Bienvenue Madame Lagarde

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Par Hervé Goulletquer Publié le 3 juillet 2019 à 10h56
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A son nouveau poste de Présidente de la BCE, elle devra faire en sorte que le Conseil des gouverneurs soit à même de décider « vite et bien », tout en maintenant son unité. Dans un environnement international, qui reste challenging, les qualités qu’on lui prête (« grosse bosseuse », sens de la négociation et savoir s’entourer) seront utiles.

Christine LAgarde, après le FMI la BCE

Dans la salve des nominations (encore à confirmer et en sachant que le poste de Président du parlement n’est pas attribué ; il ne le sera que plus tard aujourd’hui ou dans les jours qui viennent) au plus haut niveau de l’Union Européenne, on a envie de retenir (par ordre d’importance croissant) les points suivants : quatre francophones, deux femmes et Christine Lagarde choisie pour prendre la tête de la BCE.

C’est évidemment sur la préférence donnée à Christine Lagarde que les marchés vont s’arrêter. Après une carrière à succès comme juriste, elle s’est lancée dans la politique, milieu dans lequel elle a occupé des fonctions importantes dans des domaines économiques : ministre du commerce extérieur puis de l’économie et des finances en France et directrice générale du FMI. Elle n’est ni une experte en politique monétaire, ni une spécialiste des marchés financiers. Mais, et c’est peut-être plus important, on lui reconnait trois qualités : être une « grosse bosseuse », avoir un vrai sens de la négociation et savoir s’entourer.

Arrêtons-nous toutefois un instant sur le domaine de la politique monétaire. D’accord, sa réputation est à faire en la matière. Notons cependant que c’est un thème dont elle a eu à s’emparer en tant que directrice générale du FMI. L’institution internationale n’a-t-elle pas, au nombre de ses missions, la recommandation de politique économique ? Christine Lagarde a plutôt une réputation de dove. Plus fondamentalement, son efficacité sera jugée demain à la double aune de faire ressortir les idées les plus avisées des équipes de la BCE et d’animer le Conseil des gouverneurs.

Maintenir une unité

Un récent papier de Bruegel, l’institut de recherche bruxellois (https://bruegel.org/2019/06/the-evolution-of-the-ecb-governing-councils-decision-making/) donne un éclairage intéressant sur le processus de décision au sein du Conseil. Cela envoie un message sur la façon de le gérer. Rappelons que les décisions peuvent être prises de trois façons :

  • à la majorité,
  • à l’unanimité,
  • de façon consensuelle (les membres sont soit d’accord, soit n’expriment pas d’objections).

Qu’observe-t-on ? Disons que sous le mandat de Duisenberg, les choses se mettent en place. La transparence est moyenne et le consensus, plutôt la règle. Sous la houlette de Trichet, plus de maturité apparaît, avec un degré élevé de transparence et des décisions le plus souvent prises à l’unanimité. Avec Draghi, la première mission est de gérer des temps particulièrement difficiles ; ce qui est passé par la mise en place des politiques non-conventionnelles. La transparence en a pâti et le mode de décisions n’a pas été très stable.

Quel message est alors envoyé à Madame Lagarde ? Sans doute est-il double et contradictoire. D’un côté, dans un environnement challenging, il faut s’assurer que le Conseil des gouverneurs est en mesure de décider « vite et bien ». Ce qui peut impliquer de ne pas « embarquer tout le monde » dans la décision à prendre. D’un autre, pour que le Conseil reste opérant, il est clé de maintenir son unité. Cela veut dire être attentif à ne pas créer des blocs en son sein, qu’ils soient géographiques ou analytiques.

Passons à la toile de fond des marchés internationaux et revenons d’abord sur les relations sino-américaines. La conclusion de la rencontre entre les Présidents Trump et Xi, en marge du Sommet du G20 samedi dernier, est sans surprise sur les principes : une trêve dans les sanctions prises de part et d’autre et l’annonce d’une reprise des discussions. Sans qu’une date pour un éventuel accord ne soit proposée. Dans le détail, le tableau ci-dessous présente les points connus. Disons qu’il apparait que les avancées « favorables » sont plus nombreuses côté chinois qu’américain. Avec qui plus est, moins de pressions de mises sur Huawei.

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Il est donc nécessaire d’être attentif au débat à venir aux Etats-Unis. Va-t-on voir apparaître des critiques, selon lesquelles Donald Trump aurait fait preuve de faiblesse ? Cela serait politiquement (électoralement) mauvais pour lui. Sans trop de surprise, les pare-feux ont vite été mis en place. La Maison Blanche précise qu’il n’y a pas d’« amnistie générale » concernant Huawei. L’accès aux fournitures américaines est soumis à autorisation du gouvernement et le marché américain reste en principe fermé aux équipements que l’entreprise chinoise produit. Sans doute est-il sage de ne pas trop extrapoler les « propos d’estrade » tenus à Osaka. Une trêve est très loin de conduire assurément à un accord de paix. Tout au long de l’histoire, beaucoup ont été rompues.

En attendant, pour se mettre à parler d’économie, la situation continue de se dégrader dans le secteur manufacturier mondial. Ce qui envoie un message de crainte légitime sur la tenue de l’activité dans les services.

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L’environnement international reste compliqué. Depuis sa « tour de guet » du FMI, Christine Lagarde le sait. A elle d’agir dans le cadre de la Zone Euro !

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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