Donald Trump a-t-il vraiment rendu sa grandeur à l’Amérique ?

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Par Bill Bonner Publié le 24 août 2018 à 5h00
Donald Trump Grandeur Etats Unis
17%Les Etats-Unis consacrent 17% de leur PIB à l'investissement.

Donald Trump estime qu’il a déjà rendu sa grandeur à l’Amérique comme en témoignent les marchés, l’emploi et la défense. Mais grattons ces statistiques…

Eh bien c’était facile en fait ! Moins de deux ans après avoir pris son poste, Trump annonce « mission accomplie ». Un tweet présidentiel : « J’ai DEJA rendu sa grandeur à l’Amérique, il suffit de regarder les marchés, l’emploi, la défense –– nous battons des records et nous allons faire mieux encore ». Eh bien ! Nous pensions qu’un pays devait sa grandeur à sa population diligente… ses institutions robustes… son capital productif… son art, sa culture, son ensemble de règles vernaculaires. Mais nous voyons désormais qu’il suffit d’un seul homme… … Un génie… un courageux patriote… un avocat infatigable oeuvrant pour la cause de cette grandeur.

Donald Trump mieux que Herbert Hoover ?

Ce pauvre Herbert Hoover. Qu’est-ce qui n’allait pas chez lui ? Parce qu’après tout… si un homme peut à lui seul rendre sa grandeur à l’Amérique, comment se fait-il que Hoover ait échoué ? Contrairement à M. Trump, qui a hérité sa fortune de son père, Hoover était orphelin à neuf ans. Il finança ses études à l’université de Stanford en cumulant les petits boulots… et devint ingénieur des mines, travaillant sur des projets en Australie, Chine, Russie et Afrique du Sud.

En Chine, lui et son épouse apprirent la langue, qu’ils utilisèrent plus tard pour mener des conversations privées à la Maison Blanche. Pendant son séjour, Hoover dut aussi affronter la révolte des Boxers. Mme Hoover utilisa un pistolet de calibre .38 pour repousser les insurgés. En Birmanie, Hoover survécut à la malaria. En moins de 20 ans, Hoover connut une belle ascension qui le rendit très riche. Il contribua à mettre en place des innovations majeures en matière de métallurgie dans ses opérations minières partout dans le monde. Il donna des conférences dans les universités de Columbia et Stanford, écrivit un manuel sur l’exploitation minière et traduisit même, depuis le latin, le classique du XVIème De Re Metallica.

Durant la Première guerre mondiale, il géra le programme alimentaire des Etats-Unis ainsi que le programme d’aide aux victimes de la guerre en Europe. Après la guerre, il y eut une famine majeure en Russie après l’arrivée des bolcheviques au pouvoir. Travaillant 14 heures par jours dans un bureau à Londres, Hoover releva le défi, comme il l’avait toujours fait, aussi irrépressible dans sa carrière de fonctionnaire qu’il l’avait été en affaires. Le Congrès américain souhaitait qu’on laisse « les rouges » se débrouiller tout seuls. Hoover n’était pas de cet avis : « 20 millions de personnes meurent de faim ; quelle que soit leur opinion politique, elles seront nourries ». Et elles le furent.

Ainsi, s’il y avait bien quelqu’un qui pouvait Rendre sa Grandeur à l’Amérique après le krach de 29, c’était l’homme de la Maison Blanche, le président Herbert Hoover. C’est ce qu’il avait promis (sans toutefois aller jusqu’à affirmer qu’il le ferait tout seul) : « Nous allons bientôt, avec l’aide de Dieu, contempler le jour où la pauvreté sera bannie de cette nation ». Hélas, même Herbert Hoover n’y a pas suffi. La Grande dépression a commencé pendant son mandat. Elle n’a pas pris fin avant la Deuxième guerre mondiale. Peut-être que M. Trump est plus intelligent, plus dynamique, ou tout simplement plus chanceux ? C’est possible. Mais les dieux tendent des pièges à ceux qui sont trop sûrs d’eux-mêmes… pour mieux se moquer ensuite. Mais faisons ce que Trump nous demande. Nous allons examiner les marchés, l’emploi et la défense.

Où sont les vrais emplois ?

D’abord, l’emploi. Le taux de chômage officiel US a baissé, mais le nombre de vrais emplois à plein temps tel que rapporté par le Bureau américain des statistiques de l’emploi, se montait à 73,83 millions en juillet. Au début du siècle, il y a 18 ans, ce chiffre était de 72,73 millions. Seulement un million d’emplois créés sur toute cette période – alors que la population américaine a augmenté de 48 millions de personnes ! Les jolis chiffres de l’emploi peuvent quasiment tous être attribués 1) au fait que les gens sortent en masse de la main-d’oeuvre, 2) aux emplois mal payés et à temps partiel dans les secteurs des loisirs et des services médicaux et 3) à l’inflation.

Il y a plus de 50 ans, un économiste français futé, Jacques Rueff, nota cyniquement que si l’inflation semblait faire grimper l’emploi, c’était parce que les coûts réels de main-d’oeuvre déclinaient à mesure que la devise se dépréciait. La main-d’oeuvre étant moins chère ; les employeurs embauchaient plus. En d’autres termes, c’était un moyen de voler les travailleurs sans qu’ils s’en rendent compte. C’est ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis. En juillet, l’inflation était à 2,9%. Selon les chiffres officiels, les salaires US augmentent de 2,8% environ. Ce qui signifie que le travailleur moyen est en train de s’appauvrir. Son actif principal – son temps – perd sa valeur. En quoi est-ce que cela rend sa grandeur à l’Amérique ?

Encore plus d’argent pour l’armée

Ensuite, la défense. Lorsque les Etats-Unis étaient vraiment grands – dans les années 1950 –, le président Eisenhower réduisait les dépenses militaires, il ne les augmentait pas. Lui-même ancien soldat, Eisenhower savait que le Pentagone fonctionnait de la même manière que toutes les bureaucraties du Deep State – il s’accaparait du pouvoir et de l’argent… tout en négligeant sa mission principale. La dose de sucre supplémentaire accordée par Trump à l’armée rendra l’Amérique plus pauvre… et plus faible.

Enfin, les marchés. Révisons les bases : la Fed est prévisible. Elle commet toujours l’une de ces trois erreurs : l’Erreur n°1 (prêter trop d’argent à des taux trop bas pendant trop longtemps)… l’Erreur n°2 (augmenter les taux pour tenter de corriger l’Erreur n°1)… ou encore l’Erreur n°3 (paniquer et réduire les taux après que l’Erreur n°2 a provoqué un krach). Suite au krach de 2008/2009, la Fed a commis la plus grosse Erreur n°3 de son histoire – injectant près de 4 000 milliards de dollars dans le marché du crédit afin de faire baisser les taux à zéro. Les taux réels (après inflation) étaient encore plus bas. La Fed est désormais passée en « mode resserrement » (Erreur n°2) depuis deux ans, mais son taux directeur est toujours sous le niveau d’inflation.

La plus grande Erreur n°3 de tous les temps a engendré le plus grand rally boursier de tous les temps… qui a finalement atteint un sommet le 26 janvier de cette année. Depuis, nous attendons de voir quand et comment le marché boursier tombera de la falaise. Pour l’instant, il n’a pas franchi le pas. En plus des taux négatifs de la Fed, les rachats d’actions l’ont sauvé. Selon Goldman Sachs, ces rachats atteindront 1 000 milliards de dollars cette année. Les rachats d’actions sont une bizarrerie, dans une économie vigoureuse. Ils suggèrent que les dirigeants des entreprises ne trouvent rien de mieux à faire avec leur argent qu’acheter leurs propres titres.

L’entreprise semble ainsi avoir plus de valeur… mais cela n’augmente pas les ventes ou les profits. Et cela n’ajoute pas d’emplois, de productivité ou quoi que ce soit d’autre qui rendrait réellement sa grandeur à l’Amérique. L’investissement – construire de nouvelles usines, créer de nouveaux emplois, faire plus de formations, de recherches et de développement –, voilà ce qui fait bouillir la marmite. Or l’investissement décline depuis 50 ans. En 1968, les Etats-Unis consacraient 24% de leur PIB à l’investissement. En 1988, ce chiffre était de 22%. En 2008, 20%. Aujourd’hui, il est d’environ 17%. Selon la plupart des critères, les actions sont largement surévaluées. Tôt ou tard, nous devrions assister à la sorte de krach qui a ruiné la réputation de Hoover. Nous verrons alors ce que cela fera pour la réputation de M. Trump, quelle qu’elle soit.

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Fondateur et président d'Agora Inc., une maison d'édition publiant des lettres d'information financières pour les investisseurs particuliers.

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