Et si on arrêtait de consommer l’art, mais qu’on l’expérimentait autrement ?

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Par Lise Yacoub Publié le 4 février 2017 à 5h00
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100 millions ?Le marché du streaming musical a passé le cap, en 2015, des 100 millions d'euros.

Qu’il soit musicien, chanteur, écrivain, réalisateur, peintre, sculpteur, designer ou tout à la fois, l’objectif premier d’un artiste est de toucher son public. Or ce n’est pas une mince affaire. Les moyens, les stratégies et les canaux pour y parvenir sont variés mais toujours très cloisonnés.

Beaucoup de talents restent dans l’ombre par manque de visibilité et de financement. L’industrie culturelle est sans aucun doute celle qui a le moins évolué ces dix dernières années au niveau des usages, qui sont naturellement devenus obsolètes. Les industries créatives ont donc besoin d’un renouveau et c’est l’émergence de plateformes collaboratives multi-services et multiculturelles qui va permettre de bousculer ce marché empoussiéré.

Rentrer dans une case et suivre un parcours prédéfini

Aujourd’hui pour que l’œuvre d’un artiste trouve son public, ce dernier est obligé de choisir un silo, un parcours bien déterminé et de répondre aux attentes - non pas des consommateurs finaux - mais des intermédiaires divers, quitte à dénaturer son essence originelle.

Un chanteur qui souhaite enregistrer un disque pensera naturellement à passer par la case label afin de maximiser ses chances de sortie et de promotion. Ce même label va d’abord chercher à tester ses titres auprès des radios. Si la radio émet un avis négatif – alors même que le public n’a pu donner son avis – l’album ne sortira pas. Or, les radios ont des quotas bien précis. Imaginons un chanteur français aux textes anglophones. Il pourra se voir demander de traduire la moitié de sa chanson en langue française afin de ne pas être en concurrence avec les quotas d’artistes et d’albums anglophones. Imaginons encore un chanteur de mélodies romantiques. Il pourra, lui, se voir demander de réaliser un son « urbain » pour avoir la chance de percer en radio et espérer ensuite - s’il connaît le succès - avoir l’occasion de faire passer sa ballade sur les ondes. De quoi dénaturer totalement le projet initial d’un chanteur qui sort de l’ordinaire.

Un écrivain qui souhaite publier un livre doit impérativement passer par un éditeur. Ce dernier, pour accepter son manuscrit va lui demander d’effectuer un certain nombre de corrections – qui une fois de plus peuvent dénaturer totalement l’esprit de son œuvre. Il peut par exemple être amené à « lisser » ses personnages afin de les faire correspondre à des profils stéréotypés : le méchant, le traitre, le sauveur, le héros, etc. Ce sans quoi son histoire ne sera, selon l’éditeur, jamais lue par le public.

Il en va de même pour un réalisateur de film, qui aura besoin d’un producteur pour financer son œuvre et l’aider à la distribuer auprès du public. Ou encore pour un artiste peintre qui aura besoin d’un galeriste pour exposer sa collection. Autant d’intermédiaires qui peuvent trop souvent tuer dans l’œuf des œuvres qualitatives qui – si elles avaient eu la chance d’être confrontées au public – auraient peut-être connu un succès sans précédent.

Un rayonnement international complexe et des artistes hybrides laissés pour compte

Ces difficultés pour toucher un public cible sont encore plus nombreuses si l’artiste a une volonté de développement à l’international. Imaginons un chanteur, qui après avoir signé avec un label français, voit son album produit en 400 exemplaires et distribué via différents canaux à travers le pays (Fnac, Hypermarchés, …). Ce dernier pourra difficilement obtenir de son label la production d’unités en consignation pour un lancement à l’étranger - même s’il est lui-même en contact avec un distributeur local - à moins d’avancer le coût des unités produites, le label n’étant pas prêt à courir ce risque commercial.

Plus grave encore, le système actuel - très formaté - ne laisse aucune place pour les artistes hybrides proposant des projets multiculturels (à la fois musical, éditorial et graphique par exemple). Or ces artistes ne sont pas nécessairement excentriques, ils ont simplement des projets originaux. Comme ils ne savent pas vraiment par quel biais se faire connaître, ils se retrouvent alors sur le web. D’où l’émergence de nombreux YouTubers par exemple. Seulement, le web est infini et ils se retrouvent alors perdus dans la masse, ne pouvant qu’espérer que quelqu’un les découvre par hasard.

Un renouveau à travers les plateformes collaboratives ?

Depuis quelques années, nous assistons à l’émergence de plateformes de crowdfunding artistique – à destination des musiciens et des écrivains principalement. Elles ont pour but d’amener l’œuvre directement au public. Mais ces plateformes sont prises d’assaut par des talents en tout genre, livrés à eux-mêmes, avec des projets parfois peu aboutis. Le fonctionnement des industries créatives est obsolète car il est hyper-cloisonné et les différents acteurs n’ont pas les moyens de communiquer facilement ensemble. L’idée n’est pas de supprimer les intermédiaires existants – car tous ont une valeur ajoutée au sein de l’écosystème - mais de leur permettre de communiquer plus facilement ensemble.

Ce marché a besoin d’un nouveau souffle, et c’est par la naissance de plateformes collaboratives – et pas seulement de plateformes de crowdfunding - qu’il va trouver son dynamisme. Une telle plateforme permettra d’obtenir un unique écosystème au cœur duquel seront placés à même niveau l’artiste, son public, et les marques partenaires. Et c’est autour de ce noyau fondateur que viendront alors se greffer les acteurs existants. Ainsi l’artiste n’aura plus qu’un seul chemin unique et simplifié pour atteindre son public. Il n’y a alors plus de freins ni aucune raison pour qu’une œuvre de qualité ne puisse pas exister, à partir du moment où cette dernière a un public.

Ces marketplace digitales permettront une nouvelle ouverture d’esprit sur l’art et offriront aux artistes la possibilité de créer une offre plus valorisante, car plus libre et plus hybride. A travers des collaborations entre les artistes, et entre les artistes et les marques, l’art n’aura alors plus de limite. Retours directs du public, visibilité, financement… autant d’avantages permettant aux artistes de faire naitre leur projet, aux marques de trouver des partenariats innovants et au public de découvrir une multitude de nouveautés et d’expériences que lui seul aura décider de vivre !

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Lise Yacoub, co-fondatrice et présidente de MAD (Music. Arts. Design)

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