Contre qui ? Hostilités
Banques de la colère
| « O Américains, O Européens, l’Etat islamique n’a pas commencé la guerre contre vous tels que vos gouvernements et vos médias essayent de vous faire croire. C’est vous qui avez commencé les transgressions contre nous, et donc vous êtes responsables et vous en paierez le prix. Vous en paierez le prix quand vos économies chuteront. Vous en paierez le prix quand vos fils seront envoyés au combat contre nous, et qu’ils vous reviendront infirmes, amputés, ou dans des cercueils ou mentalement malades. Vous en paierez le prix quand vous aurez peur de voyager dans d’autres territoires. Aussi, vous en paierez le prix en marchant dans la rue, regardant à droite, à gauche redoutant les musulmans. Vous ne vous sentirez pas en sécurité même dans vos chambres. Vous en paierez le prix quand votre croisade faillira, et ensuite, on vous frappera dans votre pays, et vous ne serez plus capable de blesser qui que ce soit après cela. Vous paierez le prix, et nous avons préparé pour vous ce qui vous fera abominablement mal ». (Dabiq n°4) |
Pour Daech, il n'y a que des combattants et un ennemi unique, le reste de la Terre. Cette hostilité illimitée appelle un châtiment ici-bas et une punition là-haut. Elle frappera ceux qui ne se convertissent pas, n'acceptent pas la de dhimmitude (soumission) ou ne bénéficient pas d'une trêve en bonne et due forme avec le califat ; et, comme un pays qui ne reconnaît pas le califat ne peut pas signer de trêve avec lui, cela réduit singulièrement la troisième catégorie.
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Griefs
Pour mémoire, ben Laden s'était expliqué très clairement dans une fatwa de 1998 sur les attentats qu'allait commettre son organisation.
« Premièrement depuis plus de sept ans les États Unis occupent la terre d'islam dans sa partie la plus sainte... Deuxièmement, malgré la grande dévastation infligée au peuple irakien par l'alliance des croisés sioniste et malgré le nombre élevé de tués qui a atteint plus d'un million... malgré tout cela, les Américains sont de nouveau en train de répéter ces massacres horribles, car ils ne sont pas satisfaits du blocus prolongé imposé après une guerre féroce et dévastatrice... Troisièmement, si les objectifs des Américains derrière ces guerres sont religieux et économiques, ils servent aussi les intérêts de l'État juif en détournant l'attention de son occupation de Jérusalem et du meurtre de musulmans. ». (23 février 1998). Les revendications sont donc le retrait des Américains d'Arabie saoudite, la fin de l'embargo sur l'Irak et la lutte contre Israël. Simple et compréhensible. Nous restons dans une logique géopolitique, choquante, mais construite.
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Presque vingt ans plus tard, pourquoi l'État islamique dit-il nous combattre? Allons voir ce qu'il dit dans sa revue anglophone Dabiq. En résumé :
• 1 - parce que vous êtes incroyants et que vous rejetez l’unité d’Allah. Donc : au nom du monothéisme.
• 2 - parce que vos sociétés libérales sécularisées autorisent ce qu’interdit Allah, vous séparez l’État de la religion et êtes permissifs. Donc : pour votre débauche.
• 3 - en particulier, pour les athées, nous vous haïssons et vous attaquons parce que vous refusez de croire en l’existence du Créateur, en dépit de la splendeur de l’Univers. Donc : pour crime contre l'esprit.
• 4 - vous commettez des crimes contre l’Islam et attaques contre notre religion en vous moquant du Prophète, en brûlant des Corans, etc. Donc : à cause de votre persécution.
• 5 - vous commettez des crimes contre les musulmans avec vos drones et vos avions. Vous tuez des femmes et des enfants. Donc : crimes de guerre.
• 6 - vous envahissez nos terres et nous allons vous repousser. Le djihad reste une obligation individuelle pour chaque musulman. Donc : légitime défense du territoire.
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Exemple et succession
Tout ramène toujours au même point : contrairement au discours qui répète que le terrorisme frappe « au hasard », le choix de la cible obéit à un code symbolique - elle « représente » l'oppression, l'occupation étrangère, ou les ennemis de Dieu -. Il suit aussi un code moral - la victime l'avait bien mérité - ce qui aide le tueur à garder sa conscience pour lui. Autre constante du discours terroriste : sa violence se dit réactive : l'adversaire a commencé. La guerre - de classe, de libération, guerre sainte... - est une riposte à une oppression, une occupation, une répression, un bombardement, une persécution, etc. Cela retourne la présomption de culpabilité. Le terroriste s'institue en juge de son ennemi, excipant d'une légitimité supérieure (loi de l'Histoire contre démocratie bourgeoise ou loi de Dieu contre loi des hommes) et d'une légitime défense, contre la « dernière croisade » par exemple.
Ceci est un extrait du livre « Daech : L'arme de la communication dévoilée » écrit par François-Bernard Huyghe paru aux Éditions VA Press. (ISBN-13: 979-1093240305). Prix : 14 euros.
Reproduit ici grâce à l'aimable autorisation de l'auteur et des Éditions VA Press.
