Bois français : ne scions pas la belle branche sur laquelle nous sommes assis

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Par Harold Blanot Publié le 13 octobre 2021 à 16h00
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700 kgun mètre cube de bois stocke en moyenne 700 kg de CO2

L’utilisation du bois français produit localement est une chance pour notre société et un levier indispensable pour être au rendez-vous de nos objectifs environnementaux. A l’approche des Assises des forêts et du bois du Grand Est, il est plus que jamais nécessaire de rappeler les atouts de notre modèle de sylviculture, fondé sur les multifonctionnalités de la forêt, estime Harold Blanot, propriétaire et professionnel forestier vivant dans le Morvan.

Le vendredi 26 novembre et le samedi 27 novembre 2021 au Palais des Congrès de Remiremont (Vosges), se tiendront, à l’initiative de l’interprofession de la forêt et du bois (Fibois Grand Est), les Assises des forêts et du bois du Grand Est. Cet évènement sera très certainement le théâtre d’actions médiatiques initiées par des militants hostiles à la filière bois, comme cela a été le cas dernièrement au salon Forexpo à Mimizan (Landes).

Quelles sont leurs revendications ? Que cherchent-ils à obtenir ? Que nous cessions d’utiliser du bois, de le produire et de l’extraire en France ? Faisons un tour d’horizon des répercussions que de telles décisions pourraient générer.

Rappelons tout d’abord que le bois est une ressource saine, vertueuse et renouvelable. Pendant des décennies, les arbres croissent au fil des saisons, captant le carbone à l’état atmosphérique pour le séquestrer sous forme de bois, et s’hydratent des ressources en eau venant autant du sol que du ciel, faisant ainsi office de rétenteur et de purificateur d’eau selon des mécanismes complexes d’évapotranspiration que nous étudions encore.

Le bois, c’est le matériau clé de l’habitat durable, pan majeur de la transition écologique. Il cumule beaucoup de propriétés intéressantes dans le bâtiment : facile à transformer, à mettre en œuvre, il peut autant être utilisé en structure qu’en finition. C’est un excellent isolant tant thermique que phonique et il offre une large gamme de choix esthétiques. Et tant que le bois n’est pas brûlé ni décomposé, c’est du carbone séquestré : on estime ainsi qu’un mètre cube de bois stocke en moyenne 700 kg de CO2. Ce n’est pas un hasard s’il a été identifié comme un matériau roi pour décarboner le secteur du bâtiment neuf d’ici 2030, dans le cadre de la réglementation environnementale RE 2020.

Economie circulaire

Dans le bois, presque rien ne se perd. Le bois d'œuvre est produit à partir des troncs de bonne qualité et d’un diamètre important, tandis que les troncs de moindre qualité et de faible diamètre, nommés bois d'industrie, sont utilisés par les papetiers, les fabricants de panneaux et les industriels de la chimie. Les bois en fin de vie, les meubles au rebut ou les bois issus des éclaircies, fins et impropres à un usage en bois d’œuvre, sont quant à eux valorisés en bois-énergie, sous forme de granulés. Ce bois disponible localement dans nos territoires est issu de forêts gérées durablement, dans le cadre d’une sylviculture qui intègre le renouvellement des peuplements par régénération naturelle ou par replantation. Faut-il encore rappeler qu’en France, les prélèvements de bois sont inférieurs à l’accroissement naturel des forêts ? En ce sens, notre bois est bien une ressource renouvelable.

Une ressource qui mobilise près de 425 000 emplois non délocalisables, répartis uniformément avec un maillage serré sur l’ensemble du territoire français. Autant de professionnels qui cultivent et protègent les ressources forestières dans le cadre rigoureux des normes françaises en vigueur, soit un optimum tant au regard de la sécurité et du confort des travailleurs, que du respect des normes environnementales et forestières.

Si nous cessions d’utiliser notre bois, nous devrions alors nous tourner vers d’autres matières premières, ce qui se traduirait par un grand retour du plastique dans l’ameublement ou dans l’emballage (pour le plus grand malheur de nos océans), mais aussi par le maintien du règne du « tout béton » et du « tout fossile » dont on ne connaît que trop bien les ravages pour le climat. Toutes ces matières de remplacement au bois proviennent très majoritairement de zones extra européennes. Donc avec un très mauvais bilan carbone, mais aussi d’épineuses questions de dépendances et d’approvisionnement.

Rempart à la déforestation importée

Cesser d’utiliser du bois en France reviendrait par ailleurs inévitablement à le faire venir d’ailleurs. Au mieux, en provenance de nos partenaires européens, majoritairement scandinaves, et dans le pire des cas en provenance de la Russie, du Brésil ou des pays émergents d’Afrique et d’Asie, territoires où une gestion durable des forêts est loin d’être garantie. En dehors de l’Europe, très peu de pays appliquent des politiques forestières comparables à celles en vigueur en France, reposant sur des pratiques sylvicoles vertueuses et codifiées, (reboisement, pérennité et qualité de la ressource) et à même de veiller à la préservation de la biodiversité et à des conditions de travail décentes pour les travailleurs. Et quand bien même ces conditions seraient remplies, nous n’obtiendrions pas des bois de qualité mécanique ni environnementale équivalente à celle que nous avons en France. L’Hexagone est le grenier à chênes du monde et le grenier à Douglas d’Europe. D’ailleurs, tous les voyants de la biodiversité forestière française sont au vert : la France n’a jamais connu de si fortes populations d’ongulés sauvages et les forêts restent des bastions de diversité faunistiques et florales, preuve que la foresterie productive à la française s’accommode très bien avec le respect de la biodiversité. Pourquoi alors vouloir scier la belle branche sur laquelle nous sommes installés ?

Espérons que les militants d’associations qui tentent de mettre dos à dos le grand public et les forestiers puissent entendre ces arguments à l’occasion des Assises des Forêts et du Bois du Grand Est. Les méthodes sylvicoles prônées par ces militants, fondées sur la sanctuarisation massive des forêts, le rejet dogmatique des essences résineuses comme le pin de Douglas et des prélèvements au compte-goutte avec des moyens rétrogrades, ne sont en aucun cas souhaitables pour l’avenir de la filière forestière française. Et ce tant au plan économique, social ou environnemental. Notre forêt est multifonctionnelle et en cela, elle est une des meilleures illustrations de ce qu’est le développement durable.

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Harold Blanot est Chargé d'Affaires Forestières chez Deblangey Travaux Forestiers

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