La Chine sur son bonhomme de chemin

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Par Stéphane Déo Modifié le 6 mars 2019 à 11h50
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6,2%Les annonces faites par la Chine en matière de politique économique devraient placer la croissance proche des 6,2% attendus par le consensus.

Les PMI européens semblent confirmer que la faiblesse économique est passagère et concentrée sur le secteur manufacturier. Nous restons sur la thèse du « trou d’air ». Les annonces faites par la Chine en matière de politique économique devraient placer la croissance proche des 6,2% attendus par le consensus. Une décélération lente mais cohérente avec la vue d’un atterrissage en douceur.

Point de marché : même pas peur

Le Skew sur les options du S&P mesure la différence de prix entre les options de vente et d’achat. Lorsque le Skew est élevé c’est que le marché a peur : le prix d’une couverture contre un risque de baisse est plus élevé que le prix d’une exposition à la hausse.

Depuis la crise de 2009-2010 il y a eu une tendance très nette à l’augmentation du Skew : les marchés ont de plus en plus acheté de protection contre un accident de marché, même si celui-ci n’est jamais vraiment arrivé. Chat échaudé… On a même atteint un plus haut historique au milieu du T3 de l’année dernière, avant que le marché ne devienne nerveux et corrige sur le T4.

L’année 2019 semble singulière, non seulement le Skew a touché au tout début de l’année son plus bas de la décennie (111 le 4 janvier), mais la moyenne de l’année est restée inhabituellement basse et stable.

En première lecture c’est cohérent avec l’ambiance des marchés « risk-on » depuis le début de l’année et la bonne performance des actifs risqués : le marché est prêt à reprendre du risque. Mais cette lecture est peut-être trop simpliste, il y a eu beaucoup de phases « risk-on » similaires depuis le début de la décennie avec des investisseurs qui néanmoins assuraient leurs arrières (i.e. qui achetaient de la protection, i.e. avec un Skew élevé, cf. le graphique ci-dessous).

En seconde lecture c’est aussi probablement le signe que beaucoup d’investisseurs étaient sous-investis et ont raté une bonne partie de la performance des deux derniers mois. Une vue validé aussi par un certain nombre de d’information de marché : la performance de beaucoup des fonds principaux américains qui a été médiocre cette année, la faible sensibilité des hedge funds au marché action, la souscription limitée d’ETFs actions ou encore les faibles volumes sur les marchés actions.

Si cette interprétation est correcte, il reste peut-être des facteurs techniques qui pourraient encore porter les actifs risqués si ces investisseurs (en retard…) se décident enfin à monter dans le train.

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PMI : du mieux

Les chiffres de PMI pour février ont montré la dichotomie dont nous avions déjà parlé : dans le cas de la Zone Euro, le PMI manufacturier à 49,3 donne un signal inquiétant alors que celui dans les services, à 51,9 et en amélioration par rapport au mois dernier, est plus rassurant. La faiblesse de l’économie actuellement est donc concentrée sur l’industrie.

Comme le montre le tableau ci-dessous, les PMI synthétiques étaient en hausse en Europe (sauf en Espagne où le niveau était élevé) alors qu’ils étaient en baisse quasi ininterrompue depuis un an.

Ces deux caractéristiques militent pour la thèse du trou d’air : un ralentissement temporaire et concentré sur l’industrie. Avec un risque de récession sur l’année qui reste très limité. Il ne faut donc pas paniquer.

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Chine : atterrissage en douceur

Alors que le Congrès, constitué du Comité consultatif du peuple chinois (2 000 délégués) a débuté dimanche, c'était au tour de l’Assemblée nationale populaire (3 000 délégués) d'engager ses travaux ce mardi.

Premier point : le gouvernement a un objectif de croissance « entre 6,5% et 6,0% » cette année contre « à peu près 6,5% » l’année dernière, une très faible décélération en ligne avec les attentes du consensus à 6,2%. Lire dans cette prévision un ralentissement économique et une inquiétude nous semble excessif, ce chiffre est totalement en ligne avec le consensus et avec les attentes du FMI. Placée dans la durée, la trajectoire de croissance de la Chine ne peut que décélérer, la question est de savoir s’il s’agira d’un arrêt brutal de la croissance ou d’une décélération graduelle (le fameux « atterrissage en douceur »). La décélération chinoise des deux dernières décennies ressemble d’ailleurs furieusement à celle du Japon quarante ans plus tôt. Bref, tout ceci ressemble à un atterrissage en douceur.

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Une série de mesures pour soutenir l’activité a aussi été annoncée. Il faut noter une baisse du taux de l’IS qui équivaut à 2 000 milliards de RMB ou plus 2% du PIB ainsi qu’une baisse de la TVA (de 16% à 13% dans le secteur de l’industrie et de 10% à 9% pour les transports et la construction, une baisse qui représenterait presque 1ppt de PIB). Il faut aussi noter une augmentation des dépenses d’infrastructure avec des autorités locales qui ont émis beaucoup de dette pour financer leurs projets. Ces mesures devraient être à même d’atteindre l’objectif de croissance fixé pour l’année.

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Il est à noter toutefois que l’objectif de croissance des agrégats monétaires reste maitrisé « croissance stable en ligne avec la croissance du PIB ». C’est le cas depuis plusieurs trimestres, la croissance du TSF a convergé vers le niveau de croissance nominale. La croissance reste donc saine, au sens où elle ne s’accompagne pas d’effet de levier en augmentation.

Et ceci est important : il vaut bien mieux une croissance qui se tasse mais qui soit pérenne.

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Stéphane Déo est stratégiste chez La Banque Postale Asset Management. Il est diplômé d'HEC, a un DEA en économie à l'Ehess (Ecole des hautes études en sciences sociales) et un doctorat en finances à HEC. Il a effectué des études post-doctorales à l'université de Berkeley (Californie). Après l’OCDE et Goldman Sachs, il travaille chez UBS en 2001 comme économiste puis stratégiste jusqu’en 2015. Il poursuit son expérience chez Empirical Research Partners comme stratégiste actions globales.

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