L’État est-il libérable ?

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Par Bernard Marie Chiquet Publié le 26 octobre 2018 à 6h07
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La démission de Nicolas Hulot de son poste de ministre de l’Environnement interpelle. Malgré des convictions fortes, une fidélité incontestable à ses idées et des moyens politiques jusque-là inédits, il a fait le constat de l’échec, de son incapacité à faire bouger les lignes. Notre système politique serait-il donc impossible à transformer ? Son organisation, son administration inaptes au changement ? Une situation inquiétante alors que l’enjeu environnemental n’a jamais été aussi prégnant.

En tant que citoyen, je ne peux accepter que le changement soit perçu comme impossible et la situation vécue comme une fatalité. En tant que professionnel de la transformation des organisations, j’ai même la certitude que transformer est non seulement nécessaire mais possible. L’État n’est bien sûr pas une entreprise comme une autre. Il a pourtant beaucoup à apprendre de ces entreprises qui ont choisi de réinventer leur organisation. Focalisées sur leur raison d’être, inscrites dans une vision stratégique à long terme, elles ont su donner le pouvoir à leurs collaborateurs.

Au final, pourquoi est-ce si compliqué de changer nos organisations ? La question mérite d’être posée puisque, dans le cas de l’entreprise comme de l’État, le changement est nécessaire et synonyme d’une volonté de s’adapter à un environnement qui change, quoi qu’il arrive.

Changer de modèle mental

Bien sûr, la question n’est pas neuve. On peut même affirmer sans risque que le changement est inhérent au monde dans lequel nous vivons. Une entreprise qui ne se transforme pas est vouée à disparaitre. Il en va de même des civilisations ou des états. Un phénomène parfaitement décrit par Jared Diamond au travers de l’exemple bien connu des populations norvégiennes installées au Groenland entre le 10ème et le 14ème siècle. Enfermées dans un modèle mental qui a fait à la fois leur force et provoqué leur perte. Arcboutées sur une vision, de leur société et de leur avenir, attachées indéfectiblement à leur culture norvégienne, à leur foi chrétienne, à la culture de la terre, ils n’ont pas su s’adapter à un environnement qui les appelait à devenir pêcheurs, à collaborer avec des populations Inuits, considérées comme « inférieures » mais qui ont su, elles, s’adapter et leur survivre...

On le voit, savoir faire évoluer son modèle mental se révèle vital. Dans le cas de populations qui partent à la conquête de nouvelles « frontières » comme dans le cas d’entreprises qui cherchent à se réinventer pour s’adapter, continuer à se développer et assurer leur pérennité.

Pourtant, comme l’écrit Philippe Silberzahn, « avoir conscience de la nécessité de réagir et être capable de réagir sont deux choses différentes ». Faire le choix du changement ne se décrète pas et implique d’accepter de rompre avec un fonctionnement, un mode de réflexion qui a fait ses preuves voire le succès d’une organisation. C’est accepter de choisir la nouveauté, la difficulté voire une certaine forme de risque. Pour affronter cette tâche titanesque, il convient donc au préalable de brûler quelques navires.

Toujours selon Philippe Silberzahn, les organisations ne sont pas égales face au changement. De la startup qui se caractérise d’abord par ses ressources humaines, flexible et capable de pivoter en un éclair, à l’entreprise plus mature qui a su mettre en place des processus partagés, succède l’organisation de grande taille, complexe, où les valeurs sont primordiales et permettent à tous d’agir en cohérence, d’être alignés sur une stratégie commune. A ce stade ultime, tout est implicite et le changement devient extrêmement complexe à mettre en place. L’organisation est adaptée à un environnement. Rien ne va plus dès lors qu’il change.

Transformer son organisation avec succès

Si transformer son organisation n’est pas chose aisée, on peut néanmoins affirmer que le succès passe invariablement par les mêmes cheminements. Bien sûr, le changement n’est pas une fin en soi. Il répond à une contrainte majeure pour l’organisation. Assurer le présent et préparer l’avenir. Se transformer ou disparaitre. Pour se faire, l’entreprise, comme l’État, doit inscrire son action dans le long terme. Pour ce faire, l’organisation doit tendre vers une raison d’être qui offre un horizon et vient donner du sens. Un sens qui prime sur le reste. L’organisation n’est plus une fin en soi mais bel et bien au service de la raison d’être.

Parallèlement, l’entreprise doit rompre avec un modèle hiérarchique pyramidal devenu inadapté à l’environnement qui est le nôtre. Le pouvoir, les décisions ne peuvent plus être l’apanage d’une petite minorité de patrons ou de cadres. Le temps est venu de positionner le collaborateur et, pourquoi pas , le citoyen au cœur de l’organisation puisqu’ils en sont le moteur et la justification.

Enfin, plutôt que de claironner qu’avec eux le changement c’est maintenant, patrons, cadres et autres décisionnaires doivent enfin comprendre que le changement c’est tout le temps. L’organisation du futur, c’est celle capable de garder le cap de sa raison d’être, tout en intégrant la transformation à sa vision, à chacune de ses actions et décisions, à son ADN.

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Bernard Marie Chiquet est le fondateur de l'institut iGi et créateur du management constitutionnel.  Il a quitté le monde de l’entreprise en 2005 considérant que tous les systèmes organisationnels qu'il avait vécus et observé étaient inadaptés et souvent inhumains. En 2010, il a découvert l'Holacracy® et a décidé de se focaliser sur ce nouveau management qui lui semble répondre de manière durable aux problèmes qu'il avait rencontrés dans les entreprises. Il est désormais certifié Master Coach (premier en Europe), le plus haut degré de certification en Holacracy.

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