Carburants : l’essence très (trop ?) chère, c’est pour bientôt

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Modifié le 11 mars 2020 à 10h45
Pome A Essence
35 DOLLARSLe prix du baril de pétrole a chuté sous la barre des 35 dollars le 9 mars 2020.

L’Arabie saoudite et la Russie se sont lancés dans une guerre du prix du pétrole totalement inattendue, faisant par la même occasion exploser l’Opep+, l’alliance entre l’Opep, le Cartel de l’or noir, et ses alliés, producteurs également, mais qui n’ont pas intégré l’organisation. Résultat : le pétrole a chuté en Bourse, créant un mini-krach boursier lundi 9 mars 2020.

À court terme, cela va avoir un effet positif sur le prix de l’essence à la pompe, qui va chuter. Mais à long terme, en fait, ce sera tout l’inverse.

Prix à la pompe : profitez des prix bas tant qu’ils durent

Alors que le cours du pétrole était en baisse du fait de la baisse de la demande liée à l’épidémie du coronavirus Covid-19, la guerre dans laquelle se sont engouffrées Arabie saoudite et Russie a amplifié la chute : de 62 dollars le baril début janvier 2020, le prix du pétrole en Bourse a chuté à 30 dollars le 9 mars 2020 avant de se reprendre un peu et se stabiliser à 35 dollars le 11 mars 2020. Ça reste environ 40% moins cher qu’en début d’année.

Pour les automobilistes, ce sera une aubaine : une baisse du prix du pétrole signifie une baisse du prix des carburants, et ce même si les taxes pèsent lourd sur la facture. Incidemment, cela entraînera également une baisse du prix du gaz, dont le prix est partiellement indexé sur le pétrole. En somme, les ménages vont faire quelques économies.

Durant combien de temps ? Là est toute la question : cette guerre a un objectif, détruire le secteur du pétrole de schiste qui a permis aux États-Unis de fortement augmenter sa production pétrolière au point de remettre en cause la suprématie de l’Opep. Certes, cet objectif n’est pas affiché et se cache derrière une « gue-guerre » Arabie saoudite-Russie, mais les deux pays ne se "feront la gueule" que quelque temps.

Le pétrole de schiste va devenir un gouffre financier, et disparaître

La guerre des prix pourrait devenir une guerre des tranchées : l’Arabie saoudite a bradé environ 6 dollars de moins que le cours de Bourse son pétrole à court terme et, selon Energy Intelligence, serait en train d’étudier l’impact économique d’un pétrole entre 10 et 20 dollars le baril. Objectif : relever la production en avril 2020, lorsque les accords pris précédemment par l’Opep pour réduire la production seront caducs.

La Russie, en toute réponse, prévoit d’augmenter sa propre production et a menacé l’Arabie saoudite annonçant pouvoir tenir 6 à 10 ans avec un baril entre 25 et 30 dollars. Le marché sera inondé de brut, alors que la demande en 2020 devrait baisser sur fond de pandémie de Covid-19… ce n’est pas demain que le prix du brut va augmenter.

Et c’est tout l’objectif : car dans le viseur de ces deux pays il y a le pétrole de schiste américain, dont la rentabilité n’est assurée qu’au-delà de 60 voire 70 dollars le baril. En dessous, le pétrole de schiste est extrait à perte. L’américaine Chevron, qui a perdu près de 20% en Bourse le lundi 9 mars, a déjà annoncé une baisse de ses investissements, estimant qu’il lui faut un baril à au moins 55 dollars pour garantir ses frais et ses revenus.

Si le secteur du pétrole de schiste peut supporter une baisse des prix temporaire, une véritable guerre des tranchées saupoudrée de surenchères ponctuelles entre Russie et Arabie saoudite pourrait tout simplement mettre un terme à la production américaine.

Et une fois que le pétrole de schiste n’est plus ?

Lorsque l’industrie du pétrole de schiste aura cessé d’exister, la Russie et l’Arabie saoudite redeviendront maîtres des prix du pétrole en Bourse. Comme au « bon vieux temps » où l’Opep pouvait arbitrairement décider de faire grimper le baril de quelques dizaines de dollars en fermant réduisant sa production pour gagner plus d’argent.

Ça va arriver, et les prix de l’essence et du diesel vont grimper : Russie et Opep devront alors rattraper leur manque à gagner dû à cette guerre. Lequel des deux sortira véritable vainqueur et pourra subjuguer l’autre ? Difficile à dire.

Mais que ça arrive dans 3, 4 ou 5 ans, le résultat sera le même. Donc, profitez des prix bas à la pompe tant que vous le pouvez… mais ne vous y habituez pas trop.

Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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