Le halving du bitcoin aura-t-il des conséquences sur son cours ?

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Par Philippe Herlin Publié le 22 avril 2020 à 7h29
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6300 EUROSUn bitcoin valait un peu plus de 6.300 euros le 22 avril 2020.

Le « halving » arrive bientôt, il est prévu le 11 mai. Voyons quelle peut être son influence sur le cours du bitcoin…

Qu’est-ce que le halving ?

Nous savons que le bitcoin fonctionne de façon décentralisée et que les transactions sont validées par les «mineurs». Pour cela ils font tourner des programmes informatiques 24 heures sur 24 sur des ordinateurs surpuissants dédiés spécifiquement à cette mission. Cette opération consiste à résoudre un problème mathématique complexe, ils sont en concurrence et le premier qui réussit à valider un bloc de transactions est récompensé en bitcoins créés pour l’occasion (ainsi que par les frais des transactions). Voilà comment le système fonctionne, il se boucle sur lui-même : ceux qui sont chargés de veiller à son bon fonctionnement ne le font pas par philanthropie, ils sont financièrement intéressés. Ils investissent dans du matériel informatique, payent des factures d’électricité, mais au final ils gagnent de l’argent.

Cependant cette récompense est divisée par deux tous les quatre ans. Du 3 janvier 2009 (date de la première transaction) au 28 novembre 2012, la récompense pour la validation d’un bloc de transactions était de 50 bitcoins (BTC), ensuite elle est passée à 25 BTC entre 2012 et 2016, depuis le 9 juillet 2016 elle est de 12,5 BTC, elle tombera précisément à 6,25 BTC en mai 2020 et ainsi de suite (3,125 BTC en 2024, 1,5625 BTC en 2028…). Ce mécanisme fait partie de l’algorithme, il ne peut pas être modifié et, de la sorte, on peut calculer que le nombre total de bitcoins en circulation ne pourra jamais dépasser 21 millions, voici comment est inscrite dans le code cette limitation.

Le halving n’est pas déterminé par une date mais par un nombre de blocs : il a lieu tous les 210.000 blocs exactement, et chaque bloc est constitué toutes les 10 minutes environ, à quelques secondes près, ce qui, sur plusieurs années, introduit un décalage de quelques semaines ou mois. On estime que le prochain halving aura lieu autour du 11 mai.

Quel impact sur le cours ?

C’est LA question cruciale, bien sûr. Les avis sont tranchés, certains attendent le halving avec espoir, d’autres considèrent qu’il n’a aucune influence sur le cours parce que cet événement est totalement prévisible, et donc déjà intégré par le marché. Que faut-il en penser ?

Effectivement, la théorie économique enseigne qu’un événement connu à l’avance est déjà intégré dans les cours, et que le jour où il se produira effectivement, son influence sera nulle. Cela semble être le cas pour le halving, dont les caractéristiques sont parfaitement connues. Mais en fait le problème est plus complexe : le halving n’est pas un événement ponctuel, c’est un changement de politique monétaire dont l’influence s’étend sur plusieurs années, jusqu’au prochain halving, on ne peut donc pas intégrer à l’avance tous ses effets.

Prenons un exemple pour bien comprendre. Imaginons que la Banque Centrale Européenne convoque une conférence de presse extraordinaire pour annoncer un changement radical de sa politique monétaire : arrêt définitif des rachats d’obligations souveraines (QE), fin des taux zéro et remontée des taux d’intérêt au niveau de 3 à 4%, supérieur à l’inflation donc. Une telle annonce provoquerait des mouvements d’ampleur sur les marchés financiers (obligations, actions, matières premières, etc.). Au bout de quelques jours les choses se calmeraient, en serions-nous pour autant quitte avec cette annonce ? Pas du tout car les effets de cette nouvelle politique monétaire de la BCE seraient profonds et durables : les prix de l’immobilier, jusqu’ici soutenus par les taux faibles, se mettraient à baisser, ou à s’effondrer, des pays endettés se trouveraient en difficulté, des banques et des assureurs seraient menacés de faillite… Il est impossible d’évaluer le jour de l’annonce tout ce qui va se passer, c’est tout l’environnement économique qui va se modifier progressivement. Il en va de même avec le halving, il s’agit d’un changement profond de la politique monétaire du bitcoin dont les effets ne peuvent pas être mesurés une fois pour toutes.

Toute l’industrie du minage va être affectée en profondeur, en mai prochain les mineurs vont voir leur récompense divisée par deux, au lieu de toucher 12,5 bitcoins par bloc, ils vont devoir se débrouiller avec 6,25 BTC pour payer leur matériel, leurs factures d’électricité et préserver leur marge, c’est une véritable restructuration ! Comme ils revendent une partie de ces bitcoins pour couvrir leurs frais, les mineurs vont ainsi diviser par deux la pression baissière sur le cours du bitcoin. Au-delà, tout l’écosystème du Bitcoin va être impacté à des degrés divers, il y aura moins de bitcoins réinjectés dans le système (1.800 BTC par jour avec une récompense à 12,5 BTC par bloc toutes les 10 minutes, 900 BTC après le halving) et il faudra faire avec. Personne ne peut mesurer précisément toutes ces conséquences, mais lorsque l’on regarde les précédents halvings, on peut constater qu’ils ont été suivis d’une hausse du cours. On peut donc être optimiste.

La résistance à l’inflation

Cette création de bitcoins toutes les 10 minutes pour récompenser les mineurs, c’est littéralement de la création monétaire, et qui dit création monétaire dit inflation. Au tout début, dans les premiers mois de 2009, lorsque très peu de bitcoins existaient et que 50 en étaient créés toutes les 10 minutes, le taux d’inflation annuel était supérieur à 100% ! Puis ce chiffre a rapidement diminué pour passer sous les 10% lors du deuxième halving, entre 2012 et 2016.

Actuellement nous sommes à une inflation annuelle de 3,8%, elle passera à 2% après le halving de mai prochain. Ce chiffre de 2% correspond au taux d’inflation des pays de l’OCDE, il n’y aura donc plus aucun excès de bitcoins créés par rapport à l’évolution générale des prix, alors qu’actuellement il y en a un peu trop, voilà qui ne peut être qu’encourageant pour le cours du bitcoin.

Un des principaux avantages du bitcoin est sa résistance à l’inflation. Le fait que le protocole ne puisse pas évoluer de façon drastique empêche de modifier sa politique monétaire, elle est gravée dans le code depuis le premier jour. Voilà une différence radicale avec les banques centrales qui usent et abusent de la planche à billets, encore plus depuis la crise du coronavirus. Ce déluge de liquidité ne produit pas encore d’inflation au sens strict, mais il génère ce qu’on appelle une «inflation d’actif» (immobilier, actions, matières premières, œuvres d’art) qui, un jour ou l’autre, risque de se retrouver dans les biens de consommation...

Le bitcoin est un actif déflationniste (offre limitée et valeur croissante), et cela, son fondateur Satoshi Nakamoto l’expliquait dès 2009 : « En ce sens, cela est plus typique d’un métal précieux. Au lieu de faire évoluer l’offre afin de maintenir la valeur de la monnaie inchangée, l’offre est prédéterminée, et c’est la valeur de la monnaie qui évolue. Comme le nombre d’utilisateurs augmente, la valeur de chaque ‘coin’ progresse. Le mécanisme s’alimente avec l’augmentation du nombre d’utilisateurs qui fait croître la valeur de Bitcoin, phénomène qui attire de nouveaux utilisateurs qui veulent tirer profit de la hausse de sa valeur. »

Il ne faut cependant pas avoir une vision purement mécanique du bitcoin, la rareté ne fait pas tout. La valeur du bitcoin repose surtout dans l’utilité qu’il apporte aux gens, notamment dans le fait de pouvoir transférer de la valeur sans recourir à un intermédiaire, et ce à un tarif minime. L’investisseur doit suivre toutes les évolutions du bitcoin, au niveau technologique (facilitation des transactions, services liés à la blockchain) comme de la demande (popularité, arrivée des institutionnels), ainsi que l’écosystème des cryptomonnaies, c’est d’abord ce qui compte sur le long terme.

Pour plus d’information sur les cryptomonnaies, suivez ce lien.

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Philippe Herlin est économiste, Docteur en économie du Conservatoire National des Arts et Métiers, il a publié plusieurs ouvrages chez Eyrolles et rédige des chroniques hebdomadaires pour Goldbroker. Il écrit tous les vendredis un article sur l'art et la culture vus à travers l'économie, et intervient ponctuellement sur d'autres sujets. Son site : philippeherlin.com.

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