« Clause Molière » : le spectre du protectionnisme resurgit dans le BTP

Anton Kunin
Par Anton Kunin Modifié le 13 mars 2017 à 20h01

Alors que l’Ile-de-France vient s’ajouter à la liste des régions imposant l’usage du français sur ses chantiers, le principe du travail détaché, un composant pourtant essentiel du marché commun intra-européen, a de moins en moins cours.

Le détachement, un mode d’embauche très particulier

En 2015, la France comptait 286 000 travailleurs détachés, soit 1 % de sa population active. De quoi s’agit-il ? Les travailleurs détachés, ce sont des originaires d’autres États de l’Union européenne, employés par une entreprise de leur pays pour effectuer une mission en France. Un Polonais, par exemple, peut se faire embaucher par une société polonaise, qui l’enverra, pendant quelques mois, travailler sur un chantier en Hexagone. Instaurée en 1996, la mobilité de la main d’oeuvre fait partie du marché commun, tout comme la mobilité des marchandises et des capitaux.

Ce mode d’embauche a toutefois un revers qui fait froncer les sourcils en France : le salarié est payé selon les dispositions légales de son pays d’origine. Et quand on sait que le SMIC polonais est de 465 euros mensuels contre 1480 euros en France, il n’est pas difficile de comprendre les raisons de l’engouement actuel pour le travail détaché. Par ailleurs, les entreprises qui emploient ces salariés ne versent aucune cotisation en France : un état des choses pourtant parfaitement légal. Certains préfets de région ont d’ores et déjà pris des dispositions pour lutter contre ce phénomène en imposant la « clause Molière », à savoir l’obligation pour les salariés présents sur les chantiers de maîtriser le français.

La préférence nationale s’affiche de plus en plus explicitement

Dans un entretien au Parisien, Jacques Chanut, le Président de la Fédération française du Bâtiment, défendait la « clause Molière » en affirmant que « tout le monde doit être à égalité en matière de sécurité », et que l’apprentissage des consignes françaises de sécurité allait de pair avec l’apprentissage du français. Valérie Pécresse, Présidente de la Région Ile-de-France, dernière région en date à avoir instauré la « clause Molière », l’estimait « une condition sine qua non pour la sécurité des travailleurs sur les chantiers ». Au micro de France 3, Laurent Wauquiez, le Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, affirmait le 13 mars 2017 que cette disposition était un moyen [pour la Région] de « contourner les règles européennes et d’imposer le fait qu’il n’y ait pas de travailleurs détachés sur les chantiers ».

Face à cette mesure protectionniste et sans doute contraire aux règles européennes, le préfet de la Région Auvergne-Rhône-Alpes appelle à un rétropédalage, tandis que la direction des affaires juridiques de Bercy planche en ce moment même sur la légalité du dispositif. Son avis devrait être connu assez rapidement. À ce jour, cinq régions appliquent la « clause Molière » : les Pays de la Loire et les Hauts-de-France depuis avril 2016, la Normandie depuis novembre 2016, l'Auvergne-Rhône-Alpes depuis décembre 2016 et l'Ile-de-France depuis le 9 mars 2017.

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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