Créer des fleurons européens, l’excuse pour cacher le dépeçage de notre industrie

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Par Charles Sannat Modifié le 4 mars 2019 à 8h40
Alstom Siemens Fusion Bruxelles 1
30%Les concurrents chinois ont des coûts de production environ 30% inférieurs à Alstom et Siemens réunis.

Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,

Quand on parle de construire des fleurons européens, il convient, une fois que l’on nous a vendu la belle idée européenne, accompagnée d’une pincée de « faut bien résister à la concurrence internationale », puis que l’on nous a sorti, pour enfoncer le clou, le très classique argument de « la Chine » est un concurrent redoutable, il convient de bien regarder ce qu’il se passe dans les faits.

YAKA faire des champions européens !

Il y a quelques semaines à l’occasion de la fusion refusée par la Commission Européenne d’Alstom avec Siemens, c’était un concert systématique pour rejeter la décision de la Commission.

Vilaine Commission qui refusait cette fusion.

Lorsque tout le monde pense la même chose, comme le dit l’adage, « plus personne ne pense ». Ainsi je vous avais proposé de prendre la défense de la décision de la Commission d’un point de vue intellectuel s’entend!

Même ma femme m’avait dit « tu racontes n’importe quoi »…

Pas tout à fait.

D’abord, la Commission n’a fait qu’appliquer le droit de la concurrence européen conçu essentiellement par… l’Allemagne et la France qui du coup ont une furieuse envie de revenir sur ce qu’ils avaient décidé il y a 20 ans.

Faire des champions européens n’a aucun sens économique !

Entendons-nous bien, cela n’a aucun sens dans le fonctionnement actuel de l’Union Européenne. Personne ne peut être opposé à la création d’un champion européen…. hein, d’ailleurs personne ne peut être pour l’augmentation des morts sur la route !

Le problème c’est que les concurrents chinois parce qu’ils ont des coûts de production nettement plus faibles et parce qu’ils touchent plein de subventions du gouvernement central, ont des coûts de production environ 30% inférieurs à Alstom et Siemens réunis.

Il faut donc pour créer des champions européens, penser un protectionnisme industriel européen.

Tout le reste n’est que du blabla, de la propagande pro-européenne de bas étage et de l’occupation de temps de cerveaux.

Construire un champion européen ou construire un champion allemand ?

Autre élément à prendre en compte sans faire le petit lapin de six semaines.

Faire un géant européen c’est super!!! Ouhaiii…. Génial!

Mais, dans les faits, votre géant, fini allemand, matérialisant ainsi la faiblesse économique et politique de notre pays en Europe.

La bonne question à se poser serait plutôt de savoir si l’on n’offre pas en cadeau et en gage nos fleurons français pour que nos aimables partenaires puissent avoir des plus gros fleurons bien à eux.

Il n’y a que les gens sympathiques et naïfs qui peuvent croire que l’on « fusionne » à égalité.

Il n’y a jamais de fusion égalitaire.

L’un ou l’autre finit toujours par l’emporter.

Dit autrement, le plus faible des partenaires finit toujours par se faire couillonner, et côté couillonnage notre pays est en tête depuis 40 ans, et chaque année on se fait encore plus couillonner que l’année précédente!

Généralement ce qui fait la victoire, c’est la force politique du pays qu’il y a derrière.

L’Allemagne étant nettement plus en position de force que la France, il y a peu de chance que dans une fusion franco-allemande tout se termine gentiment à Paris.

Dans les conditions actuelles de puissance, créer des grands groupe européens, est un mensonge qui n’aura pour conséquence que de créer des grands groupes… allemands!

D’ailleurs à chaque fois que l’on vous « vend » la création d’un « champion » la naissance d’un nouveau « leader mondial », que reste-t-il en France ? De moins en moins de choses.

Les dirigeants français depuis 20 ans sont en train de démanteler consciencieusement l’outil industriel construit patiemment par nos aînés à la sortie de la seconde guerre mondiale.

La liste du souvenir

La force de l’euro n’est d’ailleurs pas étrangère à notre désindustrialisation de même que nos abandons successifs de souveraineté au profit de Bruxelles dans les faits fortement influencés.. par l’Allemagne.

Qui se souvient d’Areva, numéro 1 mondial du nucléaire qui disparaît finalement ?

Qui se souvient du cas d’Alcatel-Lucent, ex-numéro 1 mondial des télécoms et des câbles sous-marins ?

Qui se souvient de Lafarge ex-numéro 1 du ciment devenu Holcim… et suisse!

Qui se souvient de Technip passé sous contrôle américain ?

Qui se souvient de la partie génératrice de courant d’Altsom bradée à vil prix à General Electric et désormais totalement démantelée ou presque ?

À chaque fois, ces changements de couleurs, coûteux à terme pour l’État et donc pour le contribuable, ont été validés par les plus hautes autorités françaises.

Air-France KLM et les Pays-Bas !

Enfin et pour conclure, les TGV comme Air-France rejoindront la liste du souvenir parce que bien évidemment lorsque l’Etat néerlandais rentre au capital d’Air France avec une telle « violence », les intentions ne sont pas sympathiques, et considérant que les intérêts des Pays-Bas sont menacés par la gestion « française » d’Air-France, le gouvernement néerlandais, lui, pense ses intérêts économiques et la gestion de son « fleuron » KLM.

La liste des « souvenirs » français ne s’est que trop allongée, et il est urgent, de remettre les politiques face à leur obligation de penser l’avenir de la France, de son industrie, de ses protections et de notre souveraineté collective.

Tous le reste n’est qu’une succession d’abandons, de lâchetés, et de démissions.

C’est aussi à cela que doit servir le grand débat qui n’en est pas un, et les élections européennes.

Vive la France!

Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !

Article écrit par Charles Sannat pour Insolentiae

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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