Aquilino Morelle annonce sa démission de l’Elysée après les révélations sur ses liens avec les labos pharmaceutiques

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Par Jean-Baptiste Le Roux Modifié le 18 avril 2014 à 13h24

Aquilino Morelle a annoncé sa démission de son poste de conseiller à la communication du président de la République François Hollande vendredi 17 avril, en fin de matinée, 24 heures à peine après le début de la polémique sur ses liens financiers avec certains laboratoires pharmaceutiques, alors qu'il travaillait pour l'IGAS (Inspection générale des affaires sanitaires) censée les contrôler. Retour sur un scandale d'Etat qui dépasse déja largement l'affaire Cahuzac. La rapidité de la démission - commandée - d'Aquilino Morelle d'une fonction hautement stratégique en est la preuve.

A quelque chose malheur est bon. Plongé en pleine affaire de conflit d’intérêt, et de train de vie somptuaire, l’un des plus proches conseillers de Hollande, mis en cause par Mediapart, a au moins eu le mérite de faire un peu de publicité à un autoentrepreneur : son cireur de pompes.

Le PS prend ses distances avec Aquilino Morelle

L’affaire n’a semble-t-il rien d’anecdotique puisque le PS commence à prendre ses distances avec Aquilino Morelle, le plus proche conseiller de François Hollande. Vendredi 18 avril, Jean-Christophe Cambadélis, le nouveau premier secrétaire du Parti Socialiste. Interrogé ce vendredi sur I-Télé, ce dernier a déclaré que "si ce qui se dit est vérifié, je ne vois pas comment il peut rester". En langage politique, cela voudrait dire : "on sait ce qui s’est passé, on s’occupe de la situation".

A noter qu’Aquilino Morelle aurait d’ailleurs voulu contacter l’AFP pour se disculper publiquement, et en aurait été dissuadé par le chef de l’Etat lui-même, ne voulant pas mêler l’Elysée à cette affaire qui semble pourtant sonner le glas de la République irréprochable de François Hollande.

L'IGAS dément avoir été prévenue des activités pharmaceutiques d'Aquilino Morelle

Les heures d’Aquilino Morelle au sein de l’Elysée sont sans doute comptées. D’autant plus que l’IGAS, l’Inspection général des Affaires sociales, officine de l’Etat pour laquelle le docteur Morelle a exercé une activité, révélait en fin de matinée, contrant les déclarations de l’intéressé dans son droit de réponse (lire ici), qu’il n’aurait pas demandé l’autorisation pour exercer une activité privée.

L’activité, en l’occurence, c’est celle d’avoir émargé, d’après Mediapart, le révélateur de l’affaire (lire ici), jeudi 17 avril dernier, auprès du laboratoire pharmaceutique Danois, Lundbeck, à partir de 2007, date où il réintègre l’IGAS avec pour mission de contrôler les activités des… laboratoires pharmaceutiques. Il est loin le temps où l’homme donnait des leçons de transparence à l’antenne de France Info (lire ici).

"Que chacun soit au clair avec lui-même et avec les autres. Il n’y a pas d’interdiction d’avoir un rapport avec l’industrie pharmaceutique pour un médecin. En revanche, ce qui est obligatoire, c’est de rendre public cela" déclarait-il en juin 2011. Faites ce que je dis, pas ce que je fais, Aquilino Morelle s’en serait bien gardé dans cette affaire, d’après les révélations de l’IGAS.

Pas de problème d'éthique pour le patron de la com' de Hollande

Aucun problème éthique, si l’on en crois Aquilino Morelle, dans son droit de réponse à l’article au vitriol de Mediapart. "En tant que fonctionnaire, un certain nombre d’activités annexes sont autorisées, dont l’enseignement et le conseil" écrit-il. Cependant, il lui semble difficile pour lui de prouver ce qu’il avance, "en dépit de (ses) recherches", tant les faits seraient "banals". Un droit de réponse auquel a réagi le site d’investigation (lire ici), de manière cinglante.

Florilège : "Aquilino Morelle a-t-il réfléchi au fait que les contribuables n’ont peut-être pas envie que leur argent serve à compenser ses loisirs ?" ou encore "Quant à la gestion de son patrimoine immobilier, il va de soi, comme il l’explique très bien, que ce sont ses secrétaires qui lui ont proposé de le décharger. Généreuses comme elles sont, il est étonnant qu’elles ne lui aient pas encore proposé de faire ses courses et le ménage à domicile".

Chauffeurs privés, cireur de soulier : le train de vie somptuaire d'Aquilino Morelle

Car l’article de Mediapart va encore plus loin que cette affaire de conflit d’intérêt. Le journaliste investigateur du site dirigé par Edwy Plenel met également en avant le train de vie somptuaire du patron de la communication de l’Elysée. Deux chauffeurs disponibles 24 heures sur 24, "car n’étant pas versés au pool commun". D’après le journaliste Michaël Hajdenberg, "le mardi en fin d’après-midi, comme nous avons pu le vérifier, un des deux chauffeurs véhicule son fils pour des activités personnelles dans le XVe arrondissement"…

Enfin, et c’est sans aucun doute ce qui aura retenu l’attention des médias depuis jeudi, la passion du bon docteur Morelle pour les chaussures de luxe, et le service après vente afférent. "Il a 30 paires de souliers de luxe faites sur-mesure, pour son pied qui a une forme particulière. Des Davison, des Weston… des chaussures de plein cuir toujours du même style" raconte le fameux cireur de chaussures d’Aquilino Morelle, David Ysebaert, cité par Mediapart. L'homme connaît depuis hier une publicité sans précédent (lire ici), et cela alors même que ses activités à l’Elysée devraient vraisemblablement prendre fin.

Quand l'Elysée fait la publicité d'un cireur de souliers du Bon Marché

Ainsi donc, cet autoentrepreneur se rendait régulièrement à l’Elysée pour cirer les nombreuses paires de chaussures du conseiller en communication de François Hollande. Interrogé par le Point, David Ysebaert déclare : "je cire les chaussures d’Aquilino Morelle en effet depuis un an et demi. Je l’ai connu au Bon Marché comme 80 % de ma clientèle. Je me rends à l’Elysée pour accomplir ma tâche. Mais pas pour rien. Je suis en Seine-et-Marne, je dois rentabiliser mes déplacements."

Quitte à lui cirer les pompes dans des conditions pour le moins étonnantes. Mediapart rapporte qu’"Aquilino Morelle a même fait privatiser un salon de l’hôte Marigny afin de se faire cirer les chaussures seul au milieu de cette pièce toutes en dorures." Passons sur le mauvais genre, c’est la République irréprochable qui prend ici du plomb dans l’aile…

David Ysebaert ajoute : "je ne suis pas un cireur de pompes, mais un cireur de souliers. Chacun a une demande particulière. Je dispose de plus de 80 couleurs. C’est 10 euros pour un cirage et 25 euros pour un glaçage. Je me déplace pour minimum cinq paires." Reste qu’à la suite de l’article, Morelle l’aurait appelé personnellement pour lui dire qu’il ne lui cirerait plus les chaussures. "L’Elysée m’a dit que je risquais d’être placé sur écoute" précise-t-il. No comment...

David Ysebaert vient certes de perdre quelques clients "prestigieux". Il a en tout cas gagné en notoriété. L’artisan est installé au Bon Marché, à Paris, au niveau -1 du grand magasin (lire ici). Une adresse à retenir. Pour un cirage à domicile, comme le Point les a révélées, voici ses coordonnées : [email protected] ; 06 22 42 44 42.

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Jean-Baptiste Le Roux est membre de la rédaction d'Economie Matin

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