Bonus-malus énergétique : un débat impossible ?

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Par Terraeco.net Modifié le 8 octobre 2012 à 17h05

Les députés débattent actuellement d'un bonus-malus sur les tarifs de l'énergie. D'un côté, ceux qui mettent des pulls en hiver et ont isolé leur maison, de l'autre les gros gaspilleurs qui aiment chauffer les oiseaux. Oui, mais pas seulement. La preuve.

Le bonus-malus. Pour ses détracteurs, une "usine à gaz". Pour son rapporteur, François Brottes (PS), un dispositif très simple puisqu’il suffit pour le calculer de scruter la feuille d’impôts des Français. "Il y a une adresse qui indique la localisation et le climat, il y a le foyer fiscal qui détermine la composition de ceux qui vivent dans le logement et il y a le mode de chauffage", a-t-il expliqué. Simple ? Peut-être.

Laissez-nous quand même vous éclairer sur quelques points de ce texte que l’Assemblée nationale débat actuellement. En clair et en résumé la loi doit fixer un volume de base calculé à partir d’"un volume de référence représentant une consommation sobre dans un logement bien isolé, modulée en fonction du nombre d’occupants du logement, de la zone climatique et du mode de chauffage", précise le texte.

Ainsi, le volume de départ censé couvrir vos besoins énergétiques incompressibles ne sera pas le même si vous et votre marmaille vous chauffez au gaz dans les Bouches-du-Rhône ou si vous êtes célibataire et éclairez vos nuits à l’électricité dans le Nord-Pas-de-Calais. Une fois ce quota de base fixé, reste à le respecter, mieux à ne jamais l’égaler : vous aurez ainsi droit à un bonus (jusqu’à 20 euros économisés par mégawattheure en 2014). Si vous consommez 50 % de plus, vous paierez jusqu’à 6 euros par mégawattheure (MWh), jusqu’à 20 euros au-delà.



Mais qui sont alors les gagnants ? Les très économes. Si vous faites déjà très attention, que vous enfilez un pull plutôt que de tourner le thermostat et avez entrepris des travaux pour faire de votre maison un tupperware énergétique, vous serez vernis. Le premier tarif devrait être "3 % à 4 % moins cher" que le tarif de base actuel.

Les plus pauvres. Votre facture grève sérieusement votre budget ? Vous bénéficierez sans doute du tarif social étendu à 4 millions de foyers – 600 000 en bénéficient aujourd’hui (1,5 à 2 millions pourraient y prétendre). Mieux, vous aurez aussi droit à un bonus-malus différent, récompensant encore davantage l’économie et pénalisant moins le gâchis.

Les personnes âgées et les malades. Si vous êtes vous-même senior ou qu’un senior habite votre foyer, votre volume alloué sera plus généreux. Mais impossible de connaître pour le moment l’âge "canonique" auquel sera fixé le seuil, il sera déterminé "par voie réglementaire". Idem pour les malades appareillés : la liste des "équipements spécifiques" ouvrant droit à un quota plus large devra être fixée par ailleurs.

Les propriétaires de résidences secondaires. Dans votre maison à Saint-Rémy-de-Provence, vous pourrez vous rafraîchir à souhait pendant les mois d’été. Les résidences secondaires ont été exclues du système. Peu habitées, elles risquaient de déclencher automatiquement un bonus, peu mérité. Les plus radins n’auront donc qu’à partager leur vie en deux : en passant la moitié de l’année à Paris, le reste à Saint-Rémy, ils pourront rester dans les clous tout le temps.

Les branchés au renouvelable. Heureux propriétaire d’un poêle à bois ou de panneaux solaires, réjouissez-vous. Un volume de base identique à celui de vos voisins vous sera attribué et vous pourrez empocher le bonus.



Et les perdants ? Les j’m’en foutistes. Si vous aimez mettre le chauffage à fond toutes fenêtres ouvertes, vous allez payer bonbon. Jusqu’à 30 euros de plus par MWh pour être précis à partir de 2015.

Les habitants des passoires. Ce n’est pas votre faute, vos fenêtres fuient de partout mais vous n’avez pas les moyens de faire des travaux. Pour ceux-là, le projet de loi prévoit une "boîte à outils" pour favoriser la rénovation thermique. Point encore de précision.

Les locataires. Là, vous l’avez dans le baba croyez-vous. Que nenni. Le texte précise qu’il faudra permettre aux locataires de déduire de leur loyer la part imputable à la mauvaise isolation de leur logement. En clair, faire casquer le proprio à la place de bibi. Problème : "ce texte laisse les locataires dépendants de propriétaires qui n’ont pas forcément les moyens de faire des efforts d’amélioration de leur habitat", souligne Jean-Christophe Lagarde, porte-parole de l’Union des démocrates et indépendants dans les colonnes du Progrès.

Les travailleurs à domicile. Si vous bossez chez vous, votre facture s’en ressentira forcément l’hiver venu. Certes, des amendements visant à tenir compte de ceux qui "exercent une majorité de leur activité à domicile" ont été défendus mais sans succès, par l’opposition. L’argument de François Brottes ? "Ils ne seront pas pénalisés. Soit ils ont un compteur à part, soit ils intègrent ça à leurs frais professionnels."

Les parents d’étudiants en goguette. Si votre enfant est logé dans une grange du Pas-de-Calais exposé à tous les vents, tant pis pour vous. Puisqu’il est rattaché fiscalement à votre foyer, le calcul de son bonus-malus dépendra de votre situation géographique et de votre mode de chauffage.



Et ceux pour qui rien ne change, qui sont-ils ? Les salariés d’EDF et de GDF. Ceux-là ne verront pas leurs "avantages tarifaires" rognés. L’amendement réclamé par l’UMP au nom de l’équité a été rejeté, la gauche évoquant une possible"stigmatisation" de ces travailleurs.

Les habitants qui se chauffent au fioul, au GPL. Comme il n’existe pas de grosse entreprise de référence comme EDF, mais bien une multitude de fournisseurs, votre mode de chauffage ne pourra être pris en compte. Qu’importe si vous encrassez l’atmosphère. Mais ne criez pas trop vite victoire, l’intégration du fioul et du GPL est prévue dans un second temps.

Les pieds palmés. Vous adorez les bains d’eau froide. Pas de souci pour vous. L’intégration de la consommation d’eau dans le dispositif, c’est prévu mais pas pour tout de suite. Les députés ont néanmoins voté en commission un amendement permettant aux collectivités gestionnaires d’inclure l’eau, à titre expérimental.

Enfin, les accros au boulot. Si vous avez froid chez vous, autant passer la nuit au bureau. Le secteur tertiaire n’est pas concerné par la loi. Les bureaux éclairés et chauffés la nuit pourront continuer de l’être.

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