Macron va-t-il tuer la croissance dans l’oeuf ?

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Par Stéphanie Villers Publié le 27 août 2018 à 5h00
Vladimir Putin And Emmanuel Macron 2017 05 29 06
0,2%La croissance a grimpé de 0,2 % sur les deux premiers trimestres 2018.

Tout devait très bien se passer. 2018 se devait de confirmer la dynamique de croissance enclenchée en 2017. L’élection d’Emmanuel Macron avait donné du baume au cœur aux ménages et les entreprises avaient d’emblée anticipé un rebond de leurs carnets de commande.

Le nouveau Président avait annoncé son programme : suppression des cotisations salariales pour les salariés du privé dès janvier 2018, réforme du marché du travail pour flexibiliser l’emploi et limiter les freins à l’embauche, vaste plan de formation dédié en priorité aux jeunes sans diplôme et aux chômeurs de plus d’un an (15 mds d’euros sur 5 ans), suppression de la taxe d’habitation, etc.

Mais voilà, le bilan de rentrée est décevant. La croissance économique s’est essoufflée sur le premier semestre. Avec à peine 0,2% de hausse du PIB sur les deux premiers trimestres, ces résultats sont bien en deca des atteintes et bien loin derrière les 0,7% d’augmentation enregistrée sur les trois derniers mois de l’année 2017. Le taux de chômage, de son côté, ne montre pas de signes tangibles d’amélioration, il stagne autour de 9% de la population active. L’inversion de la courbe n’est toujours pas actée. La mayonnaise n’a pas pris en 2018.

Les effets négatifs sur la croissance d’un programme appliqué en deux temps

Pourtant, à l’entendre lors de sa campagne présidentielle, Macron était assuré de la bonne orientation de sa politique économique. Toutes les mesures annoncées allaient être mises en place « en même temps », les choses devaient aller vite, pas de temps à perdre. Mais, c’était sans compter sur son engagement vis-à-vis de Bruxelles, celui de ramener le déficit public en dessous de la barre des 3% du PIB dès 2017. A son arrivée à l’Elysée, l’urgence s’est décalée.

La crainte de ne pas respecter son engagement bruxellois l’a incité à revoir sa copie et à infléchir la conduite de sa politique économique. Le gouvernement a donc mené une politique en deux temps. En premier lieu, il a mis en place la hausse de la CSG pour tous. Alors que celle-ci devait au départ compenser la suppression des cotisations salariales dans le secteur privé, elle allait finalement permettre d’assurer la mise en œuvre des objectifs budgétaires 2018. Les cotisations salariales, pour leur part, allaient être réduites en deux temps – avec une première baisse de charges en janvier puis la suppression totale en octobre.

Ce décalage inattendu a été justifié par la nécessité d’assurer des recettes suffisantes pour boucler le budget 2018. Même constat pour la taxe d’habitation, après maintes hésitations Macron se décide finalement pour une baisse progressive, et seulement pour une partie de la population.

Un pilote dans l’avion sans trajectoire fixé

La méthode semblait être claire et éclairée. Il suffisait de prêcher la bonne parole. Ces mesures, même si elles favorisaient, en premier lieu, les entreprises au détriment des salariés et des retraités, allaient finir par payer rapidement. Un vent de réussite et de dynamisme soufflait dans les rangs du gouvernement. Mais, voilà, les choses ne se sont pas passées comme prévu.

Les Français ont, a priori, mal perçu le revirement de Macron vis-à-vis de ses priorités et de ses engagements. Macron ne s’est pas tenu à son programme, il l’a adapté et a laissé entrevoir un manque de clairvoyance dans la conduite de sa politique budgétaire. De même, les contribuables se sont sans doute rappelé l’erreur de François Hollande à son arrivée à l’Élysée. En accentuant la pression fiscale sur les classes moyennes, il n’a pas réussi à réduire le déficit public mais a davantage pesé sur la croissance. Les effets ont été dévastateurs sur l’activité sur les premières années du quinquennat.

Déception sur la consommation privée

Les résultats du premier semestre 2018 sont tombés. Ils confirment qu’il n’est pas de bon augure d’accroître la pression fiscale en début de mandat. La consommation privée fait grise mine. La dépense des ménages a même reculé sur le deuxième trimestre (-0,1%). La seule bonne nouvelle se situe sur le front budgétaire. Le déficit public a réussi, contrairement aux prévisions effectuées par le nouveau ministre du budget, à passer sous la barre des 3% du PIB dès 2017 (2,6%).

La première erreur provient donc du gouvernement d’avoir sous-estimée la croissance de 2017 et les recettes fiscales qui en découlaient. Cette mauvaise anticipation a empêché de soutenir l’élan incontournable à la croissance qui repose essentiellement sur la capacité des ménages à dépenser. Finalement, la bouffée d’oxygène qui devait être apportée par la baisse de la pression fiscale a été décalée inutilement. D’autant que la réforme du marché du travail laisse craindre une précarisation de l’emploi. Seul le volet flexibilité du marché du travail a été mis en place. La sécurisation du parcours professionnel a, pour l’instant, été mise de côté. Le vaste plan de formation tarde à voir le jour concrètement pour les salariés et les chômeurs.

Aujourd’hui, reste à savoir si la suppression des cotisations salariales prévue en octobre ainsi que celle de la taxe d’habitation sur la résidence principale pour 80% des foyers (sur 3 ans) seront des mesures suffisantes pour rattraper le retard de croissance ? Rappelons que le contexte géopolitique n’est plus aussi porteur qu’en ce début d’année. Les velléités de Trump d’en découdre avec ses principaux partenaires commerciaux déclenchent de nouveaux désordres au niveau du commerce mondial.

Le manque de lisibilité et de visibilité dans la conduite de la politique extérieure américaine laisse craindre une détérioration des échanges qui pénaliserait les pays exportateurs de la zone euro et par effets ricochets la croissance française. Il va être très compliqué pour cette rentrée gouvernementale d’insuffler un vent d’optimisme et de laisser penser que le meilleur est encore à venir. Seules de réelles impulsions accordées aux ménages avec une volonté d’offrir des solutions concrètes en matière de formation et des positions fermes pour rendre la dépense publique plus efficace, plus innovante et plus rentable pourraient redonner du baume au cœur et stimuler la consommation privée.

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Stéphanie Villers est économiste.

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