Etats-Unis : De la falaise fiscale au Mont Rushmore

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Par Jean-Yves Archer Modifié le 31 décembre 2012 à 9h09

Il y a déjà plusieurs semaines, nous Européens avons découvert avec une certaine stupeur la question du "fiscal cliff" autrement dit la notion de falaise fiscale. Ce concept recouvre une réalité légale intangible qui rentre en vigueur automatiquement à compter du 31 décembre et qui vise à réduire drastiquement les dépenses publiques (de 600 milliards de dollars) tout en augmentant la pression fiscale de 2 à 5% aux Etats-Unis.

Aucun courant de pensée économique ne valide vraiment un tel choc pour une économie vacillante dont les signes de reprise sont encore trop timides pour absorber une telle potion. Contrairement à la tradition européenne, les coupes budgétaires aux Etats-Unis frappent sans distinction un programme éducatif ou un salaire de fonctionnaire de l'état-civil. Il s'agit donc d'enjeux immenses pour une large part de la population du premier pays du monde.

Techniquement, il convient que le Congrès vote un relèvement du plafond de la dette américaine fixé à 16 400 milliards de dollars depuis un accord bi-partisan qui date d'août 2011. Mais depuis la donne politique a changé : le président réélu est engagé dans une sorte de bras de fer avec John Boehner le leader républicain de la Chambre des Représentants. Quant aux opposants à Monsieur Obama, ils veulent évidemment le faire rentrer dans l'ère d'une présidence relative (terme du politologue Alain Duhamel visant le deuxième mandat du Président Chirac). Ainsi, les enjeux sont clairs : aucun des deux camps ne doit sortir perdant de cette espèce de roulette belge où le barillet est plein et où les décideurs ultimes se font face à face sans imaginer l'ampleur systémique de la "dead-line" du 31 décembre.

En termes pro-cycliques, le fiscal cliff sera un adjuvant puissant au mouvement récessif et on voit mal quelles mesures de relance pourraient endiguer sa puissance néfaste même s'il demeure fondé que les Etats-Unis parviennent enfin à plafonner leur dette souveraine considérable. Les tenants du libéralisme de Milton Friedman nient à l'Etat son rôle et son poids dans l'économie, ce qui est relayé par les militants ardents du "tea party" (l'aile droite des Républicains) et ne simplifie pas la tâche de recherche d'un compromis de la part des élus républicains. Symétriquement les Démocrates veulent mettre un terme à des exonérations fiscales votées du temps du Georges W. Bush.

A ce jour, les milieux autorisés de Wall Street commencent à s'inquiéter et maintiennent toutefois leur confiance à Timothy Geithner, qui ne ménage pas ses efforts face à l'échelle des risques. Evidemment tout le monde a conscience qu'une rechute de l'Amérique entrainerait dans le semestre suivant un vent, là aussi récessif, en Europe.

Catherine II de Russie avait procédé à l'achat de la bibiliothèque de Voltaire et obtenu le manuscrit de son dictionnaire philosophique où il est énoncé : "La discorde est le plus grand mal du genre humain, et la tolérance en est le seul remède" (Voltaire). Ici nous sommes en face d'une discorde du même type analytique que celle qui a traversé l'équipe Bush lors du non-sauvetage de Lehman Brothers en 2008. Le grand peuple américain n'a pas toujours les politiques qu'il mérite.

Face au risque d'alimentation de l'huile sur le feu de la crise de contraction d'activité, espérons qu'un certain bon sens vienne mettre de l'huile dans les rouages et écarter le spectre de la falaise fiscale.

A l'heure où certains tentent de lever des fonds pour que l'effigie du Président Reagan figure sur le mont Rushmore, il est clair que Barack Obama aura gravi l'équivalent de ce mont s'il surmonte, avec pertinence, le piège politique républicain.

Comme l'a écrit le Président Georges Pompidou (Le Noeud gordien), lorsque l'intérêt national est en jeu, " on ne peut pas faire de la politique avec tout". Mesdames et Messieurs les membres du Congrès, une partie du monde vous regarde !

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Jean-Yves Archer est énarque ( promotion Léonard de Vinci ), économiste et fondateur de Archer 58 Research : société de recherches économiques et sociales. Depuis octobre 2011, il est membre de l’Institut Français des Administrateurs (IFA).  

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