Nous sommes tous des actionnaires

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Par Jean-Louis Caccomo Publié le 10 octobre 2012 à 4h09

Une majorité des Français se dit favorable à une interdiction des licenciements dans les entreprises qui réalisent des bénéfices. Voilà qui en dit suffisamment long sur le niveau de culture économique de nos compatriotes auprès desquels les hommes et femmes politiques cherchent à obtenir leurs suffrages.

Faut-il donc qu’ils se rabaissent à ce niveau ou doit-on œuvrer pour élever ce niveau dans l’espoir d’avoir une offre politique meilleure un jour ? C’est pourquoi les clés de lecture économique sont essentielles. Alors que le bénéfice est un critère essentiel de la bonne gestion et la condition de la pérennité des entreprises, il devient - jeté en pâture dans l’arène médiatique - le mal absolu.

Et dans la foulée, on fait le procès des actionnaires rapaces qui s’enrichissent sur le dos des travailleurs. En effet, en travaillant dur, les salariés n’ont-ils pas contribué à l’accroissement de la valeur de leur entreprise ? Qu’en est-il vraiment ? En fait, les salariés sont déjà rémunérés par le salaire, lui-même lié à leur productivité et les qualifications, en tant qu’apporteur de leur facteur travail.

C’est ce que définit un contrat de travail. L’entreprise doit donc dégager suffisamment de bénéfices pour rémunérer ceux qui apportent les capitaux, notamment les banques (intérêt) et les actionnaires (dividendes). Car sans capital, pas de poste de travail possible : il faut bien des locaux, des bureaux et des machines. Et si l’entreprise ne rémunère pas le capital, la source de leur financement s’épuisera et elles ne pourront plus investir, et les salariés perdront leur emploi.



De la même manière que si l’entreprise ne rémunère pas le travail, le travailleur ira voir ailleurs. Faut-il voir là une opposition irréductible entre les salariés d’un côté et les capitalistes de l’autre ? Absolument pas ! Les salariés sont eux-mêmes des épargnants qui attendent une bonne rémunération de leur dépôt en banque ou de leur portefeuille d’action, ce qui contraint précisément les entreprises à faire des bénéfices.

De plus, les marchés financiers sont ouverts à tous et si les salariés croient en leur entreprise, plutôt de la bloquer avec des grèves répétitives pour arracher de force de la valeur qu’ils contribuent ainsi à détruire, ils sont libres d’acheter les actions de leur propre entreprise, et recevront ainsi, sous forme de dividendes et en tant qu’actionnaire, le produit de leur travail capitalisé.

Ainsi, les ménages ont en fait les deux visages : en tant que salariés, nous attendons une juste rémunération de notre travail ; en tant qu’épargnant, nous attendons une juste rémunération de notre épargne. Nous sommes tour à tour des salariés et des capitalistes. De plus, en tant que consommateurs, nous voulons des produits peu chers et de la meilleure qualité possible. Et il appartient à l’entrepreneur de combiner tout cela (capital, travail) et de gérer ces exigences contradictoires qu’il aura la responsabilité de transmettre aux membres de l’entreprise (management).

Il en est de même du bien public. En tant que contribuables, nous sommes tous actionnaires du bien public. Les générations qui nous ont succédées nous ont laissé des infrastructures, des routes, des hôpitaux… à travers les impôts qu’ils ont payés tout au long de leur vie. Et nous en héritons.

En payant l’impôt, nous sommes en quelques sortes "actionnaires" ou copropriétaire du bien public. A une condition essentielle cependant : nos ministres et nos députés doivent se comporter comme un "conseil d’administration" en charge de valoriser le bien public et non comme les représentants de corporations fermées qui ont vite fait de le dilapider.

Car quand on paie indéfiniment des impôts pour payer les intérêts d’une dette accumulée, on n’a plus les moyens d’entretenir le bien public et l’action s’effondre toujours dans un krach retentissant.

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Jean-Louis Caccomo est docteur en sciences économiques de l'université de la Méditerranée Maître de conférences - HDR à l'IAE de l'université de Perpignan Via-Domitia. Il est également spécialiste des questions d'innovation et de croissance économique ainsi que chercheur en tourisme international et chroniqueur économique. Il anime enfin, depuis 10 ans, un blog à vocation pédagogique à l'attention de ses étudiants et du grand public.

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