Les marques françaises surfent sur le regain du fait main

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Par Rédacteur Modifié le 23 mars 2021 à 16h33
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65%Etsy a enregistré une hausse de 65% du nombre des boutiques françaises sur la plateforme.

La crise sanitaire a accéléré la tendance du retour au fait-maison et à l'artisanat, un phénomène qui était déjà à l'œuvre avant l'épidémie de Covid-19 et ses conséquences. De plus en plus de marques françaises, comme Ma petite mercerie ou le créateur de lunettes Vinyl Factory, investissent ce créneau porteur de valeurs fortes, qui redonnent du sens à l'acte d'achat.

Fait main, DIY et made in France : la nouvelle philosophie des consommateurs

De nombreuses marques françaises se distinguent aujourd'hui sur le créneau du fait main.A l'image de Vinyl Factory, une marque de lunettes dessinées en France et réalisées à la main dont le fondateur Gad Guigui déclare : « jamais nous n'avons eu autant besoin de produits de qualité. Des objets qui, par leur look familier et rassurant, par le soin apporté à leur production (…) résistent au temps tout en nous rappelant un temps (…) où l'on croyait encore au progrès ». « Régressif, conclut l'entrepreneur, le vintage est aussi et surtout synonyme de patrimoine, de savoir-faire, de qualité et d'authenticité ». Autant de valeurs plébiscitées par les consommateurs français et qui, sur fond de crise (sanitaire, économique, écologique, etc.) permanente, n'ont pas fini de séduire et de gagner des parts de marché.

Et dans cette tendance de fond, de plus en plus de citoyens et d'entrepreneurs décident même de changer de vie et d'appliquer la philosophie du « Do It Yourself » (DIY), abandonnant du jour au lendemain le confort d'un emploi bien rémunéré mais vide de sens pour se lancer dans une aventure entrepreneuriale remettant en valeur des savoir-faire manuels, ancestraux, oubliés ou en passe de le devenir. Une vague de fond sur laquelle surfent de plus en plus de néo-artisans redonnant vie à des métiers anciens. Ce sont des Français, souvent jeunes, urbains et diplômés. Ainsi d'Olivier Verrièle, dirigeant de la Société Choletaise de Fabrication (SCF) et qui a repris une entreprise spécialisée dans les lacets, cordons et jacquards « made in France ». De Caroline Gailly, qui a racheté la biscuiterie bretonne la Maison joyeux, sur le déclin. Ou de Véronique Blanc, qui est passée du marketing dans un groupe de restauration rapide à la culture de lavande fine dans le Verdon avec Bleu d'Argens.

« C'est le fait de pas avoir forcément le même objet que tout le monde »

Pour le directeur de l'Institut supérieur des métiers (ISM), Alexis Govciyan, « ce type de parcours n'est pas rare. Avec la crise économique, nombre d'actifs sont en quête de sens dans leur vie professionnelle. Il existe un véritable intérêt pour les activités aux savoir-faire d'excellence, le ''fabriqué en France'', les productions naturelles et hors des circuits de consommation de masse. Marchés et clientèle y sont aussi de plus en plus sensibles », estime le spécialiste. « C'est le fait de pas avoir forcément le même objet que tout le monde, et que ce soit fait vraiment à la main, et non pas par des machines », abonde une consommatrice interrogée par France Info dans le cadre d'un reportage consacré au regain d'intérêt des Français pour l'artisanat.

Tout plaquer pour une nouvelle vie n'est, cependant, pas à la portée de tout le monde. Ce désir d'authenticité et de « fait-maison » se traduit donc, pour les plus bricoleurs, par l'engouement exponentiel pour le DIY : plus qu'un passe-temps, une passion pour certains, un véritable mode de vie pour d'autres. Inspiré du « slowlife », le phénomène entend réconcilier consommation et respect de l'environnement, en tournant ostensiblement le dos aux produits standardisés et jetables. Les adeptes du DIY souhaitent surtout se réapproprier des savoirs simples mais perdus depuis plusieurs générations, que ce soit en matière de bricolage, de jardinage, de cuisine ou de couture. Leurs maîtres-mots : indépendance et autonomie, réparation et recyclage – ou « upcycling » –, originalité et personnalisation et enfin partage – en témoignent, sur Internet, les centaines de milliers de blogs et de communautés consacrés au phénomène.

Le confinement et le couvre-feu, accélérateurs du phénomène

La crise sanitaire et les confinements successifs ont fait le reste. Enfermés chez eux, les Français se sont découverts une passion pour le fait main. Sur la plateforme américaine Etsy, qui met en relation de petits artisans et créateurs avec des clients du monde entier, le nombre de boutiques enregistrées en France a ainsi bondi de 65% entre 2019 et 2020, pour atteindre le chiffre record de 54 000 vendeurs – faisant de l'Hexagone le troisième pays, derrière les États-Unis et la Grande Bretagne, dont les créations plaisent le plus. Un succès qui s'explique par le fait que « les gens sont en quête de sens, ils l'ont trouvé dans le fait main. Ils cherchent la relation avec le créateur autant que le produit », estime une créatrice de bijoux interrogée par Le Monde.

Loin des milliards échangés sur Etsy, son concurrent français Ungrandmarché.fr, lancé en 2017, a lui aussi profité des confinements et couvre-feux à répétition, son chiffre d'affaires bondissant de 1,3 à 3 millions d'euros en 2020. Le même engouement pour le fait maison est observé chez Ma petite mercerie, la référence française de la couture en ligne, dont les rayons virtuels ont été pris d'assaut lorsque les masques chirurgicaux venaient à manquer et dont le chiffre d'affaire a, lui aussi, bondi de 50% par rapport à 2019.

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