La nécessaire réforme du big data

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Par Léo Souquet Publié le 30 avril 2016 à 5h00
Big Data Formation Metiers Reforme
54,3 milliards $Le marché du Big Data pèsera 54,3 milliards de dollars d'ici 2017.

La parution récente de deux études, l’une initiée par l’OPIIEC et l’autre par la Commission TIC de l’Académie des Technologies, le confirme : le Big data est au cœur des réflexions actuelles et futures. Les deux rapports pointent des problématiques incontournables, à commencer par une organisation actuelle inadéquate et la nécessité de mettre au point des outils qualitatifs et quantitatifs pertinents pour accompagner les entreprises dans leur transformation digitale.

Un buzz médiatique autour du phénomène Big data

Si le sujet de ses applications industrielles est encore récent et mal connu, il génère un véritable buzz : c’est la conclusion de l’étude de l’OPIIEC, qui rappelle que l’engouement autour du phénomène Big data n’est pas sans impliquer certains abus de langages. Ainsi, tout type de traitement de données se voit désormais affublé de ce label à la mode. Force est cependant de constater qu’en tant que véritable révolution pour les entreprises, le Big data est susceptible de remodeler en profondeur la manière qu’ont les entreprises de faire des affaires. Ce défi dépasse le cadre strict des sphères IT et statistique : il s’agit d’un sujet décisionnel impactant de manière transversale l’ensemble des fonctions de l’entreprise.

Une confusion demeure cependant, imposant une nécessité que l’étude de l’OPIIEC comme celle de la Commission TIC de l’Académie des Technologies soulignent à juste titre : celle de distinguer les notions de Big data et de data science, certes liées mais bien indépendantes. Car le terme Big data est souvent utilisé pour catégoriser la Data Science, alors que celle-ci n’est pas nécessairement du Big Data : plus large et pas nécessairement prédictive, elle pourrait être définie par tout type de traitement statistique nécessitant des traitements plus complexes que les outils classiques, tout en faisant appel à grand nombre de compétences en programmation. Le Big Data n’est donc pas de la Data Science : c’est une branche d’application de la Data Science. Et chacune des disciplines mérite à ce titre des formations certes complémentaires, mais spécifiques.

Big data et data science : une pénurie de compétences à déplorer

Car le souci principal se pose bien en termes de formation : une réelle pénurie de compétences est à déplorer dans chacun de ces domaines, alors que la demande ne fait qu’enfler : comment y répondre avec pertinence ?

A cet égard, le rapport de l’Académie est très éloquent : “le Big data, c’est un changement de paradigme qui mérite un accompagnement national des pouvoirs publics et une prise de conscience des grandes entreprises. Le besoin évident en formation doit être couvert par la mise à disposition de centres de ressources informatiques et de corpus de données, pour que les étudiants et les ingénieurs puissent développer par la pratique ces compétences essentielles pour le 21ème siècle”. Car ce sont bien de compétences essentielles pour l’avenir qu’il s’agit. Et même de “quadri-compétences”, tant en systèmes d’information, en informatique scientifique, business et management, qu’en éthique et en droit.

Et sans nul doute, la formation doit s’attarder de manière exhaustive sur la gouvernance des données : ses enjeux pour l’entreprise, au regard de leur qualité, de la conformité aux cadres réglementaires, de la sécurité, des bonnes pratiques et des bénéfices attendus. Contributrice majeure de la valeur des données, la fonction de la gouvernance repose sur toute une culture de la donnée qu’il faut sans conteste faire évoluer. Pour cela, l’OPIIEC le rappelle : un véritable bouleversement doit être initié. Car le partage des données n’est pas, historiquement, dans la culture des entreprises. D’une curiosité initiale vient vite à la frilosité, et la réticence au changement reste la souvent la norme. Sans parler de la question de la traçabilité des données, dans un contexte d’enjeux toujours plus forts en matière de sécurité des données, mais aussi d’éthique et de législation. Dans ce contexte, les questions sont nombreuses : quelle est la structure la mieux calibrée pour piloter la donnée ? Qui pour en assurer la traçabilité ? Faut-il mettre en place une fonction Chief Data Officer (CDO) ? Et selon quel niveau hiérarchique ? Autant de questions auxquelles il est encore très difficile de répondre à l’heure actuelle et qui devront d’ailleurs attendre des études des sciences de gestion, voire de la sociologie.

Il est d’ailleurs étonnant de constater au sein des études mentionnées le niveau de confidentialité sur les projets menés en interne. La question de la facilité - ou plutôt de la difficulté - avec laquelle les entreprises communiquent sur leurs projets Big data est donc inévitable. Car ce que l’on sent entre les lignes de ces rapports, c’est que de nombreux projets ont bel et bien démarré, mais qu’il n’est pas encore de bon ton de parler ouvertement de leur mise en production. Dans ces conditions de communication limitée, voire inexistante, comment donner envie aux jeunes de se former et aux ingénieurs de se spécialiser dans ce domaine ? La question est également d’ordre éthique et juridique : à quel point peut-on communiquer sur la donnée et surtout, son exploitation ? Dans quelle mesure le marché est-il prêt ? Comment la population réagirait-elle si on lui disait ouvertement ce qu’on fait de la donnée ? Autant de questions directement liées à la notion de la transparence publique ou privée, qui remettent en cause les limites, le cadre et le contexte de la gouvernance des organisations. Mais qui interrogent également la nécessité d’un renforcement de la formation sur les aspects de l’éthique et du droit, tels que très largement souligné par ces études.

Une nécessité : réformer le système actuel

S’il est dommage que les études ne fassent pas une part plus belle à des intervenants issus de l’enseignement supérieur, elles laissent apparaître une conclusion inévitable : le cadre de la formation professionnelle n’est pas toujours en phase avec la réalité. Pire : elle ne répond pas à la nécessité d’adaptation et d’évolution du métier, dans un cadre français qui n’apporte pas de réponse à la demande de manière qualitative ou quantitative. Tout ce que l’on se contente de dire à l’heure actuelle, c’est qu’il faut changer le système un jour ou l’autre. On peut donc légitimement se poser les questions suivantes : que vont faire les branches pour faire bouger les choses ? Comment répondre aux problématiques de financement ? Comment faire évoluer le cadre pour coller aux besoins émergents ? La balle est désormais dans le camp des branches, qui ont toutes les clés en mains pour faire admettre à qui de droit qu’il est temps de proposer une réforme à l’Etat pour financer de nouvelles modalités de formation afin que la France rentre enfin dans une cadre de la formation supérieure « tout au long de la vie » (lifelong education) de haut niveau, tournée vers l’industrie vers l’international, tel que l’on observe une « curieuse » corrélation avec leur vitesse de sortie des crises économiques.

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Léo Souquet, DG – Relations extérieures de DSTI.

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