Ça suffit !

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Par Jean-Luc Ginder Publié le 15 février 2019 à 6h37
Yellow Vests Gilets Jaunes
850 EUROSEn France un million de travailleurs vivent avec moins de 850 euros par mois d'après l'observatoire des inégalités.

Cette violence entre l’Etat et les Français est devenue pour nous les enfants de République intenable. Il faut clore cette crise. Nous avons besoin d’une France apaisée.

J’ai à maintes reprises alerté par mes écrits le risque d’une montée du mécontentement des Français. Mes chiffres étaient sans appel : la pauvreté gagne du terrain chaque jour et la misère s’installe. Pourquoi aura-t-il fallu attendre l’apparition soudaine de nos gilets jaunes sur les ronds-points pour une prise de conscience collective de chacun d’entre nous ? Un besoin vital d’être écouté a surgi. Ces Français qui croyaient ne rien comprendre lorsqu’ils revendiquaient dans leur coin des conditions de vie meilleure, qui se sentaient un peu idiots et inférieurs face aux « sachants » qui leur expliquaient la crise et la nécessité de faire des efforts pour le bien commun ont échangé leur vision du monde. Inlassablement, les chiffres annonçaient une augmentation du pouvoir d’achat des Français, et eux constataient que les fins de mois devenaient de plus en plus difficiles.

De là est née une confrontation entre deux réalités, deux mondes, deux visions du monde. Chaque partie veut aujourd’hui avoir raison. Il est temps de ne plus chercher à avoir raison.

Il est urgent de s’employer à chercher et trouver des solutions qui conjuguent tous les paramètres de notre société. D’un côté, une partie de la France n’est pas tombée sous le coup d’une crise de folie soudaine qui finira bien par s’arrêter, de l’autre côté il faut s’employer à renouer avec les Français par la confiance, il faut montrer que la France est capable d’analyser la crise avec objectivité et rigueur.

C’est une crise très sérieuse car au-delà d’une demande d’augmentation du pouvoir d’achat nécessaire, c’est tout le modèle de la société qui est remis en cause. L’argent semble être devenu plus important que la vie mais les Français mécontents demandent aussi de vivre tout simplement, avec dignité. Survivre n’est pas vivre.

En France un million de travailleurs vivent avec moins de 850 euros par mois d’après l’observatoire des inégalités « Avoir un emploi ne protège pas de la pauvreté, notamment pour ceux qui travaillent à temps partiel ou alternent des périodes de travail précaire et de chômage. » précise l’observatoire en 2018.

La croissance ne réduit pas les inégalités

C’est une condition nécessaire mais pas suffisante. Ce n’est pas parce que la croissance ne suffit pas à réduire les inégalités que la croissance est inutile (même à 1,3% pour 2019).

Certaines réponses apportées proposent une apologie de la pauvreté. Elles sont intolérables. Quel est ce pouvoir de juger celui qui est plus faible que soi ? Quels hommes sommes-nous si nous ne savons pas écouter la souffrance et tendre une main pour aider ?

Oui la pauvreté en France est insupportable, intolérable et certaines devraient se taire plutôt que de blasphémer. La parole est une arme, une arme peut tuer. En 2018 au moins 496 personnes SDF sont mortes en France à 49 ans en moyenne dans la rue. Elles avaient un nom un prénom, une vie.

Revenons au sens de la parole donnée, disons ce que l’on fait et faisons ce que l’on dit. Sachons nous adresser aux personnes qui expriment leur souffrance. Ils ont la conviction à juste titre qu’ils sont l’âme de notre pays et espèrent de l’aide.

Les réponses à apporter peuvent être de deux ordres. L’une est de considérer qu’il faut augmenter l’assistanat et en rester là. L’autre sans doute plus pertinente consiste à développer le projet de créer les conditions nécessaires à chaque Français pour réaliser ses ambitions selon son modèle de vie.

Ne nous prenons pas au jeu qui consiste à ne voir dans les plus fragiles qu’une population rongée par la jalousie. La richesse combattue ne donnera pas comme résultat des moins pauvres. Soyons capables de proposer à chacun de profiter de l’abondance de la vie pour répondre à ses aspirations profondes

Aujourd’hui la France doute de la capacité de la nation à lui offrir les chances de se sentir un peu moins inégaux, inférieurs. Au travers de la revendication d’un meilleur pouvoir d’achat, c’est tout le mal de survivre qui gronde.

Le risque de ne pas y répondre est de voir se multiplier actes violents, désordres et chaos. On ne peut occulter que les dérives puissent émerger, la colère se transformant en haine, la volonté de détruire n’est pas loin. Cela s’inscrit dans la nature humaine. Agir avant que ce pouvoir extrême retrouvé au travers d’un profond désarroi ne se transforme en violences extrêmes face à un ressenti d’omnipotence de ce qui devient un adversaire.

Depuis la construction de la République un moyen de contrôler la violence des citoyens a été de lui opposer la violence légitime d’Etat afin de faire peur. C’est pourquoi selon le pouvoir, une société démocratique ne peut fonctionner que s’il y a une vraie violence d’Etat qui menace les citoyens.

La violence française est née tout naturellement car des Français qui se ressemblent au travers de la misère ou de la peur de la misère ont eu un désir identique de survivre ou de vivre, un réel désir mimétique (1).

Pour réduire la tension violente, il faut une réponse institutionnelle qui détruise l’uniformité et crée la différence économique reconnaissant la difficulté économique à vivre pour certains. Car ce n’est pas la différence de traitement qui créée la violence mais au contraire l’uniformité.

Il est urgent de reconnaître les revendications des Français moyens ou miséreux et de tout entreprendre pour alléger la souffrance économique et les peurs existentielles liées.

Les mécanismes de contrôle de la violence explosent en France car la puissance de l’Etat s’amoindrit. La table se renverse. Pendant les années de croissance, l’argent a été un moyen formidable pour contrôler la violence naturelle d’une société, aujourd’hui son manque et donc les frustrations conséquentes fait des maîtres de l’argent les boucs émissaires.

La France ne pourra être à nouveau forte et unie, que si les individus qui la composent se réalisent eux même.

Un pays composé de résignés réclamants est perdu. Les Français demandent légitimement d’être libre de créer dignement et librement leur richesse car ils restent convaincus que la vie est unique et est un don magnifique.

Ne comptez plus sur le monde politique, ne comptez que sur vous-même

Une vieille tradition française veut que la France ne se réforme pas, elle fait des révolutions. Une fronde s’annonce forçant chacun à regarder en lui-même et à se poser les questions fondamentales. Qu’est-ce que je veux vraiment, à quel modèle de société ai-je envie d’adhérer ? C’est une guerre de tous contre tous et surtout de chacun contre soi-même. Faute de combattants le combat s’arrêtera et pourront émerger les véritables aspirations et projets de chacun.

La tourmente aujourd’hui est profonde, peut-être un mal nécessaire. Retrouver des vraies valeurs de loyauté, de fraternité, de liberté. Que serions devenus si l’employé actif français se transformait en mercenaire économique déloyal ?

Le conflit jaune que nous vivons tous à des niveaux différents est le signe que le grand vainqueur est la consommation et le grand perdant le travail. C’est un fait.

Le consommateur est la cause réelle de ce soulèvement soft car il veut des prix bas… Alors que 100% des électeurs en France sont des électeurs et que seulement 50% des électeurs sont des actifs cette « jaunitude » était prévisible.

Voilà surtout pourquoi le consommateur sera toujours gagnant sur le terrain démocratique et économique. Reste aussi à prendre conscience de nos gestes de consommation et de leur impact sur notre santé, sur la planète car le problème du pouvoir d’achat peut en cacher bien d’autres.

C’est pourquoi ça suffit !

Au lieu de vous interpeller, de vous chahuter comme des enfants dans une cour d’école. De vous taper, de vous courser, de pleurer, de vous blesser, arrêtez un instant, faites une pause.

Faites le silence.

Faites le silence qui annonce la paix en route.

Vous tous !

Il n’y pas d’un côté les bons et de l’autre les méchants, il a juste des citoyens qui crient leur détresse et qui mettent à la vue de chacun leur quotidien, leur vie, leur misère. Qui voudraient ressentir l’empathie de la France et des regards vrais pour apaiser leur honte…

Où est la réalité des promesses faites ?

Seules l’innovation et la création sont la solution.

Seules l’innovation et la création sauveront le modèle social français.

Seule la création de valeur ajoutée sauvera la consommation, sauvera l’emploi, sauvera les gilets jaunes. Je préfère dire ces Français qui souffrent.

Il faut vite passer de l’aigreur à l’énergie positive, et si la France ne nous convient plus alors tous ensemble il nous faudra pacifiquement la changer. Que notre projet soit de moderniser notre modèle économique et social pour lui donner comme finalité première d’aider chaque Français à finaliser ses rêves. Une société française réussie est une société où chaque Français est en situation de réaliser son rêve. Ayons le projet commun de conduire la France vers son rôle d’acteur majeur dans une Europe fédérale devenue la première puissance politique du monde dont le dessein premier serait de nous protéger. Se rendre compte que l’on est 700 millions de francophones ce qui, pour nous Français est un formidable terrain d’ouverture économique.

Les peuples paient toujours le fait d’avoir suivi des hommes politiques. En cela rien de nouveau…

Les valeurs de la démocratie sont mises en cause par la prédominance économique des marchés sur la démocratie. Il est donc important de renforcer la démocratie face aux marchés et en particulier de disposer d’une démocratie ayant une vision à long terme, une démocratie plus équilibrée et plus juste capable de créer les conditions pouvant tenir compte des enjeux de justice sociale. Cela est insuffisant aujourd’hui.

A chacun d’entre nous d’adopter l’attitude la plus juste.

Un dégagisme systématique ne saurait aboutir, la nature a horreur du vide. Notre responsabilité est engagée dans chacune de nos paroles, dans chacun de nos actes. Notre responsabilité est aussi de ne pas attendre d’un seul homme qu’il apporte les solutions à tous nos problèmes. Notre responsabilité est de retrouver notre conscience collective juste. Notre responsabilité est de définir notre vision de l’avenir pour tous.

A vous les interfaces politiques, partis, élus, d’honorer votre rôle d’élu des Français afin de protéger notre peuple avec toute la bienveillance et le respect qui lui sont dus.

Oui, ça suffit.

Avançons !

(1) Le désir mimétique est une théorie unitaire élaborée par René Girard exploitant un seul et même mécanisme, l'imitation (processus d'apprentissage), pour expliquer un grand nombre de phénomènes humains.

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Jean-Luc Ginder est économiste et essayiste spécialiste de la macro économie ainsi que de l'économie de l'Energie. Il est l'auteur du livre « Phobiamanagement » mettant en avant les effets de la peur en économie et du livre « Réflexions Economiques » (Éditions Corps et Ame, février 2018).

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