La réalité nouvelle d’une monnaie virtuelle alternative : le Bitcoin

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Par Sylvain Fontan Modifié le 18 novembre 2013 à 6h06

Apparue en 2009, la monnaie bitcoin était connue et utilisée essentiellement pas les geeks et l'économie souterraine. Stimulée par les tensions sur la dette souveraine européenne, la crise chypriote et par le buzz médiatique que cela a entraîné, le phénomène du bitcoin s'est développé. Différents pays réfléchissent à un moyen de contrôler une monnaie qui symbolise une nouvelle ère marquée par la globalisation, le numérique et la crise globale.

Nature et fonctionnement

Le bitcoin est une monnaie originale de par sa nature :

  • En effet, contrairement aux autres monnaies traditionnelles comme l'Euro ou le Dollar, les bitcoins ne se présentent pas sous forme de billets ou de pièces, mais sous la forme d'une monnaie électronique virtuelle.

  • Elle n'est pas émise par une banque centrale ou une institution financière, et elle n'est pas la devise d'un Etat souverain.

  • Le bitcoin est créé à partir d'un protocole technique lié à un algorithme. En d'autres termes, c'est une invention purement virtuelle qu'il n'est pas possible de posséder physiquement.

Le bitcoin est une monnaie originale de par son fonctionnement :

  • Au même titre que les autres monnaies, le taux de change du bitcoin (exprimé en dollars américains) est fonction de l'offre et de la demande. En revanche, contrairement à une monnaie traditionnelle dont la quantité disponible évolue selon les actions des institutions qui les émettent, le bitcoin évolue selon une règle mathématique préétablie sur laquelle il n'est pas possible d'agir et qui est capable de se développer de façon autonome. Dans ce cadre, la masse monétaire du bitcoin est plafonnée à 21 millions d'unités. Pour se faire, ils sont émis au rythme de 1 toutes les 25 minutes.

  • Pour disposer de bitcoins, il suffit concrètement de télécharger une application ou s'enregistrer sur un site spécialisé donnant accès à cette monnaie. A ce titre, les trois plateformes d'échange sur internet les plus importantes (90% du total des échanges) sont MtGox, Bitstamp et BTC-E.

  • Une fois enregistré, l'acquéreur potentiel peut acheter cette monnaie pour ensuite les stocker dans un porte-monnaie virtuel et ainsi l'échanger avec un tiers qui l'accepte.

  • Les échanges sont réalisés sans le contrôle des banques (pas d'intermédiaires, ni de frais bancaires) et dans l'anonymat le plus total (la monnaie n'est pas lié à l'identité du porteur mais à un numéro de compte anonyme).

Intérêt grandissant

L'évolution du prix du bitcoin a connu plusieurs périodes distinctes. En effet, alors que la monnaie virtuelle s'échangeait à moins d'un millième de dollar à sa création en 2009, elle valait un peu plus de 10 dollars en 2012, avant d'atteindre brutalement son plus haut historique à 266 dollars en avril 2013, pour finalement se "stabiliser" autour de 100 dollars depuis le mois de mai 2013. Dès lors, après une relative longue période avec un cours très bas, puis plusieurs mois d'emballement et de très forte volatilité (fluctuation des cours) au début de l'année, le bitcoin semble avoir trouvé sa valeur, même si celle-ci est toute relative et peu parfaitement encore évoluer, voire même fortement.

L'intérêt pour le bitcoin est très récent. En effet, le fait que le bitcoin soit passé de 10 dollars à plus de 250 dollars en l'espace de quelques mois, multipliant ainsi sa valeur par environ +2500%, a commencé à intriguer les observateurs dont certains craignaient la formation d'une nouvelle bulle. Néanmoins, même si les craintes pouvaient être légitimes jusqu'à un certain point, il convient de rappeler qu'une bulle ne peut exister que si elle repose sur des fondamentaux (immobilier, or, entreprises...) dont le prix du marché s'écarte trop fortement et longuement de sa valeur réelle. Or, dans le cas du bitcoin, cela n'est pas possible car par définition le bitcoin n'a pas de valeur.

La hausse des cours du bitcoin renvoie essentiellement à trois phénomènes :

  1. Une des raisons invoquée est la crise bancaire chypriote. En effet, il semble que cette dernière ai poussé les investisseurs de ce pays, et ceux qui y avaient investi, à se réfugier sur cette monnaie pour mettre leurs fonds à l'abri.

  2. Par la suite, les inquiétudes quant à la dette souveraine des pays européens, et notamment ceux du Sud de l'Europe, a amené certains citoyens (pour la plupart espagnols) à se tourner vers cette monnaie, craignant eux aussi qu'une partie de leur épargne ne soit mise à contribution pour renflouer les caisses de leur pays, comme ce fut le cas à Chypre.

  3. Enfin, dans un troisième temps, la hausse du cours s'explique également par la hausse de la demande pour cette monnaie liée à l'augmentation des sites acceptant les paiements en bitcoins et le buzz suscité par les médias à ce propos.

=> Les trois phénomènes ont contribué à augmenter sensiblement la valeur du bitcoin en très peu de temps car étant donné que l'offre est contrainte (au rythme de une unité émisse toutes les 25 minutes) la hausse brutale de la demande a mécaniquement fait exploser le cours du bitcoin.

Eléments de réflexion

Les bitcoins ne présentent pas les caractéristiques attendues d'une monnaie. En effet, une monnaie se caractérise par ses trois fonctions de base :

1) Une unité de compte acceptée de tous. Or, malgré l'apparente stabilité actuelle, les fortes fluctuations passées sur le cours du Bitcoin indiquent que son prix réel n'est pas connu, ce qui implique un manque de confiance certain. Typiquement, il y a peu de chances que quelqu'un accepte son salaire en bitcoins s'il peut valoir deux fois moins le lendemain. La stabilité d'une monnaie est un aspect fondamental de la confiance.

2) Un outil de réserve de valeur et d'épargne. Le fait qu'il soit impossible de mettre physiquement de côté cet argent et qu'il n'existe aucun moyen autre que la spéculation pour faire fructifier cet argent, interdit cette fonction de base de la monnaie.

3) Un mode de règlement des transactions. Pour le moment, et malgré une nette augmentation au cours des derniers mois, le nombre de commerces (e-commerces, hôtels, restaurants...) qui acceptent ce mode de paiement dans le monde reste encore très faible. De plus, les problèmes de sécurité inhérents à cette monnaie (piratage...) rend inopérante cette éventualité. Enfin, il paraît compliqué d'aller acheter une baguette de pain ainsi.

Les gouvernements réfléchissent de plus en plus à cette question. En effet, du fait que le bitcoin soit une activité totalement dérégulée, les plateformes d'échanges sur internet n'ont pas besoin de s'enregistrer auprès des autorités de la régulation. Ainsi, au-delà de l'aspect "risque" potentiel que cela peut comporter aux yeux de ces organismes, cela implique surtout le fait que les Etats ne peuvent récolter d'impôt sur cette activité. De plus, le caractère d'anonymat fait que le bitcoin est devenu un moyen privilégié par plusieurs activités criminelles pour faire transiter leurs fonds, échanger de l'argent ou effectuer du blanchiment d'activités du type trafic de drogues et d'armes. Ainsi, plusieurs gouvernements, dont celui des Etats-Unis, du Canada et de l'Australie commencent à réfléchir sérieusement à un moyen pour encadrer ces monnaies qui échappent totalement à leur contrôle. A ce titre, l'Allemagne a déjà passé le pas car le pays a récemment annoncé la reconnaissance officielle de cette monnaie. Dès lors, l'ensemble des échanges peuvent dorénavant se réaliser dans cette devise en Allemagne. Très clairement, au-delà des aspects réglementaires, l'objectif tient essentiellement au fait que le pays peut maintenant prélever une taxe via la TVA.

Le bitcoin est passé du statut de monnaie "souterraine" à celui de concept. Alors qu'elle était très largement ignorée de la part des autorités monétaires mondiales, cette monnaie est devenue un enjeu presque théorique à l'heure de la globalisation financière et de la crise globale. En effet, cette monnaie fait écho à des théories économiques anciennes jusqu'alors jamais appliquées. Le système du bitcoin partage une partie des principes théoriques de l'école dite "autrichienne", dont Friedriech von HAYEK (prix Nobel d'économie 1974) est certainement l'économiste le plus connu. En substance, et entre autres, l'école autrichienne impute la responsabilité des cycles économiques (et donc des récessions) aux interventions sur le marché monétaire, dans un système ou les banques peuvent prêter plus d'argent qu'elles n'en ont en dépôt. Selon cette théorie :

  • la création monétaire provoque une augmentation de l'offre de monnaie qui conduit à des taux d'intérêts artificiellement bas.

  • Les entreprises sont alors incitées à emprunter pour financer des projets qui ne sont pas viables.

  • A terme, ce déséquilibre conduit inévitablement à une récession pendant laquelle les entreprises réajustent leur structure de production en éliminant les projets d'investissements défaillants.

  • Dès lors, l'école autrichienne milite pour l'abolition du système bancaire tel qu'il fonctionne actuellement.

Dans ce cadre, au même titre que le bitcoin, une monnaie devrait pouvoir être créée par n'importe qui et elle devrait avoir vocation à se passer du réseau bancaire classique, du contrôle d'une banque centrale ou de toute autorité monétaire centralisée.

Enfin, les interrogations autour de l'inventeur de cette monnaie font naître des fantasmes. En effet, l'inventeur de cette monnaie est connu sous le nom de Satoshi Nakamoto. Toutefois, ce n'est qu'un pseudonyme et la réelle identité de cette personne est un mystère à l'heure actuelle. Plusieurs hypothèses circulent à ce sujet. Il pourrait s'agir :

  1. d'un spécialiste finlandais en informatique qui a réalisé la toute première transaction avec la devise virtuelle (Martti MALMI);

  2. d'un spécialiste irlandais des codes informatiques (Michael CLEAR);

  3. de la personne qui a créé la plateforme d'échange de bitcoin MtGox (Jed McCALEB);

  4. d'un mathématicien japonais spécialisé dans la théorie des nombres (Shinichi MOCHIZUKI);

  5. d'un économiste finlandais ancien programmateur de jeux vidéo (Vili LEHONVIRTA).

Toutefois, et même si ce n'est peut-être pas l'hypothèse la plus probable, d'aucuns pensent que le bitcoin est la création d'un consortium de multinationales dont les première initiale forment exactement le nom SATOSHI NAKAMOTO, en l'occurrence il s'agit de SAmsung, TOSHIba, NAKAmichi et MOTOrola.

Retrouvez d'autres déceryptages économiques écrits par Sylvain Fontan sur son site : www.leconomiste.eu

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Sylvain Fontan, économiste et créateur du site www.leconomiste.eu   Parcours Professionnel   - Analyste-Investissement (Unigestion - Société de gestion d’actifs) - Analyste-Risque (RWE - Société de trading en énergie) - Analyste-Hedge Fund (BPER - Banque Privée Edmond de Rothschild) - Macroéconomiste (TAC - Laboratoire de recherche privé en économie et finance) - Chargé d’études économiques (OMC - Organisation Mondiale du Commerce) - Chargé d’études économiques (ONU - Organisation des Nations Unies)  

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