2014 : Doit-on prévoir une baisse de l’euro ?

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Par Alexandre Baradez Modifié le 29 mars 2014 à 11h31

Au cours de cette puissante et longue phase de hausse qui a commencé en juillet 2012 lors du fameux discours de Mario Draghi (« La BCE est prête à faire toute ce qui est nécessaire pour sauver l’euro. Et croyez-moi, ce sera suffisant »), l’euro est passé de 1.2040 $ en juillet 2012 à près de 1.3900 $ il y a quelques jours …

Cette hausse a non seulement été catalysée par les déclarations dissuasives de la BCE et de son président mais également par la politique monétaire ultra accommodante de la FED (85 milliards de dollars d’achats d’actifs tous les mois portant sur les Treasuries et les MBS). Les déclarations de Mario Draghi cumulées à l’effet des 2 LTRO (près de 1000 milliards d’euros en deux tranches à fin 2011 et début 2012) sur le marché de la dette souveraine, sans oublier la mise en place de pare-feu au niveau européen et la menace d’utilisation du programme OMT pour faire baisser les tensions sur les taux d’emprunts des pays « fragiles » de la zone euro (Espagne/Italie), ont eu pour effet de provoquer une détente majeure du risque en zone euro, enrayant la baisse des marchés actions et propulsant l’euro à plus de 1.3700 $ dans les 6 mois qui ont suivi. Soit près de 14 % de hausse entre juillet 2012 et janvier 2013.

Après plusieurs tentatives d’accélération baissière sous les 1.3000 $ au premier semestre, tentatives toutes avortées, l’euro est rapidement reparti à la hausse et ce malgré la baisse par deux fois des taux directeurs courant 2013. La reprise à la hausse des marchés européens a catalysé les achats de devise européenne mais c’est surtout l’ampleur de la politique monétaire américaine qui a catapulté l’euro sur les niveaux actuels. Les quelques épisodes « d’hésitation » de la FED (2ème trimestre 2013 et septembre) n’auront pas suffi à renforcer durablement l’euro.

Aujourd’hui et après le plus haut de 2013 à quelques encablures des 1.4000 $, il convient de s’interroger sur la probabilité de poursuite de ce mouvement haussier. En effet, les choses ont changé en fin d’année : le début du ralentissement des achats de la FED (Tapering), qui passent de 85 milliards $ mensuels à 75 milliards $ en janvier, ont sonné le début d’un changement clair de politique monétaire. Et même si Bernanke a indiqué que « tapering » ne signifiait pas « tightening », il s’agit bien du début d’un cycle durable de resserrement de la politique monétaire Outre-Atlantique qui devrait déboucher fin 2014/début 2015 sur une hausse des taux directeurs de la FED.

Même si Bernanke n’a rien laissé entrevoir de ce côté-là lors de sa dernière allocution de vendredi (3 janvier), Jeffrey Lacker de la Fed de Richmond a clairement laissé entendre qu’une hausse des taux était tout à fait possible « plus tard cette année » si la croissance se maintenait à un rythme soutenu…ce qui semble tout à fait possible après les derniers chiffres de la croissance US (+4.1 % au 3ème trimestre) et même si l’inflation peine à revenir sur les 2 %. La FED a eu beau indiquer qu’elle poursuivrait sa politique monétaire accommodante après que le taux de chômage soit descendu sous les 6.5 %, elle ne pourra pas prendre le risque de l’émergence de nouvelles bulles comme en 2007/2008.

La hausse des taux d’emprunt aux Etats-Unis renforce également ce scénario d’une hausse des taux. Le 10 ans a récemment franchi la barre des 3 % et après la consolidation actuelle, il devrait repartir vers les niveaux de 2011 entre 3.25 % et 3.75 %. Face à ce virage pris par la FED, la BCE devrait conserver un ton accommodant en 2014, en maintenant ses taux entre 0 et 0.25 % et en adoptant de nouvelles mesures non conventionnelles pour favoriser la diffusion du crédit en zone euro à destination des PME/PMI, même si il s’agit non seulement d’une problématique d’offre mais aussi de demande.

Face au risque déflationniste auquel est confronté la zone euro, il y a peu de chance de voir la BCE durcir sa position, surtout dans un contexte où le prix des matières premières ne redécolle pas : euro fort, baisse du prix des matières premières et demande intérieure atone devrait rendre délicat le retour à l’objectif d’inflation de 2 % …

Autre élément à prendre en compte : le redémarrage progressif des économies du sud de la zone euro (Espagne et Italie notamment) qui pourrait déclencher un cercle vertueux au sein de la zone euro et accélérer ensuite la reprise des pays « core ». Une hausse trop forte de l’euro dans ce contexte pourrait fragiliser leur reprise même si l’impact des changes sur le PIB est difficilement mesurable et relativement long à se manifester.

Enfin, de nombreuses échéances électorales sont au calendrier de plusieurs pays de la zone euro et le niveau de la monnaie unique est un sujet récurrent de campagne…

Dans ce contexte macroéconomique et monétaire, il serait donc logique de voir l’euro infléchir progressivement sa trajectoire haussière en 2014, dans la zone de prix actuelle (entre 1.3500 $ et 1.4000 $) pour repartir ensuite dans la zone 1.2500 $ / 1.3000 $ et enfin, revenir à plus long terme sur les plus bas de 2010 et 2012 dans la zone des 1.2000 $. A suivre…

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Diplômé de l’ESCE (Ecole Supérieure de Commerce Extérieur), Alexandre Baradez débute sa carrière chez EBG FINANCES en 2003 en tant que consultant spécialisé en défiscalisation immobilière. Il intègre le département Gestion Privée de BNP PARIBAS en 2005 où il assure la gestion et le suivi d’un portefeuille de 400 clients. En 2008, il rejoint Banque Robeco Gestion Privée où il a en charge la gestion d’un portefeuille de 650 clients. Il délivre un conseil sur OPCVM, la constitution et la gestion d’un patrimoine en exploitant l’actualité macro et micro-économique. En octobre 2009, il rejoint Saxo Bank en tant que Sales Trader et devient en 2011 Analyste Marchés de la banque dont il est l’interlocuteur privilégié auprès des medias français. Aujourd'hui, Alexandre Baradez est Responsable Analyses Marchés chez IG France.

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