels et autres transactions dites business-to-business.

Plus de deux décennies après la parution de The Structure of Production, le Bureau de Recherches Economiques américain a récemment annoncé qu'il calculerait et publierait les données officielles de la production globale et lui accorderait le même degré d'importance que le PIB. Mark a décrit cet événement comme « probablement le plus grand triomphe de ma vie », ajoutant que « Cela aura une très forte influence sur notre compréhension de l'économie et de l'investissement ».

Dans un éditorial du Wall Street Journal, Mark explique l'intérêt de la production globale en tant que mesure officielle de l'économie au même titre que le PIB. Pourquoi prêter attention à la production brute ? Pour commencer, les recherches que j'ai publiées en 1990 montrent qu'elle jauge mieux l'activité économique globale. Le PIB est une mesure importante pour le standard de vie d'un pays et pour l'augmentation de la production. Mais il reste focalisé sur la production finale en omettant les productions intermédiaires et entraîne par conséquent des erreurs dans notre compréhension du fonctionnement de l'économie.

En particulier, cela a conduit à la notion keynésienne erronée selon laquelle les dépenses publiques et de consommation alimentent plus l'économie que ne le font l'épargne, l'investissement des entreprises, la technologie et l'entreprenariat. Les données du PIB à la fin 2013 placent au premier rang les dépenses de consommation (68% du PIB), suivies par les dépenses publiques (18%), et enfin l'investissement des entreprises en troisième (16%). Les exportations nettes (-2%) comblent l'écart.

Ainsi les journalistes et de nombreux économistes estiment que « les dépenses de consommation mènent l'économie ». Ils se concentrent toute leur attention sur les ventes de détail ou le sentiment des consommateurs comme si c'était un facteur clé alimentant l'économie et les marchés financiers. Il y a derrière cette analyse une mentalité anti-épargne, comme le prouvent les déclarations fréquemment faites lors des débats concernant les réductions de taxes ou remboursements d'impôts. A priori, si les consommateurs épargnent ces allégements d'impôts au lieu de les dépenser, cela n'occasionne rien de bon pour l'économie. Les présidents comme George W. Bush et Barack Obama ont renforcé ce sentiment lorsqu'ils ont incité les consommateurs à consommer au lieu d'épargner et investir les gains de baisse de taxes.

Bien que les dépenses de consommation comptent pour 70% du PIB, si vous utilisez la production brute comme une mesure plus large des ventes et dépenses totales, les dépenses de consommation des ménages ne représentent plus que 40% de l'économie. La réalité est que les dépenses des entreprises – en ajoutant les investissements en capital et toutes les dépenses des entreprises dans les étapes intermédiaires des chaines de production – sont substantiellement plus importantes que celles des ménages. Elles participent en effet à plus de 50% de l'économie.

Mark pointe également du doigt un second avantage de la production brute dans un papier pour Forbes : cet indicateur est plus volatil et montre plus distinctement les récessions et booms économiques :

La production brute est de manière significative plus sensible aux cycles économiques. Durant la forte récession de 2008-2009, le PIB nominal n'est tombé que de 2% (largement compensé par des augmentations colossales des dépenses gouvernementales), mais la production globale a chuté de plus de 7%, et la consommation intermédiaire de 10%. Depuis 2009, le PIB a augmenté de 3-4% tandis que la production globale a progressé de plus de 5% par an.

En observant les dépenses totales dans l'économie au travers de la production globale, les entreprises prennent la plus grande portion de l'économie.

Récemment, Mark expliquait pourquoi la prise en compte de la production globale est une victoire pour l'économie de l'offre :

« Pour clairement comprendre l'économie, nous avons besoin de savoir combien les entreprises dépensent pour créer des biens, mais cette donnée n'apparaît pas dans le PIB qui compte uniquement combien d'argent est dépensé pour acheter des biens et services qui sont passé par toutes les étapes de production – comme le marteau, les livres, lave-vaisselle, ou services de nettoyage. »

Le débat intellectuel oppose les partisans de John Maynard Keynes d'un côté, qui défendent que la croissance dépend de la demande, contre les tenants de l'école autrichienne de l'autre, Friedrich Hayek en tête, qui argumentent que c'est la production qui alimente les booms économiques, et non la demande des consommateurs.

« Une plus forte demande n'est que la conséquence de la croissance économique, pas la cause. La véritable source de la croissance est l'investissement dans les processus de production pour augmenter la qualité et la quantité des biens et services qui sont produits. »

Parce que la production globale fournit un meilleur indicateur de l'économie, je pense que cela annoncera une nouvelle ère de recherche économique, et je crois que cela aidera à rétablir l'importance de l'épargne et de l'investissement au regard des dépenses de consommation. »

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  Etudiant de première année en école de commerce, passionné d’économie et de finance depuis plusieurs années, Alexandre Lagny est un contributeur des Publications-Agora depuis plus de six mois dans le cadre d’un stage.       

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