Baisse des dépenses publiques : que disent les hésitations du gouvernement sur le sens du macronisme ?

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 8 juin 2018 à 12h17
Hausses Baisses 1er Mai 2
10%La TVA est passée de 18,6% à 5,5% dans la restauration, puis a été relevée de 5,5 % à 7 %, en 2012, puis de 7 % à 10 %, en 2014

Le gouvernement multiplie les palinodies sur la baisse des dépenses publiques. Les incertitudes sur la baisse des aides sociales en donnent une bonne illustration. Parallèlement, Bruno Le Maire évoque la possibilité de remettre en cause certains taux réduits de TVA. Ces hésitations en disent long sur l’impréparation symptomatique du macronisme à la baisse des dépenses publiques.

Depuis plusieurs jours maintenant, le gouvernement laisse planer l’incertitude sur la meilleure façon de baisser les dépenses publiques. Tantôt, il est question de tailler dans les aides sociales. Tantôt, ce sont les prétendus « 140 milliards d’aides aux entreprises » qui seraient dans le collimateur. Bruno Le Maire vient d’en préciser l’idée : il remettrait en cause certains taux réduits de TVA (probablement celui sur la restauration).

Ces hésitations illustrent parfaitement l’impréparation d’Emmanuel Macron et de son équipe face à la baisse des dépenses publiques. Admirateur fondamental de l’État, le Président de la République a peu d’idées sur la voie à suivre pour en réduire le périmètre. La diminution de 3 points de PIB des dépenses publiques à la fin du quinquennat devrait rester lettre morte.

De la difficulté de baisser les dépenses publiques

La note de France Stratégie sur la baisse des dépenses publiques a bien mis en exergue le champ étroit des stratégies possibles en la matière. Partout dans le monde, les pays qui se sont risqués à cet exercice ont taillé dans les dépenses sociales et dans la masse salariale des fonctionnaires.

Le principe d’une compression des aides sociales, qui représentent 70 milliards de dépenses, est à peu près acquis. Toute la difficulté est de savoir comment le gouvernement fera passer la pilule alors qu’Emmanuel Macron avait promis qu’il augmenterait certains minima sociaux. En attendant d’avoir fixé une ligne, le gouvernement rame pour expliquer que les dépenses ne diminueront pas, mais que leur efficacité augmentera.

On comprend intuitivement l’angoisse macronienne sur ce sujet. Déjà figé dans l’image d’un « président des riches », Emmanuel Macron pourrait laisser beaucoup de plumes dans cette opération et s’ancrer définitivement dans une fracture systémique avec les milieux populaires.

Il n’en reste pas moins que les hésitations du gouvernement sur ce point donnent le sentiment d’une grande confusion, reflet d’une probable réalité politique. Le gouvernement ne sait pas vraiment où il va. Il est prisonnier de la logique comptable de l’ancien monde: il faut trouver de l’argent pour tenir les engagements européens, mais comme on n’a aucune vision sur ce que doit être un État sobre, on fait des calculs d’apothicaire pour tomber sur le bon chiffre.

Le silence gênant de Macron sur la masse salariale des fonctionnaires

Alors que tous les pays qui ont baissé les dépenses publiques ont taillé dans le vif de leurs fonctionnaires, le gouvernement évacue savamment cette possibilité. On occupe le terrain avec des questions sur les aides ou sur les aides aux entreprises, mais on esquive toute possibilité de diminuer le nombre de fonctionnaires.

Pourtant, ceux-ci sont pléthoriques, et personne ne songe à mesurer leur productivité. Il n’existe toujours aucune mesure exacte de leur temps de travail, et leur performance relève de la grande nébuleuse intergalactique.

Les sujets ne manquent pas où l’inefficience du service public devrait être l’objet de scandales publics. Il ne se passe pas une semaine sans une affaire emblématique. Par exemple, le ministère de l’Intérieur a finalement abandonné l’application mobile qu’il avait achetée pour lancer des alertes aux attentats. Elle produisait trop de bugs ! Combien de fonctionnaires ont été sanctionnés après ce naufrage technique et financier ? Aucun bien entendu. C’est pourtant l’argent du contribuable qui s’est envolé en fumée.

Le fantasme des 140 milliards d’aide aux entreprises

Au lieu de soulever le problème d’une fonction publique obèse et peu productive, le gouvernement décide finalement de s’attaquer aux aides aux entreprises, qui représenteraient, paraît-il, 140 milliards €. La signification de ce chiffre n’est mise en question par personne, et cette passivité (à commencer par celle de la presse) sur la notion d’aide aux entreprises est déjà un indice de l’étourdissement profond de l’opinion publique face à la puissance étatique.

Dans les aides aux entreprises, le gouvernement range le CICE et les taux réduits de TVA. C’est un choix idéologique très proche de tous ceux qui ont une ligne « anti-business » comme on dit. Or, le fait que le CICE et les taux réduits de TVA soient des aides aux entreprises laisse perplexe.

S’agissant du CICE, Emmanuel Macron avait annoncé qu’il le convertirait en baisse définitive de cotisations sociales. Dans cette hypothèse, il perdrait sa « qualité » d’aide aux entreprises. Le gouvernement prépare-t-il le terrain à un abandon de cette mesure ?

S’agissant de la TVA, il faut rappeler inlassablement qu’elle n’est pas payée par les entreprises, mais par le consommateur final. L’existence de taux réduits de TVA est une mesure de justice sociale, puisqu’elle permet de rendre plus accessibles certains biens primaires de consommation. Supprimer certaines taux réduits contribuera seulement à réduire la consommation de ces biens, et à mettre en difficulté ceux qui les produisent.

Puisque c’est la TVA réduite sur la restauration qui est dans le collimateur, sa suppression mettra seulement un peu plus en difficulté les petits restaurants traditionnels tenus par des travailleurs indépendants. Cette décision accélérera un peu plus le grand remplacement de nos bistrots par des kebabs et permettra de faire financer par les très petites entreprises la baisse immédiate des finances publiques. Dès l’année suivante, les recettes de TVA baisseront, du fait des cessations d’activité qui s’en suivront.

Qu’est-ce que le macronisme ?

Progressivement, c’est le portrait en creux du macronisme qui se dessine. On voit bien qu’au-delà des quelques mesures décidées en début de quinquennat, le programme macronien était à la limite du flou et du nébuleux. Il repose largement sur des improvisations de circonstance.

Dès lors qu’il s’agit de baisser la dépense publique, l’essence du macronisme revient au galop. Réticent à toucher à la masse salariale des fonctionnaires de l’État, conformément à la doctrine de Bercy dont il est un pur produit, Emmanuel Macron préfère recourir aux réflexes traditionnels de l’ancien monde : baisser les aides aux pauvres et augmenter la pression fiscale des entreprises.

Beaucoup de commentateurs ont répété sans esprit critique le gimmick auto-proclamé d’un Macron pro-business. Cette illusion, on le sait aujourd’hui, a permis de drainer de nombreux dons pendant la campagne électorale. Dans la pratique, Emmanuel Macron ne touchera pas fondamentalement à l’État obèse, et défendra avant toute chose les privilèges des fonctionnaires. Dût-il, pour cela, casser de nombreux pots dans le tissu économique.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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