Les Français préfèrent l’égalité à la liberté

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Par Olivier Myard Publié le 19 décembre 2018 à 6h23
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Les revendications des gilets jaunes démontrent que les Français préfèrent encore et toujours l’égalité à la liberté économique. pourtant source de vrai pouvoir d’achat.

La parasitocratie sait mieux que nous ce qui est bon pour nous mais ce peuple de Gaulois, décidément ingouvernables, lui donne du fil à retordre.

C’était pourtant simple du point de vue d’en haut.

La France a signé des traités européens (indépendamment de ce qu’en pense parfois le peuple, mais ceci est une autre histoire). L’une des conséquences pratiques des engagements qui en découlent est le partage avec les Allemands d’une même monnaie.

Dès lors, définir une politique économique devient facile, il suffit de s’aligner sur celle qui a fait la force de l’économie de nos voisins. Autre avantage, même s’il y a alternance politique, on ne change pas d’orientations économiques ! Comme ça, c’est vraiment très simple.

Cela va creuser les inégalités ? Peu importe, c’est le prix à payer pour « entrer dans le nouveau monde ».

Mais ça ne marche pas.

Et le peuple, « la France périphérique », pour reprendre la formule du géographe Christophe Guilluy, se révolte.

En France, le fond culturel est majoritairement plus sensible à l’égalité qu’à la liberté.

Faites le test autour de vous.

Décrivez deux pays voisins, aux modes de vie assez comparables, mais à la distribution de revenus très différente.

Dans le premier pays (appelé A), les revenus moyens nets après impôts et transferts sociaux des 10% les moins riches seront de 100, et ceux des 10% les plus riches, toujours après impôts et prélèvements obligatoires, de 350 (à peu près la situation de la France).

Dans le second pays (appelé B), ces mêmes revenus seront de 120 et de 1 000 respectivement (cela pourrait-il être la Suisse?).

Demandez à ceux qui vous entourent dans lequel de ces deux pays ils préfèreraient vivre.

Vous pensez que des êtres rationnels, conscients de leurs intérêts bien compris, soucieux d’optimiser d’abord leur pouvoir d’achat, répondront sans hésiter choisir le pays B, là où les revenus des plus modestes sont les plus élevés, et peu importe qu’en contrepartie ceux des « très riches » s’envolent ?

Perdu !

Il est fort probable, à condition que votre « échantillon » soit suffisamment diversifié, que la majorité des réponses que vous obtiendrez sera en faveur du pays A.

La situation actuelle de notre pays montre bien que nombre de nos concitoyens ne sont pas prêts à accepter qu’une hausse du pouvoir d’achat, souhait légitime, viendra d’une plus grande liberté économique, même si cela creuse les inégalités.

Les travaux d’Emmanuel Todd donnent un éclairage sur ce paradoxe

Emmanuel Todd est cet historien, démographe, anthropologue, sociologue, économiste, devenu célèbre lorsqu’il avait 25 ans (en 1976) pour avoir annoncé « La chute finale », c’est à dire la fin de l’Union soviétique dans les cinq à 30 ans qui suivraient. En réalité, ce fut 15 ans très exactement...

Par la suite, en 2002, il anticipait ce qu’on appellerait la crise de Lehman Brothers (intervenue en 2008), et en 2007, les « printemps arabes » (qui éclatèrent en 2011).

Mais le cœur de son analyse découle de son étude des systèmes familiaux, variables selon les pays, et des conséquences lourdes sur les choix de société, bien plus qu’on ne pourrait intuitivement penser.

Car même si les gens bougent, émigrent, s’expatrient, fondent des familles avec des personnes venues d’autres cultures, Todd démontre qu’il existe « une mémoire des lieux », et les réflexes, les habitudes, les modes de pensée multiséculaires, demeurent à l’intérieur des frontières géographiques traditionnelles.

Pour la France, Emmanuel Todd a mis en évidence, sur la majorité du territoire (au demeurant pas la totalité, d’où peut-être notre propension aux guerres civiles…), l’existence d’un modèle familial fondé sur des relations non autoritaires entre parents et enfants et sur des liens très égalitaires au sein des fratries.

Par comparaison, le système familial anglais ressemble au système français, par la relation démocratique entre parents et enfants, mais il en diffère au niveau de la fratrie car nos voisins d’outre-Manche admettent l’existence d’une certaine inégalité entre frères et sœurs.

À l’opposé complet, le modèle familial allemand combine relation autoritaire des parents à l’égard des enfants et inégalité entre enfants.

Pourtant, c’est aux Allemands et aux Français, aux systèmes familiaux opposés, que l’on impose de vivre avec la même devise…

C’est d’ailleurs pourquoi Emmanuel Todd annonce aujourd’hui, à la suite de ses nombreuses prévisions passées aujourd’hui vérifiées, l’explosion à terme de la Zone euro.

Cet attachement viscéral d’une majorité de Français à l’égalité, fut-ce au détriment de la liberté, notamment économique, a donc des fondements culturels

En découle ce sentiment hérité de Malthus et de Marx selon lequel la richesse des plus favorisés serait obtenue aux dépens des plus pauvres. Au mépris de la réalité. Selon la Banque mondiale, le taux de pauvreté dans le monde serait passé de 36% en 1990 à 8,6% l’an dernier, un plus bas historique. Alors que dans le même temps, les « hyper riches » se sont multipliés.

Après les Grecs (rapidement étouffés), les Espagnols et les Portugais (encore traumatisés), les Italiens (processus en cours), la révolte française de 2018 est-elle un nouveau pas vers l’éclatement à terme de la Zone euro ? Pour l’heure, le consensus est encore de penser que ce scénario provoquerait le pire des chaos. Mais combien de temps cette croyance pourra-t-elle tenir ?

Selon un sondage réalisé pour la Banque de France par l’Institut Kantar Public, début novembre, donc avant la crise des gilets jaunes, 34% des personnes interrogées pensaient alors que « la pérennité de l’euro pourrait être remise en cause », contre seulement 26% il y a un an.

Plus que jamais, les épargnants devront rechercher des solutions de diversification de leur patrimoine, avec des placements antifragiles et privilégiant la génération de revenus dans des cadres fiscaux stables.

Pour plus d’informations de ce genre, c’est ici et c’est gratuit

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ENA, Sciences Po Paris, Olivier Myard est aujourd’hui fonctionnaire international, en poste en Amérique du nord (États-Unis, Canada) depuis 2005. Auparavant, il avait développé sa carrière dans le secteur privé (banque, assurances), mais aussi au sein du réseau international du ministère des finances (Services économiques en ambassade) et auprès des juridictions financières (Cour des comptes, chambres régionales des comptes). Il a passé la moitié de sa vie à l'étranger et outre-mer, mais reste attentif à l’évolution de son pays, avec un regard de l’extérieur.

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