Chine, Japon, États-Unis, Royaume-Uni : peut-on imposer l’harmonie ?

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 30 septembre 2019 à 17h48
Chine Donald Trump Commerce 2
70La Chine se prépare à fêter les 70 ans du régime instauré en 1959 par Mao.

La publication durant le week-end du résultat des enquêtes PMI en Chine n’envoie pas le message d’une dégradation supplémentaire de l’activité économique. C’est sans doute ce que souhaitait le pouvoir politique, à la veille du 70e anniversaire de la République populaire. Au Japon, le relèvement demain du taux de la taxe à la consommation ne devrait pas créer trop d’à-coup au déroulé de la croissance.

On se souvient qu’en mai dernier le Japon est entré dans une nouvelle ère, avec le sacre du nouvel empereur, Naruhito. Celle-ci a été nommée Reiwa. L’expression provient de la plus vieille anthologie japonaise. Elle daterait de 760 et est tirée d’une citation écrite en chinois classique. Sa signification ? Selon les linguistes, pas « belle harmonie », comme pourtant l’affirme la traduction officielle en anglais, mais plutôt « harmonie imposée ».

La Chine à la veille de sa « magnifique restauration »

L’ambition de l’harmonie est évidemment présente dans la communication officielle chinoise. Le principe d’harmonie sociale n’avait-il pas été mis en avant par le précédent Président, Hu Jintao ? Avec, très probablement, l’idée que celui-ci doit s’imposer par rapport aux revendications individuelles. L’actuel chef de l’État, Xi Jinping, ne renie certainement pas cette interprétation à la veille de l’anniversaire des 70 ans de la République populaire de Chine. Cette date est une étape vers l’atteinte en 2049 de l’objectif de la « magnifique restauration de la Nation Chinoise » ; avec un double sens économique et territoriale. L’économie est au cœur de cette « légitimité par la performance » sur laquelle les dirigeants chinois insistent et qui s’opposent à la légitimité par l’expression démocratique, issue du suffrage populaire, telle qu’on la connaît par exemple en Occident (mais pas que là). Il est bien clair que la croissance ne peut pas « flancher » au moment de franchir une borne importante sur la route devant mener au retour de la Chine à sa juste place dans le concert des nations. Eh bien, c’est le message envoyé par la livraison de septembre des indices PMI, qu’ils soient officiels ou produits par Caixin, un groupe privé de médias. En focalisant sur le secteur manufacturier, le message envoyé est que l’activité irait un peu mieux. Si on prend aussi en compte une dynamique dans le secteur des services qui enregistre peu d’évolutions depuis 3 mois, il est tentant de conclure que la croissance chinoise se serait stabilisée depuis le mois de juin dernier. D’un trimestre à l’autre, l’avance du PIB se maintiendrait autour de 1,5% et sur un an à à-peu-près 6%. Cela aurait été le cas en T3 2019 et il n’est pas déraisonnable de penser que cela le resterait en T4.

C’est demain que la taxe à la consommation est portée au Japon de 8% à 10%. Le déroulé « harmonieux », à défaut d’être particulièrement enlevé, de la conjoncture économique va-t-il être remis en cause ? Vraisemblablement pas ; c’était le message envoyé la semaine dernière par l’enquête PMI de septembre. La raison est à rechercher dans les mesures d’accompagnement mis en place par le gouvernement. In fine, l’impact sur le pouvoir d’achat des ménages est très atténué. Ceux-ci n’ont d’ailleurs pas anticipé, contrairement à ce qu’ils avaient fait en 2014 (le taux de TVA était passé de 5% à 8%), leurs achats de biens durables.

La croissance américaine se poursuit-elle de façon harmonieuse ?

De la réponse à la question dépend l’attitude de la banque centrale à l’horizon des prochains mois. En la matière, la publication des chiffres de l’emploi de septembre, le vendredi 4 octobre, est d’importance. Elle enverra un message sur le tempo de l’activité économique à la jonction des 3e et 4e trimestres. Si, comme le consensus des économistes de marché le pointe, autour de 150.000 nouveaux postes de travail ont été créés ce mois-ci (soit autour de la moyenne enregistrée sur la période récente), alors la Fed restera en mode « pilotage de l’incertitude » et ne passerait pas en mode « soutien d’une conjoncture qui menacerait de se retourner ». L’idée d’une seule nouvelle baisse du taux directeur d’ici à la fin de l’année serait alors à privilégier.

Il est difficile de considérer que l’harmonie règne actuellement au Royaume-Uni. Même si le slogan de la convention en cours du Parti conservateur est « mener à bien le Brexit », le plus probable est pourtant que celui-ci soit une nouvelle fois retardé. Ce qui ne préjuge en rien des conditions de sa mise place le moment venu. Ce premier point est presque admis par le Premier ministre Johnson ; même si c’est à demi-mot. En attendant, l’économie « file un mauvais coton ». D’un côté, une panne de l’investissement et des gains de productivité anémiques envoient le message d’une croissance potentielle qui ralentit ; de l’autre, les anticipations inflationnistes se renforcent. Stagflation, vous avez dit stagflation !

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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