Penelopegate : l’Odyssée de Fillon ne fait-elle que commencer ?

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Par Eric Verhaeghe Publié le 26 janvier 2017 à 10h39
Francois Fillon Presidentielle Lettre Ouverte
600000 EUROSLa femme de François Fillon aurait touché près de 600 000 euros d'argent public.

Le Penelopegate est, en vingt-quatre heures, devenu le sujet de conversation qu’on aborde forcément dans un dîner. Pour Fillon, qui avait gagné sa petite guerre de Troie en novembre de façon un peu inattendue, le coup est plus rude qu’on aurait pu le croire au premier abord. Il n’est en effet ni le premier ni le dernier homme politique épinglé sur les petits (ou gros) avantages qu’il a retirés du système.

Dans son cas, la situation est toutefois plus compliquée que celle d’un Chirac, rendu populaire par ses multiples exemples de prévarication: Fillon était encore vierge en matière de mise en cause personnelle et il en avait même fait (grave erreur!) un thème de campagne. Il bénéficiera donc moins que Jacques Chirac, ou François Mitterrand, ou Nicolas Sarkozy, d’un contre-effet positif de cette affaire dans l’opinion.

Le Penelopegate, ou le chant des sirènes aristocratiques

Sur le fond, le Penelopegate n’est compréhensible que si l’on a à l’esprit la loi des 10.000 euros. En France, il y a ceux qui ont un train de vie mensuel à quatre chiffres, qui font partie (personne ne le leur dira les yeux dans les yeux, mais c’est pourtant un principe de base qui distingue les élites et les petites gens) du Tiers, et ceux qui ont train de vie à cinq chiffres, qui sont plus ou moins pris sérieux et qui ont le droit de la ramener. Pour un élu, il faut faire feu de tous bois pour passer dans le club recherché des cinq chiffres, sans quoi on doit courber l’échine devant les puissants et accepter la condition dégradante de petit baron de province.

Fillon connaissait parfaitement cette loi et a fait, comme beaucoup d’autres, ce qu’il fallait pour rester dans les rangs de la noblesse républicaine.

Même les plus fillonolatres reconnaîtront qu’il l’a fait avec maladresse. En faire des tartines dans les medias people sur le mode du « ma femme ne travaille pas » alors qu’elle touche un salaire confortable d’attachée parlementaire s’appelle se tirer une balle dans le pied. Il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre que le pire arriverait tôt ou tard en s’offrant ce petit mensonge.

Si Fillon s’était contenté de céder aux sirènes aristocratiques en se faisant un train de vie à plus de 10.000 euros par mois grâce au salaire de sa femme, personne n’en aurait parlé.

Le timing est parfait

Le Penelopegate ne remonte pas à aujourd’hui. L’affaire dure depuis de nombreuses années, mais c’est en octobre 2016 que Fillon a tiré parti de l’oisiveté officielle de sa femme dans la campagne électorale. Mais les révélations n’interviennent que trois mois plus tard… Manifestement, ce n’est pas à une boule puante que nous avons affaire, mais à un missile téléguidé. L’opération est préméditée et programmée de longue date. Elle ressemble à un superbe travail de professionnel.

On imagine que Fillon doit bien avoir une idée de l’auteur de ce coup tordu.

Première salve d’un barrage d’artillerie?

Assez curieusement, la justice s’est immédiatement emparée du dossier et le parquet financier a ouvert une enquête préliminaire. L’information ne manque pas de faire sourire. La justice se montre d’ordinaire beaucoup moins allante et motivée sur des dossiers plus nets et plus importants. Quelle utilité y avait-il, juste avant le débat entre Valls et Hamon, de procéder à ce genre d’opération?

Le Penelopegate a toutes les allures d’une opération de déstabilisation à l’approche de la désignation du candidat socialiste. Bien malin celui qui est capable d’en deviner les effets politiques futurs. Dans tous les cas, on peut affirmer qu’elle est, à un degré ou à un autre, une mauvaise opération pour Fillon.

La question est de savoir quels sont les autres missiles téléguidés qui doivent tomber sur son camp.

De prochaines révélations sur sa société de conseil?

Les révélations du Canard sont tellement bien orchestrées, et le travail est tellement propre, que tout laisse à penser à une mise en bouche. Le plus probable est que d’autres « révélations » suivent, notamment sur les activités de conseil menées par François Fillon depuis 2012. Rien n’est sûr, bien entendu, mais on sent les loups tapis dans l’ombre, et prêts à bondir pour disqualifier celui qui reste le favori des élections présidentielles.

On fait confiance à Fillon pour renvoyer la pareille à ses adversaires, et les premières démonstrations sur les frais de bouche de Macron promettent de belles séances d’amusement.

Reste que le candidat Fillon peut s’apprêter à rentrer dans une séquence désagréable qui risque de lui porter préjudice et qui pourrira le débat politique pendant un certain temps.

Petit manuel de déstabilisation

Tout ceci nous ramène aux pratiques de déstabilisation courantes durant les campagnes électorales, mais probablement particulièrement exacerbées en 2017 compte tenu des enjeux exceptionnels de cette année.

Fillon est un favori relativement gênant et la vigueur de la polémique qui prend le prouve. Sur le plan intérieur, son ambition de supprimer 500.000 emplois de fonctionnaires lèse l’appareil d’Etat qui n’a pas dit son dernier mot. Sur le plan européen, il plaide pour un rééquilibrage (salutaire) des relations franco-allemandes. Sur le plan international, sa position plutôt russophile déplaît forcément aux Etats-Unis. L’homme dispose donc d’ennemis puissants, qui s’accommoderaient mieux d’un Valls.

Pour ceux qui se complaisent à voir une France affaiblie, abattre Fillon peut donc être une opération utile.

On ne voit donc pas pourquoi la campagne de dénigrement s’arrêterait maintenant.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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