Espagne : après les scandales de corruption, le temps de l’introspection

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Par Gilles Sengès Publié le 11 février 2013 à 17h59

L’éclatement de la bulle immobilière espagnole avec ses effets en chaîne sur le système bancaire, la consommation et l’emploi laisse place, aujourd’hui, à un paysage de désolation. Celui d’un pays qui découvre, avec stupéfaction, l’ampleur de la corruption qui a prospéré durant ses « trente glorieuses », dans la foulée du rétablissement de la démocratie en 1978. Politiques, entrepreneurs et jusqu’à un membre de la famille royale… aucun secteur de la société n’est épargné. La pieuvre a étendu ses tentacules partout.

Après le Parti socialiste en son temps, c’est au tour du Parti populaire (PP), au pouvoir, de se trouver sur la sellette pour financement occulte. Non content d’avoir placé 20 millions d’euros en Suisse, l’ancien trésorier du PP usait, semble-t-il, d’une caisse noire abondée par des promoteurs et des constructeurs pour arrondir les fins de mois de ses dirigeants. A hauteur de 25 000 euros l’an, entre 1999 et 2008, pour le premier d’entre eux, l’actuel président du gouvernement, si l’on en croit les documents publiés par la presse espagnole. Ce que dément l'intéressé.

La situation n’est guère plus reluisante du côté des autonomies, les dix sept régions qui composent l’Espagne. La politique d’expansion tous azimuts de la communauté de Valence qui a soufflé, en son temps, à Marseille, l’organisation de la Coupe de l’America a surtout nourri les caisses de racketteurs quasi-officiels, laissant aux contribuables le soin de régler une montagne de dettes. A Barcelone, la justice a découvert quelques fausses notes dans la comptabilité du « Palau de la Musica » où quelques 30 millions d’euros ont été détournés au profit d'édiles locaux. Ceux là mêmes qui se plaignent, aujourd´hui, d’être financièrement pressurés par l’Espagne et réclament tl’indépendance.

Sans parler des promoteurs et des banquiers, à qui il est réclamé des comptes, le monde patronal n’est guère mieux loti. La justice vient d’imposer une caution de 10 millions d’euros (la somme initiale était de 30 millions) à l’ancien « patron des patrons », placé sous les verrous, en décembre dernier, pour faillite frauduleuse et évasion fiscale (50 millions d’euros…). C’est d’ailleurs le sort qui menace le gendre du roi d’Espagne, soupçonné de détournement de fonds publics à hauteur de 10 millions d’euros dans le cadre d’une association à but non lucratif (!) s’il n’arrive pas à réunir les 8 millions d’euros qui lui sont demandés pour éviter la prison préventive…

Effaré, le pays découvre l’ampleur des dégâts. Le temps est désormais à l’introspection. Intitulé « le triomphe des médiocres », un texte connaît un certain succès sur les réseaux sociaux espagnols. « Il faut reconnaître que le principal problème de l’Espagne n’est pas la Grèce, l’euro ou la señora Merkel et admettre, pour tenter de le corriger, que nous nous sommes transformés en un pays médiocre » écrit son auteur. Qui en usant d’une anaphore, remise au goût du jour par François Hollande, décline par onze fois le terme « médiocre » en s’étonnant notamment qu’un pays abritant deux des dix universités les plus anciennes d’Europe n’en compte aucune parmi les 150 meilleures du monde, ou qu’un pays comptant plus d’un quart de sa population au chômage trouve plus de motifs à s’indigner « quand les guignols d’un pays voisin ironisent sur ses sportifs »

« L’Espagne voulait être la Californie de l’Europe et au bout du compte elle va devenir sa Floride ou pire son Etat du Nevada… » se désole Carlos Sanchez, éditorialiste du site internet « El confidencial » en référence au projet d’installation d’un Eurovegas dans la banlieue de Madrid et à l’ambition de certains de transformer le pays en havre de paix pour retraités européens. Pour beaucoup, tout est à reconstruire. Mais avec des institutions qui ont failli dans leur ensemble, les Espagnols, coutumiers des mouvements spontanés à l’image de celui des « indignados », récemment, ou de « basta, ya » (« cela suffit ! »), à l’époque des attentats terroristes basques, ne savent plus vraiment à quel saint se vouer…

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Ancien rédacteur en chef des Échos, Gilles Sengès a été correspondant en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Espagne.

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