Va-t-on bientôt utiliser du sucre pour extraire l’or ?

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Par Charles Sannat Modifié le 16 mai 2013 à 13h17

Or : le bras de fer entre économie et écologie
L'extraction d'or est à l'origine de bien des conflits qui n'ont pas fini de faire couler de l'encre et du sang. Au niveau de l'extraction d'or, économie et écologie sont souvent très antagonistes. À quelques rares exceptions près, comme NewMont qui adhère à la charte Clean Extraction, la production d'or fait des ravages.

Dernièrement, nous vous relations sur notre site Internet cleanextraction.org les émeutes qui se sont déroulées au nord-est de la péninsule grecque. Non pas contre de nouvelles mesures d'austérité mais contre l'exploitation aurifère qui menace la forêt de Skouriès. Cette fois, c'est en Roumanie et par référendum que la population devra se prononcer pour ou contre l'exploitation minière d'une petite localité.

« Une activité très bonne pour l'économie grecque »
En Grèce, le rapport établi par l'entreprise Eldorado Gold, exploitant la mine de Skouriès, est bien en deçà des estimations de pollution que l'extraction aurifère générera selon une militante. Chaque tonne de terre retournée devrait produire environ 0,20 grammes d'or (vous reconnaîtrez que ce n'est pas ce que l'on peut qualifier de rendement extraordinaire), une misère comparée à la catastrophe écologique qui attend la région. Eldorado Gold n'est pas de cet avis et prétend respecter les normes environnementales.

Un combat économique gagné d'avance
En Roumanie, c'est l'exploitation d'une mine d'or en Transylvanie qui déchaîne les passions. Un apport économique indéniable puisque selon la société canadienne qui souhaite l'exploiter, elle contiendrait près de 300 tonnes d'or et 1 600 tonnes d'argent. Utilisation de cyanure, empoisonnement des nappes phréatiques, expropriation d'habitants, destruction de sites historiques... l'exploitation minière n'est pas sans conséquences.

Des solutions militantes
Même lorsque l'on est un grand amateur d'or comme moi mais que l'on est sensible à l'environnement comme le je suis on ne peut pas nier que l'exploitation aurifère est un vrai fléau.

Si les combats écologiques que mènent les habitants des régions concernées sont perdus d'avance, on peut, à son propre niveau, militer contre cette extraction extrêmement polluante et pour un or plus propre. C'est résolument notre cas, raison pour laquelle nous suivons avec attention les progrès et les recherches menées pour l'amélioration des techniques d'extraction.

Le communiqué d'Auplata, une société française
Je vous reproduis ici un communiqué de la société Auplata société française qui exploite des mines en Guyane.

« La société travaille actuellement à la mise au point d'un nouveau procédé d'extraction de l'or afin d'accroître son rendement global de production. La méthode par gravimétrie, utilisée par Auplata depuis sa création, permet actuellement la récupération de 25 % à 33 % de l'or contenu dans le minerai.

L'adjonction d'un nouveau procédé d'extraction, méthode de récupération à base de thiosulfate, pourrait augmenter significativement ce rendement et permettre d'extraire l'or des tailings (minerai déjà traité par gravimétrie précédemment mais dont la teneur en or est estimée à 67% à 75%). Les résultats des premiers tests de cette nouvelle méthode, réalisés en laboratoire, ont confirmé cette anticipation. Sur de petits échantillons, il a été possible de récupérer plus de 40 % de l'or encore contenu dans du minerai déjà traité en gravimétrie.

La société est confiante sur la faisabilité technique de la mise en œuvre de cette nouvelle méthode, qui dérive de procédés déjà existants à adapter au contexte de la Guyane Française de manière à être le plus respectueux possible de l'environnement. Si les tests en cours avec l'installation pilote confirment ces premiers résultats, cette méthode d'extraction sera progressivement mise en place sur les mines d'Auplata avec l'accord des autorités administratives concernées. »

Vous voyez que là encore on tente des extractions moins nocives pour l'environnement avec une barrière liée à cette fameuse notion de rendement ou chaque pour cent en plus représente un gain financier très important.

Il y a aussi comme piste prometteuse la bactérie capable de solidifier les ions d'or en suspension !
Ici je vous reproduis un article du Figaro écrit par Hayat Gazzane, l'une de leurs journalistes spécialisée dans l'or.

« Des chercheurs canadiens ont isolé une bactérie capable de transformer des microparticules d'or en pépite. Pas question toutefois d'imaginer une culture industrielle du métal précieux, préviennent les spécialistes.

C'est une nouvelle que les fans d'alchimie vont apprécier. Des chercheurs de l'Université McMaster de Hamilton, au Canada, ont mis en lumière la façon dont une bactérie parvient à solidifier l'or liquide. Dénommée Delftia acidovorans, celle-ci produit une molécule capable de faire précipiter les ions d'or en suspension dans l'eau pour créer des structures solides. Autrement dit, des micro-pépites.

Pour parvenir à cette découverte, détaillée dans la revue britannique Nature Chemical Biology , les équipes scientifiques ont d'abord analysé la surface des petites pépites d'or. Ils y ont découvert un film microbactérien et notamment la présence de deux bactéries qui cohabitent : Cupriavidus metallidurans et Delftia acidovorans. Ces deux bactéries parviennent à survivre alors que les ions d'or solubles, invisibles à l'œil nu et que l'on retrouve dans l'océan et dans d'autres cours d'eau naturels, sont normalement très toxiques. Certains sont d'ailleurs utilisés en pharmacie pour leur valeur bactéricide.

La première, Cupriavidus metallidurans, était déjà connue des chercheurs pour sa capacité à accumuler d'infimes particules d'or dans sa propre cellule pour se protéger. Les scientifiques ont cherché à comprendre si la seconde survivait de la même façon. Le résultat a été surprenant : Delftia acidovorans ne métabolise pas l'or soluble comme sa congénère mais le solidifie à l'extérieur sous une forme non toxique grâce à la molécule «delftibactine A».

Si sa capacité à fabriquer de l'or solide était déjà connue, le mécanisme de production de cette molécule était, lui, inconnu. «Ces travaux sont la première démonstration qu'un métabolite sécrété peut protéger contre de l'or toxique et causer la biominéralisation [procédé par lequel les organismes vivants produisent les minéraux, ndlr] de l'or», écrivent les chercheurs.

Le travail de la bactérie est rapide puisqu'il lui faut seulement quelques secondes pour fabriquer des nano-particules d'or, à condition que le procédé ait lieu à pH neutre et à température ambiante. Cette «delftibactine A» bat donc à plates coutures les produits couramment utilisés dans l'industrie pour produire ces mêmes particules d'or, soulignent les chercheurs.

Progrès pour l'environnement
Peut-on alors imaginer une culture intensive du métal jaune en laboratoire ? Les chercheurs en doutent. Tout comme les professionnels du secteur. «On trouve 5 milligrammes d'or sous forme d'ions solubles par mètre cube d'eau de mer. Pour espérer récupérer un kilo d'or, il faudrait 200 000 mètres cube d'eau. Vider les océans n'est pas une option et la manœuvre coûterait de toute façon trop cher. En fonction des cours de l'or, le procédé est sans intérêt», explique Charles Sannat, directeur des études économiques pour AuCoffre.com, spécialiste de la vente en ligne de pièces d'or.

Par ailleurs, l'or potentiellement produit en grande quantité aurait la même valeur que l'or extrait des mines ce qui aurait un effet catastrophique sur les cours. «L'or pourrait alors enfin être utilisé comme monnaie car le reproche qu'on lui fait aujourd'hui c'est qu'il est trop rare. Problème : il deviendrait aussi fragile que la monnaie papier que l'on peut imprimer à volonté. Il n'aurait plus aucune valeur en tant que protection».

Cette découverte ouvre en revanche des perspectives positives pour le secteur aurifère. «Si cette bactérie marche sur les microparticules d'or terrestre, on pourrait imaginer l'implanter dans le sous-sol pour qu'elle agglomère ces particules, accroisse les rendements des mines et donc diminue les coûts d'extractions», imagine Charles Sannat. «Diminuer les efforts d'extraction permettrait à terme de baisser la pollution générée par cette activité qui fait de gros dégâts environnementaux. Sous cet aspect, cette découverte est véritablement enthousiasmante», conclut ce dernier. »

Oui c'était une avancée majeure d'il y a quelques mois et qui laissait entrevoir de superbes possibilités même si des travaux de recherches importants sont encore nécessaires avant d'arriver à un processus industriel fiable et rentable, il faut également lorsque l'on utilise du « vivant » s'assurer de l'innocuité pour la faune et la flore de l'introduction de quantité massive de bactéries... ce qui est loin d'être évident. Cette difficulté peut être contournée en créant des « usines » ou des centres de traitement où ces bactéries peuvent être confinées. Dans ce cas, les coûts industriels augmentent du prix de l'installation nécessaire.

Va-t-on bientôt utiliser du sucre pour extraire l'or ?
En revanche, j'ai découvert récemment une avancée qui pourrait s'avérer historique. Vous trouverez l'essentiel dans cet article de LCI.

Pour résumer, un chercheur qui cherchait tout autre chose, le professeur Fraser Stoddart chimiste à la Northwestern University américaine, « a simplement mélangé le contenu de deux tubes à essai. L'un contenait de l'alpha-cyclodextrine, une sorte de sucre résultant de la dégradation de l'amidon par une bactérie, l'autre une solution contenant de l'or. Surprise, des minuscules aiguilles se sont rapidement formées sous ses yeux dans le mélange ».

Ce produit est en réalité un composé alimentaire, il n'est pas nocif pour l'homme, biodégradable dans la nature, il peut être ingéré... et c'est un produit très peu coûteux et couramment utilisé par l'industrie agroalimentaire. Son taux de rendement est le plus élevé jamais obtenu, la réaction chimique pour obtenir le précipité est très rapide (de l'ordre de quelques minutes). Bref, nous tenons peut-être enfin notre Saint Graal de l'exploitation de l'or, une exploitation qui serait enfin totalement inoffensive pour l'environnement et les hommes, et c'est une excellente nouvelle !

Je vais donc devoir ressortir mon kit du parfait petit chimiste afin de tenter de reproduire l'expérience de notre professeur américain pour le plus grand malheur de ma femme qui déteste me voir me lancer dans de nouvelles bidouilles, surtout lorsque après, sous couvert de promenade bucolique dans la nature, j'emmène femme et enfants apprendre les rudiments de l'orpaillage dans les rivières alluvionnaires... avant de réaliser le voyage dont rêve tout chercheur d'or vers... l'Australie !

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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