Complémentaires santé : Fillon et Mélenchon, un même combat suicidaire?

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Par Eric Verhaeghe Publié le 19 janvier 2017 à 9h45
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25 EUROSLa consultation chez le médecin est passée à 25 euros.

La santé est devenue un thème pivot de la campagne électorale, une sorte de marqueur autour duquel les candidats à la présidentielle tournent pour se positionner dans l’opinion publique. Et, de façon assez inattendue, tous les candidats ont rejoint une thématique centrale: le renforcement du rôle dévolu à la sécurité sociale, et la mise en coupe réglée des organismes complémentaires. Sur ce point, une sorte d’unanimité a fini par se dégager, de Mélenchon à Fillon.

Mélenchon sur une ligne radicale

Dans cette unanimité, Mélenchon est le candidat le plus radical. Il propose une pure et simple absorption des organismes complémentaires par la sécurité sociale, qui rembourserait ainsi 100% des dépenses de santé.

Au passage, on relèvera que cette proposition comporte une double bizarrerie.

D’une part, elle rejoint les thèmes défendus depuis longtemps par le Conseiller d’Etat Didier Tabuteau, financé par les laboratoires pharmaceutiques. Que Mélenchon se fasse l’apôtre d’une conception défendue par la nomenklatura et par le grand capital illustre bien la fragilité idéologique de la « France insoumise ».

D’autre part, ce que Mélenchon propose, c’est la remise en cause de l’histoire mutualiste en France et la fermeture d’une parenthèse vieille de deux cents ans où les prolétaires s’organisaient sans intervention de l’Etat pour assurer leur propre protection. Cette fascination pour l’Etat omnipuissant illustre là encore le rôle supplétif que l’extrême gauche en France joue dans la mise sous tutelle des petites gens par une technostructure de plus en plus déconnectée de la réalité.

Fillon sur la même ligne, mais à la traîne

De son côté, François Fillon se serait rangé à l’idée d’une « autorité » qui contrôlerait l’activité des organismes complémentaires. Certains suggèrent que cette idée lui serait venue du lobbyiste Frédéric Bizard, lui aussi soutenu par l’industrie pharmaceutique. Celle-ci craint en effet les baisses de prix qui lui sont imposées par les complémentaires santé, notamment à travers les réseaux de soins.

Pourquoi Fillon, partisan de réformes plutôt libérales, se prononce-t-il en faveur d’une étatisation rampante de la santé et des organismes qui ne sont pas encore sous la tutelle de l’Etat? Il faudra un jour éclaircir ce sujet, mais une explication est tentante: sur ces sujets techniques, le candidat Fillon cède à la facilité d’un recours à la technostructure qui l’entoure et qui guide sa main. Le même sujet se pose avec Donald Trump aux Etats-Unis: il ne suffit pas de vouloir rompre avec les élites pour y parvenir. Encore faut-il savoir les « enjamber » pour concevoir un projet, et c’est ici que les problèmes commencent.

Dans le cas de Fillon, il est très probable que l’entourage soit à pied d’oeuvre pour récupérer, dans les détails des projets, le terrain perdu dans la conception globale du programme.

Une ligne suicidaire pour la santé

La ligne très « pro-sécurité sociale » qui se dégage à l’horizon des présidentielles pose un véritable problème, tant elle est à rebours du bon sens. Tous les indicateurs les plus évidents montrent en effet que les gigantesques machines sanitaires mises en place par les Etats (en France, comme en Grande-Bretagne) sont frappées par des problèmes de taille.

Le gigantisme sanitaire qui sévit en France, avec des hôpitaux toujours plus grands, à la gestion toujours plus complexe, avec des processus de mises de médicaments sur le marché toujours plus obscurs, plus incertains, est producteur de graves défauts. Les hôpitaux sont des gouffres pour les patients qui s’y jettent et des machines à broyer les bonnes volontés des personnels qui y travaillent.

Dans la pratique, ces machines qui soignent mal coûtent toujours plus cher. La complexité de gestion multiplie les frais et les coûts de coordination de façon exponentielle. Cette réalité touche autant les hôpitaux que la médecine de ville, où les professionnels sont soumis à une bureaucratisation galopante qui constitue un puissant levier de désincitation.

Déserts médicaux, hôpitaux en situation de rupture, médicaments dangereux mais remboursés, médicaments utiles non remboursés, la sécurité sociale est un désastre. Face à la concurrence qui interroge ses défauts, elle se rebiffe en se proposant d’absorber ses concurrents. La démarche est classique, mais il est étonnant de voir les candidats à la présidentielle épouser ce mouvement, voire le précéder!

Le chant du cygne pour la gestion du risque en France

On ajoutera que la mise sous tutelle, voire la disparition des organismes complémentaires, sont une aberration économique.

Si la sécurité sociale ne rembourse pas les frais à 100%, c’est pour une bonne raison. Toute assurance (cela vaut pour la maladie comme pour le reste) suppose en effet une participation de l’assuré à la gestion du risque. Si l’assuré transfère la totalité du risque à l’assureur (la fameuse phrase entendue dans le métro: j’ai payé des cotisations donc j’ai droit à 3 mois d’arrêts maladie par an), plus aucun mécanisme ne le pousse à réduire le risque. C’est pour cette raison qu’il existe des franchises en cas d’accident de voiture, et des jours de carence en cas de maladie.

Sans cette participation de l’assuré à la gestion du risque, l’assurance maladie s’interdit en effet de « mitiger » le risque, comme disent les Anglo-Saxons, c’est-à-dire de le réduire. Ce processus est parfaitement connu et très simple à comprendre.

Dès lors que la sécurité sociale assurera 100% du risque et non 75% comme aujourd’hui (sauf pour les maladies graves, bien entendu), les dépenses maladie grimperont de façon incontrôlable et obligeront à des plafonnements injustes de remboursement, comme cela existe déjà depuis Marisol Touraine (notamment pour les dépassements d’honoraires).

La mort des entreprises françaises

Précisions, bien entendu, que cette mesure obligera à réintégrer, sous forme de cotisations, les 30 milliards de cotisations encaissés aujourd’hui par les complémentaires santé.

Rappelons ce simple chiffre! il faut plus de 250 milliards d’euros à la sécurité sociale pour rembourser 75% des dépenses de santé. Il faut 30 milliards d’euros, c’est-à-dire neuf fois moins, pour rembourser 25% des dépenses. Cherchez l’erreur quand certains soutiennent que les complémentaires santé coûtent plus cher que la sécurité sociale.

Dans la pratique, l’assurance maladie coûtera immédiatement 30 milliards de plus qu’aujourd’hui, soit une hausse de cotisations de 15%.

Très vite, l’inflation des dépenses qui interviendra causera un véritable désastre, dont le coût sera supporté par les entreprises.

Et là est le paradoxe. Les entreprises françaises sont celles qui, au monde, supporte le coût le plus élevé de participation à la solidarité collective. Cette folie explique déjà un grand nombre de délocalisations et cause un chômage massif. Au lieu de revenir sur cette logique suicidaire, les candidats à la présidentielle proposent de la doper pour achever définitivement tout optimisme en France.

Si c’est pas du populisme, ça…

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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