Sortie de crise en zone euro : réalités et illusions

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Par Michel Aglietta Publié le 29 août 2013 à 4h10

Après 18 mois consécutifs de récession, la zone euro, dont la France, a enregistré une hausse de l'activité économique au second trimestre 2013. Il n'en a pas fallu plus pour inciter les dirigeants politiques de notre pays à déclarer que ce « frémissement » était le signe avant-coureur d'une sortie de crise.

Cette assertion est inquiétante. Elle témoigne d'un optimisme prématuré, alors que les indicateurs avancés de conjoncture en août ont été décevants pour la France, indiquant une faiblesse persistante de la demande de services. Mais surtout elle montre une incompréhension de la nature de la crise de longue durée qui affecte le monde entier.

La France dépend beaucoup de l'Europe et l'Europe du monde. La conjoncture américaine est bien orientée tout en restant molle. Mais elle a entraîné une hausse des taux d'intérêt à long terme de plus de 100pb depuis le début mai. La BCE pourra-t-elle éviter que cette hausse ne se transmette en Europe ? Rien n'est moins sûr lorsqu'on observe la tempête financière qui s'abat sur les pays émergents hormis la Chine. En outre, les capitaux flottants se positionnent sur les marchés à terme du pétrole, provoquant un hausse du prix du brut qui est très préoccupante. Elle pourrait, en effet, entraîner un coup de frein à la demande mondiale, alors que l'essentiel de notre amélioration récente est venu des exportations.

Nous ne sommes pas encore sortis de la crise

Certes, lorsque la tension a commencé sur les taux longs américains en mai et juin, Mario Draghi a accompli une prouesse. En annonçant que la politique monétaire resterait accommodante aussi longtemps que nécessaire et en réaffirmant la possibilité d'acheter des titres des pays de la zone euro, il a réussi à découpler partiellement (de 40pb environ) les taux longs allemands des taux américains. En outre, les discours des banques centrales ne sont pas dissonants. Toutes savent que les effets de la crise vont durer encore longtemps ; elles ont donc un horizon plus long qu'à la fois les marchés financiers et les politiciens.

Car le véritable indicateur d'une sortie de crise serait une accélération soutenue de l'investissement des entreprises, et donc une forte reprise du crédit pour financer cet investissement. Or, au second trimestre, où la croissance française a progressé de 0,5%, la contribution de l'investissement des entreprises a été nulle. L'encours de crédit qui le finance a augmenté seulement de 1% depuis le début de l'année. Pourtant le coût du crédit aux entreprises est extraordinairement bas, à 1,8% en moyenne.

La crise financière résulte d'un énorme excès d'endettement du secteur privé dans le monde entier. Pour sauver le secteur financier d'un effondrement total à l'automne 2008, une partie de cet endettement a été transféré sur le secteur public. En Europe particulièrement, les politiques d'austérité qui en ont résulté depuis 2010 sont un frein permanent à la croissance. Les entreprises sont à la fois contraintes par des bilans à consolider par un désendettement prolongé et par le manque de visibilité sur les politiques publiques, ce qui raccourcit l'horizon économique et décourage l'investissement.

Il s'ensuit que l'emploi continue à se dégrader et les revenus à stagner, provoquant un pessimisme de l'opinion publique qui contraste avec la posture médiatique des dirigeants politiques. Pour y remédier il faudrait d'autres politiques en Europe, comme cela se fait au Japon, des politiques de relance de l'investissement à partir du secteur public.

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Professeur à l'université Paris Nanterre et conseiller scientifique au Cepii.

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