Le côte obscur de la finance

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Par Jean-Yves Archer Modifié le 20 novembre 2012 à 6h06

Le « shadow banking » est l’anglicisme qui décrit la notion de « finance de l’ombre ». Par ce terme, on désigne l’activité des intermédiaires financiers non bancaires. Autrement dit, essentiellement l’activité des hedge funds, des fonds d’investissement et des fonds spéculatifs monétaires.

En Novembre 2012, la firme Bloomberg a relevé une croissance inattendue des SBS (Shadow Banking System) qui représentent désormais une somme de 67.000 milliards de dollars dont 24.000 pour les Etats-Unis, 22.000 pour la zone euro et près de 10.000 milliards pour le Royaume-Uni. L’ampleur des sommes décrites ci-dessus est à rapprocher immédiatement de la quasi-absence de régulation concernant ces activités financières non directement bancaires. Chacun comprend que la défaillance d’un acteur du « shadow banking » aurait des conséquences au moins aussi périlleuses que la faillite de Lehman Brothers d’autant que les superviseurs publics ont évidemment des difficultés juridiques et opérationnelles pour suivre les flux engendrés.

A priori, ces activités – notamment illustrées par le développement exponentiel des CDS (Credit Default Swaps) et par des opérations sur dérivés « over-the-counter » - peuvent donc être un poison sérieux, une sorte de curare foudroyant pour le système financier occidental voire planétaire. Effectivement, cette finance de l’ombre repose sur une évaluation perpétuelle des risques puisqu’elle ne dispose pas de dépôts – comme les établissements bancaires – et qu’elle se fonde sur des financements à court terme. Selon le FSB (Financial Stability Board), le SBS représenterait entre 25 à 30% du volume du système financier mondial.

Les forts effets de levier dont se servent les acteurs de la finance de l’ombre posent problème dans la mesure où ils sont pro-cycliques. Lourdement générateurs de gains en cas de bonne conjoncture et évidemment producteurs de pertes très significatives en cas de défaut de paiement ponctuel à effet de dominos.

La récente loi Dodd-Franck Wall Street de 2011 a tenté de réguler quelque peu le risque systémique issu de la SBS. Les observateurs et l’économiste Paul Krugman jugent cette situation insuffisante et de type « malign neglect ».

Toutefois, deux remarques importantes et conclusives s’imposent à l’analyste. D'abord, l’existence de cette finance de l’ombre démontre à quel point les opérateurs peuvent contourner les risques de régulation trop contraignantes de type Bâle III pour les banques. Ensuite, la désintermédiation financière (qui permet à une entreprise de trouver du crédit sur les marchés et non plus seulement auprès des banques commerciales) trouve ici sa pleine application. En effet, si la finance de l’ombre pose question en tant que poison elle est aussi un formidable outil permettant de bâtir des correspondances entre emprunteurs et investisseurs.

Si cette finance présente un risque, elle est une respiration par ces temps de resserrement du crédit (« credit crunch ») et surtout elle est une réalité tangible que nul régulateur ne pourrait avoir la prétention de rayer d’un trait de plume.

Dans « La mère coupable » écrit en 1791, Beaumarchais nous indiquait déjà : «  Quand on craint une chose, tous nos regards se portent vers cet objet trop alarmant : quoi qu’on dise ou qu’on fasse, la frayeur empoisonne tout ! »

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Jean-Yves Archer est énarque ( promotion Léonard de Vinci ), économiste et fondateur de Archer 58 Research : société de recherches économiques et sociales. Depuis octobre 2011, il est membre de l’Institut Français des Administrateurs (IFA).  

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