Comment fonctionne le fixing du cours de l’or à Londres ?

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Par Charles Sannat Modifié le 16 mars 2013 à 10h46

S’il est un serpent de mer chez les amateurs d’or c’est les manipulations réelles ou fantasmées prêtées à un cartel bancaire qui, dans l’ombre, agirait contre les détenteurs d’or physique pour faire baisser les prix. N’attendez pas à trouver des preuves irréfutables dans cet article, mais simplement quelques faisceaux de présomption forts.

Le marché de l’or est très opaque. En réalité il est tenu par quelques intervenants de tout premier plan, les bullions banks, regroupées au sein de la LBMA qui est la London Bullion Market Association. Chaque jour une poignée de grosses banques, membres de la LBMA, se téléphonent pour fixer les cours de façon totalement obscure sans que le carnet d’ordres soit public comme c’est le cas pour n’importe quel titre coté et en se mettant d’accord entres elles. Cela correspond à la définition même d’un cartel.

En France d’ailleurs, CPR Or fonctionne localement exactement de cette façon en publiant un fixing quotidien. Ce type même d’organisation d’un marché est « trichogène ». En clair un marché opaque permet des manipulations qui sont forcément à un moment ou un autre tentantes ! Les participants actuels dans la fixation, membres de la London Bullion Market Association : Barclays Bank Plc, Credit Suisse, Deutsche Bank AG, Goldman Sachs International, HSBC Bank USA, JP Morgan Chase Bank, London Wall, Merrill Lynch International Bank Limited, Mitsui & Co Precious Metals Inc, Société Générale Exchange House, The Bank of Nova Scotia – ScotiaMocatta, UBS AG.

Le fonctionnement des fixings du cours de l’or à Londres.

Notre indice national à la bourse de Paris, le CAC 40 est coté en continu. D’ailleurs CAC signifie Cotation assistée en Continu. En temps réel les ordres de ventes et les ordres d’achats sont confrontés dans ce que l’on nomme un carnet d’ordres visibles par les intervenants sur le marché. Le cours de l’action tartempion vaut 15€ prix de la dernière transaction. Il y a un vendeur de 50 000 actions dans le carnet d’ordres à 15,50€. Si je veux ces 50 000 titres je sais exactement combien je vais les payer… 15,50€ le prix demandé et affiché.

Rien de tel dans un fixing car un fixing c’est l’exact opposé puisque c’est un mode de cotation discontinu et le prix donné est censé être celui qui va satisfaire le maximum d’intervenants aussi bien acheteurs et vendeurs. La cotation donnée lors d’un fixing est censée être celle qui permet au maximum de transactions de se réaliser. Le problème c’est qu’en dehors de systèmes de contrôles externes et crédibles un fixing peut évidemment donner lieu à tous les tripatouillages puisque celui qui va donner le prix et donc, satisfaire ou pas la demande, dispose de ce fameux carnet d’ordres. Pourquoi est-ce si important ?

Je vais vous donner un exemple. D’abord je vous rappelle que l’on parle d’or physique, disponible en quantités limitées. Imaginez que vous ayez en stock 10 000 Napoléons 20 FRF. Le fixing de la veille donne un prix de 250€. Vous avez dans votre carnet d’ordres un acheteur de 5 000 pièces au prix de la veille 250€ puisque l’acheteur a regardé le cours avant de passer son ordre. Vous n’avez pas d’autre acheteur ce jour-là. La tendance sur l’or (coté à Londres) est haussière, par conséquent, les prix devraient monter. Dans ce cas-là le fixing devrait coter à nouveau 250€ et les 5 000 pièces en stocks livrées.

Mais techniquement rien n’empêche le teneur de marché (ou market maker en anglais) de passer son tour et de coter à 252€. Dans ce cas le teneur de marché ne vend rien aujourd’hui mais si l’acheteur remonte son prix le lendemain pour être servi alors le teneur de marché aura gagné 2€ de plus par pièce multiplié par 5 000 pièces. Comme les acheteurs et les vendeurs n’ont pas accès au carnet d’ordres ils n’ont pas accès à la bonne information leur permettant de prendre la bonne décision. L’acheteur qui veut ces pièces finira par relever son cours d’achat à 252€ par pièce. Ce petit manège peut durer plusieurs jours.

A votre avis, si vous êtes teneur de marché, qu’il n’y a personne pour vous contrôler, que vous ne risquez strictement rien et que vous souhaitez gagner de l’argent que faites-vous (la réponse étant dans la question) ? A Londres le fixing détermine deux fois par jour ouvrable le prix de l’or dit « papier » à 10h30 et à 15h00 (heure d’ouverture des marchés américains. Ce fixing est mondialement utilisé comme référence pour la tarification de la majorité des produits en or, et de leurs dérivés. D’où l’importance de cette bourse, car c’est elle qui déterminera le prix de l’or physique. Ce fixing est réalisé, grâce à une conférence téléphonique entre les différents membres du cartel pardon… de la LMBA.

Un article du blog vente-achat-or.org nous explique brièvement le fonctionnement de ce fameux fixing à Londres qui vaut son pesant de cacahuètes :
« Le principal participant débutera le processus de fixation, en proposant un prix proche du prix actuel de l’or au comptant. Les participants vont ensuite simuler une négociation sur ce prix. Tout d’abord, chaque banque se penche sur ses ordres et détermine combien sont admissibles à la négociation sur ce prix. La banque annonce ensuite la quantité nette (en onces) d’or qu’elle souhaite acheter ou vendre. Une fois cette valeur donnée par chaque banque, on détermine si le montant net global est nul. Si c’est le cas, toutes les transactions sont réussies, et la correction des prix est terminée. Dans le cas contraire, le président doit modifier le prix proposé. Si le volume d’or à l’achat est supérieur à la quantité d’or proposée à la vente, le prix augmente. A l’inverse, si le volume d’or proposé à la vente est supérieur au volume d’or à l’achat, le prix baisse ».

En clair c’est bien l’opacité la plus totale et le « cartel » fait ce qu’il souhaite des prix de cotation.

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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