La guerre de l’euro est déclarée

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Par Charles Sannat Modifié le 12 novembre 2012 à 14h10

L’information la plus importante du week-end est sans conteste la moutarde qui monte au nez de nos « amis » allemands. Alors que les divisions de Panzerspéculateurs se massent proche de la frontière, le gouvernement Daladier a décidé de décréter la mobilisation générale. La ligne Maginot budgétaire a été activée. Elle est censée stopper net l’offensive des Panzerspéculateurs. Aux actualités ce matin, le ministère de la censure expliquait que nous n’avions rien à craindre. Nos défenses tiendront. Ha, oui, pardon, excusez-moi, ma femme me glisse dans l’oreille que nous ne sommes pas en 40. Je me suis égaré.

Quoique non en fait. Je voulais juste montrer qu’encore une fois, les relations entre la France et l’Allemagne sont complexes. Et puis au-delà, l’Allemagne a décidé de mettre la pression sur notre pays en disant clairement que nous sommes le maillon faible. En réalité, ce n’est pas si faux que cela. D’autres n’hésitent pas à franchir le Rubicon, en expliquant que l’Allemagne ne peut s’empêcher de mettre l’Europe à feu et à sang tous les cinquante ans. Lorsque l’on voit ce qu’il se passe en Espagne, en Grèce et même au Portugal, où plus de 5 000 militaires ont manifesté dans les rues de Lisbonne, on peut légitimement se poser des questions sur l’attitude allemande. Mais nous y reviendrons un peu plus bas.

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, aurait demandé au Conseil des experts économiques de son pays de réfléchir à des propositions de réformes économiques pour la France, craignant une chute de la deuxième économie de la zone euro et de ses conséquences sur le devenir de l’Europe dans son ensemble…

Malgré les démentis qui sont intervenus vendredi après-midi, le pavé dans la mare a été jeté ! Deux responsables, s’exprimant sous le sceau de l’anonymat, ont ainsi expliqué à Reuters que W. Schäuble avait demandé aux « sages » de réfléchir à un rapport susceptible de donner des pistes de réformes pour la France avant qu’il ne soit trop tard… Berlin s’inquiète en effet de la tournure des événements en France à la lumière des dernières décisions prises par le gouvernement Ayrault qui ne s’attaquerait pas aux réformes structurelles indispensables pour remettre le pays sur de bons rails budgétaires… De quoi manquer les objectifs de déficits l’an prochain et plonger l’euro dans une nouvelle crise qui risquerait cette fois d’être fatale à la monnaie unique.


« Les inquiétudes s’accumulent en raison du manque d’action du gouvernement français sur la réforme du marché du travail », a estimé Lars Feld, un des membres du comité des sages, à l’agence Reuters. « Le principal problème en ce moment, ce n’est plus la Grèce, l’Espagne ou la l’Italie, c’est devenu la France parce qu’elle n’a rien entrepris de nature à rétablir sa compétitivité, au contraire, elle va dans l’autre direction ! », a poursuivi Lars Feld. « Il faut à la France une réforme du marché du travail, c’est le pays de la zone euro qui travaille moins d’année en année, alors, qu’attendez-vous comme résultat ? Les choses n’iront pas en s’améliorant, à moins que de vrais efforts soient déployés. » Voilà résumé en quelques paragraphes la position allemande et l’inquiétude que suscite la gestion de notre pays.

Soyons honnêtes avec la nouvelle équipe socialiste au pouvoir. Le gouvernement Ayrault est allé bien plus loin dans la rigueur et dans les hausses d’impôts que le gouvernement Fillon.

J’ai tout de même l’impression que la « parole » allemande est nettement plus libérée depuis que les socialistes français sont au pouvoir, il convient de rappeler néanmoins que jamais la dette ne s’est autant accrue en pourcentage comme en montant absolu que pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Cette remarque ne constitue pas une critique mais un simple rappel des faits. C’était à ce moment l’idée de la relance qui présidait aux décisions économiques. Mais ce fut clairement une erreur.

Concernant l’attitude de nos « amis » allemands, effectivement elle peut prêter le flanc aux critiques.

Il n’y aurait pas de problème avec notre partenaire germanique si nous avions chacun notre monnaie. Peu ou prou, ce serait « chacun son problème ». Non, le véritable souci, c’est que nous partageons la même monnaie. Notre euro.


On parle côté allemand de la compétitivité française. Mais il ne faut pas oublier l’aspect monétaire de notre compétitivité. Lorsque l’euro a été introduit, il valait environ 0,9 dollars. Aujourd’hui, il en vaut 1,30. Nous avons, sans rien faire, en quelques années, perdu plus de 40 % de compétitivité par rapport à nos concurrents américains par exemple et uniquement à cause d’une très forte appréciation de l’euro. Cela n’arrange pas notre pays, ni l’Espagne, ni le Portugal, ni la Grèce, ni même l’Italie. Cette monnaie forte, c’est une monnaie allemande, pour l’économie allemande. Cela n’est pas transposable aux autres économies de la zone euro. C’est peut-être regrettable, mais c’est ainsi.

Alors fidèles à notre tradition de bâtisseurs/guerriers, nous construisons des lignes Maginot qui ne résisteront pas, car elles sont tout simplement chimériques.

L’euro peut-il subsister sous cette forme ?

L’euro est-il en train de devenir le point d’achoppement des relations franco-allemandes ?

Car il ne faut pas se leurrer. Au-delà des piques sur notre gestion budgétaire, tout en sachant que plus de rigueur, ou de chômeurs, ou moins de CDI (ce qui revient au même), cela pèsera très fortement sur notre croissance, c’est-à-dire, dans l’état actuel des choses, sur notre récession économique.

Il n’y a fondamentalement aucune raison que l’Allemagne attaque ainsi frontalement notre pays. Alors quel est le mobile ?

Je pense qu’une guerre vient de commencer autour des aspects monétaires et de l’euro.

Ce qui est sûr, c’est que, comme en 40, ce n’est pas la ligne Maginot qui nous sauvera.

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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