De la création à l’indépendance : l’enfance et la croissance des sociétés de gestion

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Par Rédaction Modifié le 29 mars 2019 à 16h06
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633La France comptait 633 sociétés de gestion agréées et en activité au 31 décembre 2018 selon l'AMF

La prise d’indépendance d’un fonds et son rachat par son management constituent le plus souvent le signe de sa réussite. Une évolution naturelle qui s’opère généralement en accord avec la société-mère et ouvre de nouvelles perspectives de développement. Les exemples ne manquent pas…

« C’est toujours la même histoire. Dès qu’une équipe de capital-investissement atteint le stade de la maturité, elle s’émancipe du nid douillet où elle est née », écrivait le quotidien Les Echos à propos de la prise d’indépendance de PAI Partners (ex-Paribas Affaires Industrielles), cédé à ses cadres en 2002. Un tournant majeur dans la vie de ce fonds qui s’est inscrit dans son histoire comme une suite logique.

PAI : démultiplier les capacités

PAI avait en effet déjà dû afficher l’indépendance de sa gestion suite à la levée de fonds externes, amorcée en 1998. « Mais la taille du nouveau fonds appelait inévitablement à matérialiser cette indépendance dans ses modes de détention, analysait le quotidien économique. Cette évolution était aussi nécessaire pour les autres métiers de BNP Paribas, qui pouvait se voir reprocher des conflits d'intérêts apparents », la banque intervenant à plusieurs niveaux dans certaines entreprises.

Après le rachat de Paribas par la BNP, son nouveau président d’alors, Michel Pébereau, souhaitait réduire la part des fonds propres de la banque alloués à l’activité d'investisseur et incitait PAI à aller chercher des financements externes, afin de démultiplier ses capacités d’investissement. Deux objectifs qui se sont concrétisés à l’époque dans la création d’un nouveau fonds, PAI Europe III (1,8 milliard d’euros), et ont marqué le début d’une forte croissance de la société de gestion après son émancipation, le dernier fonds en date (2018), PAI Europe VII, totalisant 5,1 milliards d’euros. Par contre, ce MBO n’a rien changé aux relations entre la firme d’investissement et la banque, qui sont restés liées.

C’est dans « l’ordre naturel des choses » : lorsqu’ils atteignent la maturité, les fonds d’investissement captifs, filiales de banques, de sociétés industrielles, d’associations professionnelles ou d’organismes publics, aspirent à voler de leurs propres ailes pour écrire une nouvelle page de leur croissance. De son côté, en laissant le fonds prendre toute l’ampleur dont il était devenu capable, la banque est allée au bout de son projet initial, tout en gardant un lien financier mutuellement bénéfique.

Qualium : accélérer la stratégie d’investissement

Un parcours classique également illustré par Qualium Investissement. Filiale de la Caisse des dépôts créée en 1985 sous le nom CDC Participations, puis devenue Qualium Investissement en 2010, le fonds a été repris à 70 % par ses managers en avril 2017. Un aboutissement naturel pour la société de gestion, qui avait déjà pris auparavant son autonomie dans ses décisions d’investissement et avait même pris des participations (par exemple dans Quick) qui n’étaient pas forcément cohérentes avec les objectifs de la Caisse des dépôts.

Dans la foulée de ce MBO, Qualium Investissement a créé un nouveau fonds, Qualium Fund II, afin de « poursuivre et (d’)accélérer sa stratégie d’investissement auprès des PME françaises ». Un nouveau fonds qu’accompagne d’ailleurs la Caisse des dépôts en tant que sponsor, avec un abondement à hauteur de 100 millions d’euros. Preuve que la prise d’indépendance de la société de gestion n’a pas affecté les bonnes relations avec son ancienne maison-mère. A terme, le gestionnaire de fonds espère lever 350 millions d’euros auprès d’une trentaine d’investisseurs, notamment internationaux, afin d’investir dans une dizaine de sociétés à horizon 2020.

Andera : une autonomie décisionnelle indispensable

Univers différent mais scénario analogue pour Edmond de Rothschild Investment Partners (EdRIP), créé en 2001 et repris en mars 2018 à 51 % par ses salariés et associés. En accord avec son actionnaire majoritaire historique, l’entreprise d’investissement est ainsi devenue totalement indépendante, sous la nouvelle raison sociale d’Andera Partners, tout en conservant l’ensemble de ses encours gérés, sa gouvernance et l’ensemble de ses équipes.

« Autonomie décisionnelle et entreprenariat sont des conditions indispensables pour suivre l’accélération actuelle de notre croissance et asseoir nos ambitions », ont déclaré à cette occasion Antoine Le Bourgeois et Gilles Nobécourt, gérants de la société de gestion. « La prise d’indépendance vise à renforcer les quatre activités d’investissement de la société et créer une force incontournable tant en France qu’au niveau international. L’indépendance devrait également permettre la poursuite de la croissance de la société de gestion amorcée ces dernières années, tant en termes d’offre, d’effectif, d’innovation que de performance », précisait également la société dans un communiqué. Une nouvelle étape du développement de la société de gestion également considérée comme « un changement de dimension et de position ».

D’autres candidats à l’indépendance ?

D’autres sociétés de private equity pourraient avoir atteint ce stade de la maturité et seraient susceptibles de voler prochainement de leurs propres ailes pour accélérer leur développement ainsi que permettre aux sponsors d’origine de poursuivre leur activité de lancement et de soutien de nouveaux investissements. Ce pourrait théoriquement être le cas des rares fonds d’investissement qui restent encore dans le giron des banques comme CM-CIC Investissement, adossé au groupe bancaire Crédit Mutuel, qui compte trente ans d’expérience et gère trois milliards d’euros de capitaux en France et à l’international…. Ou encore Arkéa Capital, filiale du groupe bancaire Arkéa, qui affiche trente-cinq ans d’expérience, a réalisé un investissement record de 200 M€ et totalise un milliard d’euros d’actifs, ce qui représente 15 % des fonds propres du groupe bancaire.

Céréa Partenaire, aujourd’hui filiale à 100 % d’Unigrains, lui-même majoritairement détenu par la profession céréalière, aurait également le profil. Depuis sa création en 2004, cet investisseur partenaire de l’agrobusiness a levé 1,4 milliard d’euros et a réalisé près de 120 investissements. Un développement qui s’est fortement accéléré au cours des quatre dernières années, les fonds de Céréa provenant essentiellement aujourd’hui d’investisseurs institutionnels. Pour Unigrains, dont la mission explicite est de favoriser « l’émergence d’entreprises leaders dans leurs secteurs », cet aboutissement lui permettrait de poursuivre son œuvre en soutenant de nouvelles initiatives qui pourraient bénéficier de son soutien. Pour Céréa Partenaire, selon son Président, Michel Chabanel, l’heure est au « développement d’une stratégie d’investissement européenne structurée. »

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