L’euro fait-il baisser les salaires et grimper les prix ou bien amène-t-il à la déflation ?

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Par Aloïs Navarro Publié le 31 juillet 2014 à 2h42

L'euro est souvent évoqué comme ayant fait monter les prix et diminuer les salaires. Qu'en est-il vraiment ?

Tout d'abord, concernant les revenus, le revenu disponible réel depuis 2010 a en moyenne, baissé de 1% chaque année en zone euro. Ceci se ressent dans les chiffres de la demande intérieure (hors Allemagne) qui a baissé de 10% depuis 2008.

S'agissant de l'inflation, et spécifiquement pour la France, on peut s'interroger sur le mode de calcul de celle-ci par l'INSEE. Tout d'abord, l'institut ne prend pas compte de la durée de vie des biens (il est évident qu'un bien d'équipement qui durera 10 ans n'aura pas le même impact pour la consommation du ménage qu'un bien qui en durera 2 ans).

Ensuite, l'évaluation de l'inflation reste subjective. La part des loyers dans le panier moyen des ménages est largement sous-estimée (à 6% de la consommation, alors qu'en réalité, la part est plutôt proche de 20% à 34%).
L'inflation est également beaucoup plus forte pour les ménages à faibles revenus ( quasiment le double !).
Enfin, certaines dépenses ne sont pas prises en compte (l'immobilier est considéré comme de l'investissement des ménages)...

Cependant, il serait faux d'en attribuer tous les torts à l'euro. En effet, la zone euro traverse plutôt une période de désinflation (baisse de l'inflation), qui vire à la déflation (équilibre où l'inflation négative est généralisée).
La déflation est clairement la conséquence de la baisse des salaires et de l'euro cher, puisque le premier phénomène casse la demande intérieure, et que le second amène de la « déflation importée », car les produits importés en dollar sont relativement moins chers. Les prix augmentent peu, ou diminuent donc.
Cette déflation importée est ensuite transmise à l'ensemble de l'économie, conduit à un mouvement d'épargne et de baisse des investissements (étant donné que les agents anticipent une baisse des prix, ils repoussent leurs achats).

Par ailleurs, la déflation peut être difficilement solvable. En effet, lorsque l'inflation diminue trop, la banque centrale a tendance à réduire ses taux directeurs en espérant une relance du crédit aux ménages et aux entreprises (étant donné que les taux payés les agents pour investir ou consommer baissent) et éviter les mouvements d'épargne.

Cependant, la BCE est arrivée à des taux directeurs quasiment nuls et ne peut descendre en dessous de ce que l'on appelle la « Zero lower Bound » (la borne inférieure zéro) : elle ne peut abaisser ses taux en dessous de 0 ! A cause de cette contrainte de positivité, elle ne peut plus lutter efficacement contre la déflation. Mais danger : si les taux nominaux (le taux inscrit sur les contrats) ne bougent pas, et que l'inflation diminue, alors le taux réel (c'est-à-dire le taux nominal – inflation) augmente, décourageant ainsi les entreprises d'investir (puisque le coût de l'emprunt est en termes réels plus cher), et incitant à l'épargne (puisque le taux d'intérêt réel devient plus rémunérateur et que la faible inflation « ronge » moins l'épargne).
Le problème étant que le taux d'intérêt réel (noté r) théorique qui égalise l'épargne et l'investissement, (nommé taux d'intérêt réel naturel), est probablement négatif.

Or, avec la contrainte de positivité des taux nominaux ( i > 0) et la faible inflation ( π ≤ 0), le taux d'intérêt réel r ( = i – π ) augmente et est positif.

L'épargne est alors encouragée (ce qui comprime la demande intérieure puisque qu'on ne consomme plus, favorise les exportations, d'où l'énorme excédent extérieur de la zone euro) au détriment de l'investissement, déprimant l'activité économique à long terme.

Non, la crise n'est pas finie !

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Aloïs Navarro est étudiant en Master de Droit et d'Economie, passionné par les questions monétaires et notamment l'euro. Il est également trésorier du collectif Marianne.

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