Rupture digitale : la Direction des Systèmes d’Information, de victime consentante à acteur incontournable

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Par Jean-Marie Zirano Publié le 5 avril 2015 à 5h00
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99 %En 2014, 99 % des entreprises françaises utilisaient Internet.

Réduire les coûts… les Directions des Systèmes d’Information, connaissent bien la ritournelle, et la littérature ne tarit pas de conseils à leur égard pour aborder la question.

Néanmoins, la transformation digitale de l’entreprise et l’ère du client bouleversent l’ordre établi et repositionnent la DSI comme un agent de changement. Selon le baromètre Eurogroup Consulting, les patrons des grandes entreprises placent le numérique parmi les principaux défis à relever cette année. Mais la DSI en est-elle acteur, ou victime consentante ?

Les responsables informatiques font face à un défi qui n’est certes pas nouveau, mais qui se renouvelle dans un contexte digital où priment vitesse et agilité : être à l’écoute des enjeux stratégiques et des besoins de son entreprise, et adapter la stratégie IT en tirant le meilleur parti des opportunités « digitales ». Et le tout, vite et à moindre coût. Les métiers et les DSI sont encore plus intimement liés et doivent aligner enjeux, besoins et programmes. L’ère digitale annule la traditionnelle préséance des métiers sur le SI. Dans ce contexte, comment réduire ses dépenses et rationnaliser ses investissements, afin de dégager du budget pour innover et créer de la valeur ?

Se libérer de l’exploitation au profit de l’innovation

Un parc informatique en conditions opérationnelles d’exploitation repose sur l’exécution d’un ensemble complexe de processus (les processus « ITIL »), soumise à des exigences de qualité et de continuité de service, elles-mêmes constituées en « Service Level Agreement » (SLA). A une mission informatique correspond un certain nombre de processus à exécuter que le DSI doit définir, assurer et orchestrer. Pour cela, il doit parfaitement maitriser la connaissance de son système, aussi complexe soit-il.

Cette connaissance et les vues correspondantes, à la fois globales et détaillées, permettent au DSI d’identifier plus facilement les processus critiques, les centres de coûts importants, d’éclairer les décisions stratégiques, et de faire valoir ses compétences de négociateur lorsqu’il se retourne vers ses fournisseurs pour renouveler ou enrichir ses équipements.

Le premier levier d’économie consiste donc, sur la base d’un patrimoine clairement établi, à identifier les actifs IT les plus coûteux et prévoir de les remplacer.

Le deuxième consiste à réduire les redondances : que le système d’information soit délégué ou non, il est courant qu’une entreprise maintienne plusieurs applications répondant aux mêmes besoins. C’est souvent le résultat indésirable des fusions / acquisitions, par exemple, et une source non négligeable d’économie.

En 2014, selon Eurostat, 99% des entreprises françaises utilisaient internet et 15% avaient intégré du personnel spécialisé dans les TIC. Digitalisation de la société et des entreprises aidant, les usages NTIC ont ainsi explosé et la plupart des processus métier sont soutenus par au moins une application, rendant leur nombre colossal et leur rôle indéchiffrable « à l’œil nu ». La chasse aux redondances et aux aberrations architecturales qui en découlent sont un deuxième et important levier d’économie.

Le troisième consiste, dans le cadre du renouvellement des actifs IT, à imputer sur des budgets différents, en changeant la « façon de consommer de l’informatique », donc en imputant sur du budget de fonctionnement plutôt que sur les immobilisations (« OPEX » plutôt que « CAPEX »). C’est tout l’enjeu du modèle SaaS, sur lequel il est inutile de s’étendre en détail ici.

Etablir l’inventaire du patrimoine applicatif représente ainsi un véritable casse-tête pour la DSI. Mais sans lui, aucun des trois leviers d’économie ci-dessus ne peut être activé… Si l’on y rajoute la réduction des risques technologiques liés à l’obsolescence, aux failles de sécurité ou à la conformité réglementaire – par exemple l’intriguant label créé en France par la CNIL sur la gestion des données personnelles, et le futur règlement européen qui s’en inspirerait – on dresse un tableau dans lequel le DSI aspire à une bonne visibilité pour dégager de ses décisions des économies significatives, afin de se consacrer davantage à l’innovation exigée par les métiers.

Mettre en place une stratégie IT

L’agilité de la DSI devient alors un miroir de l’agilité des métiers. A l’ère digitale, elle est une entreprise à part entière, qui vit cependant au rythme des enjeux métiers. Elle doit organiser l’évolution de son patrimoine informatique et prioriser les programmes correspondants. Et comme une entreprise qu’elle est donc, elle ne peut le faire aujourd’hui sans une stratégie IT et une roadmap à moyen et long-terme, en mettant en évidence la part d’innovation au regard des changements stratégiques et des nouvelles offres que l’entreprise souhaite proposer sur son marché.

Les DSI ont évidemment une carte à jouer dans la révolution digitale – excusez cette évidence – mais à condition de s’équiper d’outils d’aide à la décision qui font d’elles une force de proposition au board. Leur compétence technique, ainsi enrichie d’une juste vision de la stratégie et des métiers, de la capacité à anticiper, à décider et à négocier de nouveaux contrats de service, leur permet de changer leur mode de « consommation informatique » pour dégager des ressources directement consacrées à l’innovation et à la transformation.

Sinon, il arrivera ce qu’il arrive déjà : des débordements latéraux, du « shadow IT » à l’initiative innocente d’autres départements qui doivent « foncer », qui ruineront les efforts de rationalisation initiés sur un inventaire IT qui resterait une liste sans force, sans vision et sans critère d’optimisation.

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Jean-Marie Zirano est Vice-président de MEGA international, société française spécialisée dans la gouvernance d’entreprise (logiciels et conseil).

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