Euro, vers la fin de la monnaie unique (extrait)

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Par Pierre de Lauzun Modifié le 27 mars 2017 à 12h49
Bce Quantitative Easing Rachat Dette Relance Inflation
10 676 milliardsLe PIB de la zone euro s'établit à 10 676 milliards d'euros en 2015.

La zone euro est morose, sa croissance faible et très inégale ; l’Allemagne profite, les autres stagnent ou reculent.

L’euro est donc mis en accusation :

- Est-il une bonne monnaie pour nous ?
- Faire l’euro était-il une bonne idée ?
- Peut-on remédier à ses défauts ?
- Faut-il en sortir et alors comment ?
- Faut-il en faire une monnaie commune et non plus une monnaie unique ?

Des questions compliquées et controversées. Mais urgentes.

Sur le plan de la politique économique le principal défaut de l’euro a été l’excès de ses promesses et le fait que le marché et les décideurs les aient crues, ainsi que l’insuffisance de la surveillance, et la dis­parition pendant tout un temps du ressort de rappel du marché. D’où la crise et le sort heurté de l’Europe du Sud. Ce qui débouche maintenant sur la perspective d’une longue période d’ajustement douloureux qui peut devenir assez vite désespérante pour les opi­nions publiques. Une crise politique dans tel ou tel pays est donc toujours possible.

Une autre leçon majeure est que la mon­naie n’est qu’un des facteurs de l’équation économique. Bien plus importantes sont des réformes bien menées. Un certain niveau d’indépendance est pour cela indispensable au pays considéré, et plus encore s’il veut développer un modèle original. Encore faut-il noter que la contrainte ici est au moins autant dans l’existence de l’Union euro­péenne elle-même, avec ses règles tatillonnes et ses tabous, que dans l’euro lui-même. En outre, rappelons-le, une politique indépen­dante ne suppose pas moins d’efforts du pays concerné, bien au contraire ; ce peut même être plus dur, mais ils sont plus payants à terme. La leçon est particulièrement vraie pour la France : les limites de ses politiques internes paraissent y avoir eu un effet négatif plus significatif que l’euro même.

L’euro a été construit sur le plan symbolique comme une abstraction parfaite (comme d’ailleurs la construction européenne en général), sans référence à une histoire, une culture etc. comme le montrent les billets en euro, qui se réfèrent à des styles d’architecture mais à aucun personnage ou monument précis. Il n’est donc pas vécu comme l’expression d’une communauté, mais comme un outil technocratique, placé entre des mains étrangères à la population.

Si on ajoute que le système mis en place avec la monnaie unique n’a pas été capable de faire respecter les disciplines qu’il avait prévues lui-même, notamment de déficit et d’endettement, son bilan d’ensemble n’est pas très convaincant. En face, son avantage indéniable qui est d’être un espace simplifié pour les transactions, sans fluctuations de change, reconnu internationalement, n’équi­libre pas ces défauts.

Peut-on sortir de la zone euro et com­ment ? Poser la question suppose évidem­ment qu’on ne se contente pas de la vision européiste commune, selon laquelle la ré­ponse universelle à tous nos problèmes est une intégration européenne sans cesse ren­forcée dans un sens fédéral. Mais si on peut voir l’avenir d’une façon plus ouverte et plus pragmatique on reconnaît qu’il n’y a pas de base politique à une telle perspective, et que les seules solidarités capables de fonder une légitimité politique sont nationales. Et donc, sans basculer dans l’illusion du repli sur le seul niveau national, on examine concrète­ment quelles sont les zones de coopération réalistes et désirables, et celles qui ne doivent pas relever de ce genre d’approche.

L’euro, qui a résulté d’une volonté politique détachée des réalités, a donc été une erreur. L’illusion de ses premières années a été très cher payée ensuite, en particulier en Europe du Sud. Mais cela ne veut pas dire que la priorité ac­tuelle pour la France soit à sortir de la zone – même si naturellement les circonstances peuvent changer un jour. Pas sûr d’y gagner vraiment, prenant de vrais risques dans cette opération, qui serait en outre très difficile à assumer et à gérer politiquement, elle a ac­tuellement mieux à faire qu’à se jeter dans ce qui est aujourd’hui une impasse.

La monnaie n’est qu’une donnée parmi d’autres, un outil pour une communauté. Elle peut être un réel handicap, et peut-être qu’un jour un changement s’imposera. Mais elle ne peut pas tout conditionner. Ce qui importe, c’est cette communauté.

Ceci est un extrait du livre « Euro, vers la fin de la monnaie unique » écrit par Pierre de Lauzun paru aux Éditions TerraMare. (ISBN: 2918677299, ISBN numérique: 978-2918677291). Prix : 14 euros. Reproduit ici grâce à l'aimable autorisation de l'auteur et des Éditions TerraMare.

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Pierre de Lauzun (X et ENA) est dirigeant d’associations professionnelles. Il est également l’auteur de nombreux ouvrages : Finance : un regard chrétien (Éditions Embrasure), prix international Centesimus annus (Vatican) ; Philosophie de la Foi (Éditions Arjalas) ; La finance peut-elle être au service de l’homme ? (Éditions DDB) ; L’avenir de la démocratie (Éditions FX de Guibert) ; L’économie et le christianisme (Éditions FX de Guibert) ; Christianisme et croissance économique (Éditions Parole et Silence) ; Euro, vers la fin de la monnaie unique ? (Éditions TerraMare)…

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