Coronavirus, le jour d’après : dette et inflation sont dans un bateau

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 2 avril 2020 à 16h49
Coronavirus Dette Inflation
50 000 000 000 000 $Et si 50 000 000 000 000 $, cinquante mille milliards de dollars, était le montant final de la facture du coronavirus ?

Le titre original de ce billet était même "mille milliards de dettes et inflation sont dans un bâteau", mais je me suis rapidement ravisé. Aux Etats-Unis, le plan de relance est déjà fixé pour l'instant à deux mille milliards de dollars. En Europe, le cap des mille milliards, tout dispositifs cumulés, est aussi largement dépassé. Quant à la capitalisation boursière mondiale, elle a été amputée de plus d'un tiers de sa valeur, qui avait atteint le niveau historique de 86 400 milliards de dollars fin décembre 2019.

Le montant total de la facture de la crise devrait donc plutôt s'approcher des quarante ou des cinquante mille milliards de dollars, si la pandémie s'arrête avant l'été, bien entendu, et ne redémarre pas à la rentrée.

A Economie Matin, historiquement, nous avons toujours voulu convertir les sommes dépasant un certain niveau, celui de la perception, en exemples palpables, appéhendables par tous. En 2007, nous avions ainsi représenté en une de notre magazine le montant total de la dette française en alignant des Airbus A380 sur une carte de France. Cela donnait une ligne continue d'avions, aile contre aile, entre Paris et Nice, en suivant le tracé de l'autoroute du Soleil. La même dette convertie en maisons à 100 000 euros, chères à Christine Boutin, ministre du Logement d'alors, donnait la moitié du territoire français couvert de pavillons avec un petit bout de jardin. Pour mémoire, en 2007, la dette de la France pesait 1200 milliards d'euros, contre plus du double aujourd'hui...

Mais aujourd'hui, c'est donc cette somme incroyable de plusieurs dizaines de milliers de milliards de dollars (ou d'euros, les deux monnaies se valent, peu ou prou), qu'il faut essayer de représenter. Notez au passage que personne n'est choqué d'une "précision" à quelques dizaines de milliers de milliards près. En chiffres, parlons nous de 30 000 000 000 000 ou de 50 000 000 000 000 ? Comme si cet argent n'existait pas vraiment. Certains se la posent, estimant que la création de richesse au sein des places financières est en grande partie artificielle. C'est ce que l'on appelle une "bulle".

L'argent du coronavirus aurait permis de coloniser la Lune et Mars ensemble

Que représente cette somme incroyable d'argent, en grande partie, partie en fumée pour toujours (pour ceux qui ont vendu leurs actions), ou qui servira à dresser des digues pour contenir les prochaines énormes vagues à venir appelées chômage et récession ? Comparé au plan Marshall, ce plan destiné à sortir l'Europe de l'ornière après la guerre qui avait ravagé le continent, elle est absolument colossale, totalement démesurée. Jugez un peu ! Converti en dollars de 2015, le plan Marshall a coûté seulement... 175 milliards de dollars ! Si la crise ne coûte "que" trente mille milliards de dollars, ce sera tout de même.. deux cent fois plus.

Mais puisque ces sommes sont tout bonnement astronomiques, c'est bien vers le ciel qu'il faut se tourner pour tenter de chercher une "utilité" à ces sommes, si elles pouvaient être investies autrement. Une mission habitée vers Mars, une misson ambitieuse, puisqu'il n'est pas question de poser un pied sur le sol martien pour repartir qulques jours plus tard après sept à douze mois de voyage, coûterait entre 800 et 1000 milliards de dollars d'après un rapport de la NASA. Avec la même somme, on pourrait bâtir une immense base lunaire, abritant une colonie humaine, capable de s'autosuffire et d'exploiter le sol de notre satellite. Autant vous dire que si les agences spatiales internationales disposaient ne serait ce que la moitié de la somme mise aujourd'hui sur la table pour affronter la crise économique provoquée par le Covid-19, elles pourraient imaginer et financer les projets les plus fous de conquête et colonisation de la Lune et de Mars, ou encore envoyer en orbite autour de la Terre des dizaines de stations spatiales géantes, habitées par des dizaines de milliers d'humains.

Covid-19 : le virus de l'inflation menace l'économie mondiale

Maintenant que nous pouvons appréhender de quelles sommes délirantes il est question dans cette crise mondiale, il est aisé de comprendre à quel point notre système économique et financier risque d'être destabilisé, pour ne pas dire détruit, par l'injection de tant d'argent dans le circuit. Dans un système économique théorique normal, cela devrait déclencher une poussée inflationniste. Les quinquagénaires et leurs aînés se souviennent peut-être de l'inflation qui sévissait en France au début des années 80 (et même, avant l'élection de François Mitterrand). 13,6 % en 1982 ! Dans certains pays du monde, encore aujourd'hui, l'inflation est non seulement une réalité, mais un drame. Au Vénézuéla, l'inflation a atteint 9 585 % en 2019... L'avantage d'une poussée inflationniste, c'est qu'elle permettrait de purger facilement une partie de la dette mondiale. Si vous avez souscrit un crédit immobilier à 1,5 % tout compris, et que l'inflation est de 15 %, il est facile de comprendre qu'en quelques années, le remboursement de vos mensualités deviennent indolores. Si toutefois, vous avez un travail, et un salaire qui suit a minima le rythme de l'inflation.

A l'inverse, ce qui profite à ceux qui sont endettés peut coûter cher, très cher, aux épargnants. Une des techniques classiques utilisées pour effacer une partie de la dette consiste en effet à contraindre les banques, les assureurs, à souscrire à des Bons du Trésor, ce qu'ils font déjà puisque c'est une obligation légale dans les assurances-vie par exemple. Où est le loup ? Evidemment, c'est la rémunération de ces bons qui pose alors problème : si le "coupon" qui leur est attaché offre 2 ou 3 % d'intérêts, quand l'inflation atteint ne serait-ce que le double, l'argent placé sur ces Bons du Trésor perd tous les ans un peu (beaucoup) de sa valeur. On parle alors de "répression financière".

Faut-il craindre une inflation massive ? Oui. Peut-elle survenir ? En théorie, non, puisque la mission des banques centrales, en particulier, de la Banque Centrale Européenne, est justement d'éviter le retour de l'inflation. Seulement voilà : ces règles, edictées en "temps de paix", pourraient bien être tout bonnement ignorées demain, s'il fallait coûte que coûte (ou quoi qu'il en coûte...) faire passer la dette. Si demain, une zone économique ou un Etat puissant qui contrôle une monnaie puissante (au hasard, la Chine, les Etats-Unis, ou même le Japon), avaient besoin d'un petit coup d'inflation pour faire le ménage, soyez certains qu'ils ne s'en priveront pas. Et tant pis si certains joueurs de la partie de Monopoly mondial actuellement en cours y laissent leur chemise...

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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