Le Brexit sonne l’heure du Gaullisme pour l’Europe !

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Par Bernard Cherlonneix Modifié le 24 juillet 2016 à 11h50
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155 MILLIARDS €Le budget annuel de l'Union Européenne sera de 155 milliards d'euros en 2016.

C’est bien l’heure d’un gaullisme transposé au niveau européen que pourrait sonner le Brexit. Une heure sonnée depuis longtemps déjà mais sans avoir été entendue, en particulier des héritiers supposés du partisan de l’autodétermination des peuples. L’heure de l’Europe des nations, de la désaméricanisation monétaire du monde et du non alignement.

Le peuple anglais vient de dire plus fort que jamais aux « élites » nationales partisanes d’une Europe introvertie, aseptisée et supranationale, qui se nourrirait de la dévitalisation progressive des Etats-Nations et des identités nationales, que ce projet est une impasse et doit être réorienté. La guerre fratricide répétée des nations européennes au 20ème siècle peut et doit donner naissance à un projet plus neuf et ambitieux qu’à celui, simpliste, un peu court et revanchard au fond, de la disparition asymptotique des nations qui se sont naguère affrontées : une Europe qui défendrait sans complexe, comme les autres grands de ce monde, les intérêts communs des nations respectables qui la composent et serait plus crédible que les Etats-Unis ou la Chine pour défendre l’idée d’un bien commun mondial ; une Europe resserrée autour d’un nombre limitatif de missions déléguées, essentiellement diplomatiques, mais conquérante au lieu d’être une Europe introvertie, « camp de redressement des peuples » ; une Europe territorialement définie qui cesserait de s’épuiser dans un élargissement perpétuel. Une Europe qui s’appuierait sur les atouts des nations qui la composent et dans laquelle la France et l’Allemagne redeviendraient, individuellement ou solidairement, forces de proposition et acteurs clés. Une Europe dont le pilier fédéral serait mieux représenté par un franco- allemand Daniel Cohn Bendit assagi que par le champion européen de l’évasion fiscale au profit des multinationales, fût-il repenti !

L’heure de la désaméricanisation monétaire du monde, prophétiquement revendiquée, mais peut-être maladroitement défendue, par De Gaulle dans sa célèbre conférence de presse de février 1965 (https://www.ina.fr/video/CAF89046394) a également sonné. Les soubresauts de l’économie et de la finance mondiale depuis plus de quarante ans ne sont au fond que les avatars d’un étalon-dollar mis en place en juillet 1944 et qui flotte négligemment depuis mars 1973. C’est bien lui, la chronologie des événements suffit à s’en convaincre, qui a plongé l’économie mondiale dans le brouillard des changes flottants qui désorganisent les échanges mondiaux et précarisent la production industrielle de régions entières.

Et c’est bien cette incertitude sur les changes et les taux qui a détourné les banques et les bourses du financement de la création de richesses au profit de spéculations plus « juteuses » sur des marchés à terme destinés à couvrir ces risques évitables, mais qui les ont accrus et généralisés. Il est aujourd’hui grand temps de remettre en cause le statut de monnaie de réserve qui fut accordé au dollar en vertu d’une clause de convertibilité en or à taux fixe prédéterminé, qui permet aux Etats-Unis le bénéfice exorbitant d’un crédit indéfini (et gratuit désormais) des banques centrales du monde entier pour financer leur hégémonie économique et militaire.

Tant la « suspension » depuis 1971 de cette convertibilité que la fin de la guerre froide auraient dû mettre depuis longtemps un terme à ce véritable marché de dupes. Voilà un sujet digne d’une Union Européenne à la hauteur de ses responsabilités : reprendre à son compte et avec la force de la première puissance économique mondiale, en synergie avec la Chine, la proposition gaullienne de désaméricanisation du système monétaire international. Force est de constater que l’euro n’est pas une réponse à la hauteur des dégâts induits par l’américanisation, comme on parlerait de nationalisation, de l’économie mondiale. Une américanisation d’ailleurs officialisée depuis la condamnation-racket de BNPP par une justice américaine sans frontière, acceptée sans la moindre protestation par l’Union Européenne, honte à elle pour cette vassalité spontanée. Il suffit de relire, ou de réentendre, le prodigieux, prophétique, et malheureusement impuissant discours de Phnom Penh de De Gaulle Président en 1966 (https://www.youtube.com/watch?v=0CyonVIXh-s) pour se rendre compte à quel point l’heure du non-alignement, audacieuse en pleine guerre froide, est aujourd’hui venue pour l’Europe, les pays d’Europe et les continents émergents qui forment le nouvel espace géopolitique mondial.

Cette évidence du non-alignement et d’un nécessaire rééquilibrage politique du monde, après l’effondrement déjà ancien de l’Union Soviétique et devant les dégâts de la politique étrangère américaine, rend particulièrement coupable l’atlantisme anachronique des deux derniers présidents de la République française et irresponsable l’atlantisme décalé des partisans du « leave ». Le Brexit résonne comme un ultime coup de gong pour rappeler aux citoyens européens et à leurs représentants que l’Union Européenne n’a de sens aux yeux des citoyens qu’en apportant à ses nations constituantes une valeur ajoutée perceptible, notamment par les résultats qu’elle obtiendrait dans les négociations internationales comme celle du traité transatlantique de libre échange et dans l’organisation durable de la planète.

Ce n’est que par l’exercice courageux de ses responsabilités au plan mondial qu’une Europe, libre, juste et forte de son expérience, porteuse d’une vision mondiale inclusive où le soleil luit pour toute l’humanité, trouvera sa légitimité populaire. Une Europe « gaullienne » dans laquelle la France sera d’autant plus influente et audible qu’elle aura commencé à balayer devant sa propre porte.

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Bernard Cherlonneix est Président de l’Institut pour le Renouveau Démocratique.

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