BCE : Mario Draghi en « game changer » ?

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Par Alexandre Baradez Publié le 1 octobre 2015 à 10h17
Situation Etats Unis Crise Economique 2008
3,9%Le PIB des Etats-Unis devrait croître de 3,9% en 2015 selon les denrières estimations.

C’est sûrement un des évènements potentiels les plus surveillés par le marché dans une actualité toujours très négative, monopolisée par la FED, la Chine et plus récemment le scandale Volkswagen ou la chute lundi de Glencore. L’épisode catalan, même si il intervient dans le climat actuel pesant, ne constitue pas l’inquiétude principale.

C’est dans ce contexte très volatil et fortement baissier sur l’ensemble des places boursières qu’un « game changer » est susceptible d’intervenir avec pour effet immédiat de stabiliser la baisse puis lancer une nouvelle phase de hausse. A ce jour, le contexte semble tellement négatif qu’il est difficile d’imaginer qu’un tel évènement puisse se produire. Pour mettre fin à cette puissante phase de correction, il faudrait un évènement dont la portée permettrait de briser le momentum baissier et inverser la perception des investisseurs.

Il existe plusieurs possibilités. On peut tout d’abord commencer par la moins probable d’entre elles après les récentes déclarations des membres de la FED : l’absence de hausse de taux en 2015 et la mise en place d’un nouveau programme d’assouplissement monétaire (QE4). Assez improbable car une majorité de membres du FOMC lors de la dernière réunion anticipaient toujours une hausse cette année. La dernière estimation du PIB du 2ème trimestre aux Etats-Unis ressortie à 3.9% semble éloigner la perspective d’un nouveau cycle accommodant malgré le ralentissement prononcé de la Chine.

Yellen et d’autres membres de la FED ont souligné la bonne tenue de l’économie US dans ce contexte global. Signe que la FED ne semble pas s’orienter vers ce scénario : la dernière intervention de Janet Yellen à l’Université du Massachussetts, qui a « recadré » le marché après la tonalité faussement « dovish » de sa conférence de presse du 17 septembre. Il faudrait un sérieux dérapage de l’économie dans les mois qui viennent pour empêcher une hausse de taux avant la fin de l’année, même les membres les plus accommodants du FMOC comme Dudley ou Evans sont favorables à une hausse, tout en rappelant la « data dependence » de cette décision.

Le « game changer » FED semble donc peu probable. Autre scénario possible, celui d’une Chine qui enverrait soudain de meilleurs signes sur son économie (PMI, balance commerciale, production industrielle, soutien budgétaire d’ampleur, etc…). Là encore difficile d’imaginer que dans un cycle économique de ralentissement moyen terme, les données macroéconomiques communiquées dans les semaines qui viennent soient suffisamment rassurantes pour inverser la perception du marché sur l’état de santé de l’économie chinoise. Et même si des chiffres encourageants lui parvenaient, une réserve serait probablement observée pendant plusieurs mois quand à la « réalité » des chiffres. A moins d’importantes décisions économiques, budgétaires ou fiscales dans les semaines qui viennent, un évènement majeur en Chine permettant une stabilisation puis rebond des marchés ne semble pas être l’hypothèse la plus crédible.

A ce stade, deux évènements semblent en mesure de ramener l’environnement favorable à une reprise haussière des marchés actions. Le premier serait un rebond des matières premières (énergie, métaux, matières premières agricoles). L’effondrement des cours depuis des mois voire des années, doublé d’un manque de réformes structurelles, pèse sur les pays émergents et entraîne une instabilité politique (les craintes de relèvement des taux de la FED et la fuite des capitaux liée accélère le phénomène mais la guidance observée depuis quelques jours par les membres du FOMC pourraient limiter l’incertitude et ralentir le phénomène). Un rebond global des matières premières donnerait une bouffée d’oxygène à plusieurs pays émergents dont l’économie est fortement liée au secteur. Un rebond des prix de l’énergie impacterait positivement l’inflation et permettrait également à la FED d’offrir plus de visibilité sur le rythme de relèvement des taux.

Et c’est sur cette question de l’inflation que la BCE pourrait éclipser et atténuer les effets d’une hausse de taux US. Mario Draghi a pris l’habitude de surprendre les marchés depuis son arrivée. Quand les marchés l’attendent sur les taux, il lance 2 LTRO de 1000 milliards d’euros, quand les marchés l’attendent sur un QE de 500 milliards d’euros, il crée d’abord l’attente puis lance un QE de plus de 1000 milliards d’euros jusqu’en septembre 2016. Au moment où l’Allemagne observe un très net recul des prix en septembre (IPCH négatif à -0.2% alors que le consensus tablait sur une inflation nulle), que l’euro tente d’accélérer au-dessus de 1.1000$ face aux « hésitations » de la FED et que les prix du pétrole stagnent en zone basse, la BCE pourrait surprendre en annonçant de nouvelles mesures d’assouplissement.

Les dernières déclarations de membres de la BCE montrent que cette piste est à l’étude mais qu’il est (semble-t-il) trop tôt pour la mettre en place et qu’une période d’observation est nécessaire. Le marché se prépare donc à des annonces potentielles à la fin du 4ème trimestre. Mais Mario Draghi pourrait se montrer plus précis avant cette date. Le contexte favorise l’effet de surprise si par exemple l’euro repartait fortement à la baisse dans les jours qui viennent. L’analyse initiale serait de conclure qu’une nouvelle baisse de l’euro aurait des effets mécaniques sur les prix et ne justifierait donc pas d’intervention supplémentaire de la BCE. Une autre possibilité serait un rebond des matières premières dans les jours qui viennent qui impacterait donc positivement les prix à moyen terme…éloignant de fait les perspectives d’une intervention de la BCE.

Et c’est justement ce moment que pourrait choisir le président de la BCE pour enfoncer le clou monétaire et surprendre les marchés…une nouvelle fois.

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Diplômé de l’ESCE (Ecole Supérieure de Commerce Extérieur), Alexandre Baradez débute sa carrière chez EBG FINANCES en 2003 en tant que consultant spécialisé en défiscalisation immobilière. Il intègre le département Gestion Privée de BNP PARIBAS en 2005 où il assure la gestion et le suivi d’un portefeuille de 400 clients. En 2008, il rejoint Banque Robeco Gestion Privée où il a en charge la gestion d’un portefeuille de 650 clients. Il délivre un conseil sur OPCVM, la constitution et la gestion d’un patrimoine en exploitant l’actualité macro et micro-économique. En octobre 2009, il rejoint Saxo Bank en tant que Sales Trader et devient en 2011 Analyste Marchés de la banque dont il est l’interlocuteur privilégié auprès des medias français. Aujourd'hui, Alexandre Baradez est Responsable Analyses Marchés chez IG France.

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