Là où la dette est vraiment la plus dangereuse

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Par Nicolas Perrin Publié le 24 juin 2018 à 5h00
Etats Unis Dette Pib Dollar
3 dollarsOn compte 3 dollars de dette pour chaque dollar du PIB américain.

Le FMI s’est récemment alarmé du niveau de dette mondiale. Mais où le fardeau est-il le plus accablant et où les premiers défauts vont-ils apparaître ?

L’économie mondiale a un ratio dette/PIB à un plus haut historique guerre et paix confondues, à l’exception de la Seconde Guerre mondiale. Les économies américaine, chinoise et japonaise représentent à elles seules la moitié de la dette publique et privée mondiale. Mais où cette dette est-elle le plus un problème ?

Les fonctionnaires du FMI étaient-ils sur une autre planète au cours des 10 dernières années ?

Le cri de panique du FMI est tout de même assez cocasse, comme le fait remarquer Zero Hedge : « Tout le monde était calme depuis les 10 dernières années alors que les banques centrales, en maintenant les taux d’intérêt à des niveaux historiquement bas, ont permis la plus grande émission mondiale de dette, à la fois publique et privée, et maintenant que la dette est à un niveau tel que même Goldman a récemment déclaré qu’elle n’est plus soutenable, soudainement tout le monde — des banques centrales aux dirigeants de banques en passant par les ONG — crie sur tous les toits à quel point la dette est vraiment dangereuse ». Enfin, il quand-même certains assureurs pour trouver que le paysage économique est « assez équilibré ».

Quoiqu’il arrive, en cas de catastrophe, ce sera de la faute de Trump !

Pour tenter de pallier ce monstrueux problème, le FMI préconise de reporter toute réduction d’impôts et de ne surtout pas augmenter les dépenses déficitaires, soit… l’exact inverse de la politique menée par Donald Trump. Pour le fonds, à l’exception des cas particuliers de l’Allemagne et des Pays-Bas, il faudrait augmenter les impôts et diminuer la dépense publique afin de réduire le fardeau de la dette publique.

Zero Hedge enfonce le clou : « Ce qui est le plus comique […] c’est que le FMI met tout sur le dos de Trump, plutôt que sur le dos des générations d’économistes qui ont dirigé le monde pour l’amener au point où il y a désormais plus de 3 $ de dette pour chaque dollar de PIB, ou sur celui des banquiers centraux qui ont inondé le monde avec de la dette de telle sorte que le top 0,01% puisse être plus riche que dans ses rêves les plus fous. ».

Où l’excès d’endettement est-il le plus dangereux ?

C’est la question à laquelle l’équipe de recherche de Natixis tente de répondre dans un Flash Economie en date du 4 mai, suite à la publication du rapport du FMI.

Comme d’habitude avec l’équipe de Patrick Artus, on commence avec quelques rappels théoriques : « L’excès d’endettement peut être révélé : par une solvabilité des emprunteurs qui ne résisterait pas à la normalisation des taux d’intérêt ; […] par une dette qui n’a pas comme contrepartie l’accumulation de capital ; par une dette qui n’est pas couverte par l’épargne domestique du pays, et fait donc apparaître une dette extérieure importante (d’où la fragilité financière induite) ».

Natixis rappelle quelle est la situation (selon sa propre méthodologie, donc) :

La progression de l’endettement de la Chine est bien spectaculaire mais le constat de Natixis n’est pas exactement celui du FMI. La Chine est le seul pays à bénéficier de circonstances atténuantes : « Si on utilise ces critères, le niveau d’endettement semble excessif partout, mais surtout dans les pays émergents hors Chine et hors exportateurs de pétrole ; la Chine ne souffre que du risque de perte de solvabilité budgétaire ; l’OCDE a une dette qui n’a pas financé le capital et une dette extérieure nette ».

Cela se traduit dans le tableau suivant :

Pour Natixis, l’excès d’endettement est généralisé. Cependant, contrairement à ce que pourrait laisser penser la pente de plus en plus élevée de sa courbe d’endettement depuis 2014, la Chine n’est pas le maillon faible de la chaîne. Les économies développées ont plus de caractéristiques qui rendent leur dette « dangereuse », et les pays émergeants hors Chine encore plus. Peut-être le cas italien viendra-t-il bientôt à l’appui de cette thèse…

Les émergents devront-ils se débrouiller sans la Fed en cas de problème ?

On comprend ainsi mieux que la réaction de Jay Powell face à la déroute des marchés émergents début mai ait déclenché quelques inquiétudes. Pour le nouveau patron de la Fed, les modalités de resserrement de la politique monétaire américaine sont suffisamment transparentes pour que tout le monde — émergents compris — se responsabilise dans la gestion de ses finances.

« Notre stratégie politique est aussi claire et transparente que possible pour permettre aux anticipations de s’aligner et d’éviter les perturbations du marché. […] Il y a de bonnes raisons de penser que la normalisation de la politique monétaire dans les économies développées devrait continuer à être gérable pour les économies émergentes ».

Powell considère également que l’influence de la Fed sur la situation financière mondiale ne doit pas être surestimée. (Interdit de rire.) Message exprimé en pur langage de banquier central que Zero Hedge a décrypté en un très clair « You are on your own » (« débrouillez-vous »). Vous n’aviez qu’à moins emprunter en dollars US !

Jay Powell nous fait-il du cinéma ?

Le président de la Fed pourrait bien être amené à changer d’avis si la situation se dégrade au point que les choses tournent vraiment au vinaigre. Avec la remontée du dollar, les monnaies des pays émergents ont pris une sévère dégelée, et le poids des dettes libellées en dollars a augmenté de 10% depuis le début de l’année (graphiques en date de la semaine du 14 mai).

En cas de réelle menace sur les économies émergentes, ce seront comme d’habitude les banques centrales domestiques qui seront d’abord mises à contribution. Or elles sont loin de toutes avoir le même stock de munitions en matière de réserves de devises…

L’Argentine est déjà très mal en point et la Turquie a récemment pris une mesure qui relève du désespoir en rapatriant tout son or stocké à la Réserve fédérale.

Il faut dire qu’avec la dégelée que viennent de se prendre la livre turque et les bons du Trésor turcs, « la dinde turque » pourrait bientôt être cuite, comme le font remarquer certains commentateurs.

Bruno Bertez rappelle qu’il fut « un temps il y a quelques années ou une dislocation sur les changes des émergents puis sur les emprunts émergents avait fini par se transmettre aux autres marchés. Tout est interconnecté monsieur Powell ! Notre idée est que d’ici peu notre Powell changera d’avis ». La réaction des banques centrales lors de la prochaine crise, en particulier celle de la Fed, est effectivement au coeur du sujet, comme nous le verrons très prochainement.

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Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence « Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir », il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Son Twitter : @Nikookaburra.

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