Comment détruire la dette publique ?

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Par Mory Doré Publié le 29 novembre 2017 à 4h22
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5 EUROSEmmanuel Macron a demandé aux propriétaires de baisser leur loyer de 5 euros.

Oubliez l’expropriation foncière. Les dettes publiques seront détruites par des procédés financiers, des emprunts forcés et une fiscalité renforcée.

Réquisition ou expropriation. Ces vilains mots font partie du vocabulaire français mais beaucoup d’entre nous ne les connaissent que de façon théorique ou historique.

Une étude de France Stratégie remet ces notions au goût du jour en avançant des solutions extrêmes au problème de la dette française : nationaliser les terrains des propriétés privées.

France Stratégie, rappelons-le, n’est pas une officine de la France insoumise ou un groupuscule d’extrême-gauche. Créé par un décret paru le 23 avril 2013, France Stratégie remplace le Centre d’analyse stratégique (qui avait lui-même remplacé le Commissariat général du Plan), ainsi que le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC). Vous lirez sur Wikipédia que cette institution rattachée au Premier ministre a pour objectif de « concourir à la détermination des grandes orientations pour l’avenir de la nation et des objectifs à moyen et long terme de son développement économique, social, culturel et environnemental, ainsi qu’à la préparation des réformes ». Voici ce qu’écrit cet organisme :

« La soutenabilité d’une dette publique excessive pourrait être crédibilisée en rééquilibrant comptablement le bilan patrimonial de l’Etat, par la voie d’un transfert d’actifs depuis le bilan des agents économiques privés résidents, ce transfert étant assimilable à un impôt exceptionnel sur le capital.

L’Etat décrète qu’il devient copropriétaire de tous les terrains construits résidentiels, à hauteur d’une fraction fixée de leur valeur et que ce nouveau droit de propriété est incessible.

Concrètement, cette rente immobilière elle-même équivaut à une partie du loyer qu’un propriétaire touche lorsqu’il loue son bien, celle qui relève de la rémunération du droit d’occupation du sol (actif non produit), l’autre partie correspondant au paiement par le locataire d’une consommation de service de logement, lié à l’occupation de la maison ou de l’appartement loué (actif produit). »

En d’autres termes, vous devenez locataire de l’Etat. Donc vous allez payer un loyer ou remonter une partie du loyer que vous touchez. Eh oui, comme le souligne Simone Wapler, « votre droit de propriété commence là ou s’arrêtent les besoins de l’Etat ».

En réalité, nous ne croyons pas véritablement à la mise en place d’un tel dispositif. Mais tant que l’inflation ne reviendra pas, que la croissance ne sera pas beaucoup plus forte et que les résultats de la mise en place d’un certain nombre de réformes sur la baisse durable de la dépense publique ne seront pas assez probants, il se trouvera toujours des économistes pour envisager des solutions aussi radicales. Nous croyons plus à des dispositifs financiers.

Les responsables politiques vont continuer à demander encore et toujours plus aux banques centrales. Pour une raison simple : les banques centrales n’ont pas à rembourser la dette qu’elles émettent. En créant de la monnaie, la banque centrale émet une dette sur elle-même non exigible tant que la monnaie émise est acceptée comme moyen d’échange, de paiement, de transaction et de réserve. Quelle aubaine pour des gouvernements dépensiers !

Même si la mode est aujourd’hui à la réduction des programmes de rachat d’actifs (BCE à partir de janvier 2018) et à la réduction de la taille du bilan (depuis octobre 2017 pour la Fed), nous pensons que les banques centrales peuvent remettre en place des politiques monétaires très accommodantes à la moindre alerte sur les marchés ou retournement de conjoncture.

Mieux, les politiciens exigeront que les banques centrales contribuent à resolvabiliser les Etats.

Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et au Japon, on peut déjà parler de nationalisation des marchés obligataires : la banque centrale achète la dette publique de son pays, l’Etat débiteur verse les intérêts sur sa dette à la banque centrale ; mais en transférant comme le veut la loi ses bénéfices annuels à l’Etat, la Banque Centrale reverse ces intérêts au budget national. La dette publique achetée est donc en réalité annulée (au niveau des intérêts mais pas encore du principal).

Hypocrisies et astuces financières

Les banques centrales pourraient transformer en dette perpétuelle à zéro coupon les obligations achetées. Pour rassurer les pays vertueux de la Zone euro, la BCE pourrait s’engager à reconvertir la dette perpétuelle si les Etats en question ne respectaient pas certaines obligations budgétaires.

Nous n’excluons pas non plus des formes astucieuses pour l’Etat – mais hypocrites et sournoises pour l’épargnant – de nationalisation d’une certaine forme d’épargne. Par exemple, des produits d’épargne transformés en emprunts d’Etat plus ou moins attractifs : indexation sur la croissance ou sur les performances budgétaires, pas de versements de coupon annuel mais un bon de capitalisation avec paiements du capital et des intérêts à l’échéance du titre.

Début septembre 2013, la Pologne a purement et simplement annulé les obligations d’Etat polonaises détenues par les fonds de pension pour le compte des épargnants privés. On est donc ici dans le cadre d’une opération officielle de nationalisation d’une partie de l’épargne privée afin de réduire mécaniquement la dette publique nationale. Dans ce cas de figure, l’Etat prend le contrôle des obligations détenues par les fonds de pension et les transforme en retraites du système public.

Les fonds de pension resteront cependant investis en actions puisqu’il est difficile pour un Etat d’exproprier un épargnant en actions de sociétés privées — sauf au prix d’une coûteuse et inutile nationalisation qui ferait exploser la dette publique alors que c’est tout l’inverse qui est recherché.

Replacé dans le contexte français, c’est comme si nos contrats d’assurance-vie en euro (largement investis en obligations d’Etat françaises) étaient réquisitionnés tandis que, dans le même temps, notre assurance-vie en unités de compte (fonds actions et diversifiés) échapperait à cette nationalisation sauvage.

Cela revient donc à remplacer tout ou partie de notre assurance-vie en euros par d’hypothétiques droits futurs pour notre retraite liés à la solvabilité de l’Etat français.

Fiscalité confiscatoire et emprunts forcés : d’autres voies possibles

Une autre solution radicale au problème du surendettement public consisterait à « transférer » la dette publique d’Etat (collective) vers la dette publique des Français (individuelle). Le coût de la première dépend de la solvabilité de l’Etat et donc de la croissance tandis que la seconde est garantie par le patrimoine et le revenu individuel des Français.

Imaginez un emprunt forcé qui répartirait les 2 200 Mds€ de dette publique française parmi les contribuables français. Pour mémoire, le dernier emprunt forcé levé en temps de paix le fut en 1983. Ou bien, imaginez un emprunt perpétuel souscrit par les « riches », remboursable in fine avec un taux d’intérêt ridiculement faible qui ne seraient même pas perçus par les épargnants mais qui seraient retenus à la source ; cette provision servant à payer nos impôts.

Coup double pour l’Etat qui effacerait une partie de sa dette à nos dépens (remboursement du capital dans 50 ou 70 ans ou 100 ans, paiement des intérêts financés par nos soins…)

Faites confiance – pour une fois – à nos responsables politiques (et à leurs conseillers en tous genres) pour faire preuve de créativité fiscale et financière mise au service de l’effacement de la dette ou de son allégement.

Pour plus d’informations, c’est ici

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Mory Doré est professionnel des marchés financiers depuis plus de 20 ans ayant exercé différentes fonctions dans plusieurs grands groupes bancaires : économiste de marché ; trader et arbitragiste sur produits dérivés de taux d'intérêt ; trésorier et responsable de l'allocation des excédents de fonds propres ; responsable gestion financière. Aujourd'hui responsable du département des risques financiers dans un grand groupe bancaire mutualiste. Durant ces 10 dernières années, interlocuteur privilégié de la gestion financière et des risques financiers de son établissement auprès de différentes instances et institutions : commissaires aux comptes, Commission bancaire, comité d'audit et comité d'Entreprise.

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