La France en tension ?

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Par Philippe Bapt Modifié le 15 novembre 2019 à 10h48
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13.500La manifestation du 10 novembre a réuni 13.500 personnes à Paris.

Une manif’ pour rien ? Révélatrice ?

Il eut été facile de gloser à nouveau sur cette manifestation du 10 novembre initiée par : on sait qui et suivie, on ne sait pourquoi, par tous ceux qui comptent sur le renouvellement sociologique de l’ex « banlieue rouge » parisienne pour capitaliser en mars prochain. Des soubresauts intellectuels et quelques sauts de cabris oratoires plus tard, nombreux sont celles et ceux qui avaient goûté avec leurs enfants au moment de signer cet appel à manifestation, ou avaient foot le 10 novembre dernier. Il n’y a guère que l’ancien maire de Toulouse qui signait cet appel et « en même temps » se présentait devant la gauche toulousaine comme un sérieux candidat à l’unité !

Bref cette #MarcheDeLaHonte, et je ne reviendrai pas ici sur les raisons de cette appellation, n’honore pas notre pays ni certains de ses élus qui pourtant savent se draper dans le voile républicain quand cela les arrange. Moins de 15.000 manifestants, au demeurant quelle tristesse !

Au demeurant, je me souviens avoir lu que le week-end du 2 novembre, un joueur de dix ans, de l’équipe de foot junior d'Aurora Desio (Italie-Milan), a été traité de « nègre de merde » par la mère d'un joueur de l'équipe adverse. Le club, croyant bien faire, a publié la déclaration « Comme geste symbolique de condamnation totale du racisme et en soutien à toutes les victimes de racisme, certaines de nos équipes joueront avec leurs visages peints en noir » sur Facebook. Des associations et personnes noires ont expliqué au dirigeants que malgré leur bonne volonté, le « blackface » était une tradition raciste lié à l'esclavage aux États-Unis : cela renvoie à une pratique théâtrale, les « minstrel shows », dans lesquels des acteurs blancs se peignaient le visage en noir pour interpréter des personnages caricaturaux de noirs attardés, souvent gais et rieurs et tournés vers la danse et la musique (le plus tristement célèbre est celui de Jim Crow, un esclave noir handicapé. Son nom inspirera les lois Jim Crow justifiant la ségrégation raciale entre 1876 et 1964 aux Etats-Unis).

Ainsi au lieu de se grimer complètement en noir, les joueurs arboreront donc seulement deux traits noirs sur les joues en signe de solidarité, « pour montrer que nous sommes tous frères et que la couleur de peau n'importe pas », a précisé le président du club.

Comme en témoignait Fabrice Eboué dans « Stupéfiant ! » alors interrogé par Léa Salamé (France2 23-01-2018) : « [le « blackface »] est un grand symbole de la discrimination et du racisme à son apogée » […] « attention au « blackface » car cela peut heurter certaines personnes et c’est compréhensible » (au sujet de la controverse Antoine Griezmann /Harlem Globe-Trotter).

Et là, point de problème sur la portée symbolique du « blackface » ! Et j’y souscris pleinement.

Le voile n’étant pas une prescription cultuelle, « contrairement au jeûne du Ramadan ou aux cinq prières quotidiennes. Il n'est pas un "signe religieux" puisque l'islam réprouve tout fétichisme matériel » (Marianne/appel de 100 musulman(e)s de France/ 22-10-2019). Le voile étant «  un symbole d’oppression et de discrimination » ACTUEL (pour rappel certaines femmes risquent leur vie à vouloir s’en affranchir !). Et oui : « attention au « voile» car cela peut heurter certaines personnes et c’est compréhensible ».

Par contre ici, la portée symbolique de cet habit n’apparaît pas aussi évidente que l’exemple précédent ?!

Trente ans déjà…mais de quoi ?

Bref aujourd’hui je veux parler d’histoire ; histoire contemporaine même que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître….enfin si dans les livres et autres vidéos documentaires. Cette histoire a impacté la suite de tout un mouvement. La fin d’une époque. Des idées nouvelles et force créatrice pour d’autres…

Entouré de tous jeunes trentenaires samedi dernier j’évoquais avec eux ces années 80 qui ont précédé ce jour-là ! J’étais moi-même assez jeune, mais je m’en souviens comme si c’était hier ou presque. Bercé dans un milieu d’intellectuels dans lequel l’histoire tenait une grande place, ayant participé au concours national de la Résistance, j’étais certainement privilégié pourront me dire certains. Le contexte politique était super bizarre en France et en Europe cette année 1989. On venait de vivre deux mandats de Ronald Reagan outre-Atlantique, finissait trois législatures de Margaret Tatcher outre-Manche et en République Fédérale d’Allemagne, Helmut Kohl était chancelier, en place depuis 1982. Plus à l’Est, l’URSS faisait peur malgré l’émergence du jeune, enfin un, dirigeant Mikhaïl Gorbatchev.

En France on baignait dans les années Mitterrand-Séguéla-Lang ; avec le bicentenaire « Goudesque » de la révolution française comme apothéose en ce 14 juillet là. Mais l’ombre nationaliste n’en finissait pas de grossir. En 1988, Jean-Marie Le Pen atteint quasi 15% au premier tour des présidentielles.

Le climat économique est tendu en cette fin des années 80 aussi : un krach boursier en 1987 allait atteindre les économies occidentales fin 1989, début des années 90.

C’est dans ce contexte socio-économique, certes ici résumé, que des événements d’importance ont eu lieu fin novembre 1989. En effet, alors que le mythique violoncelliste Rostropovitch donnait un concert à Check Point Charlie à l’occasion de la chute du mur de Berlin, à l’Olympia, à Paris, s’éteignait un pan du rock alternatif français :

Les Bérurier Noir stoppaient leur carrière…splittaient comme on disait à l’époque, pour plusieurs raisons. Décision interne certes, mais aussi pour ne pas se faire rattraper par le système qui était en train de les engloutir. Le passage d’un de leur titre sur la radio NRJ les effraie, leur indépendance en bandoulière, leurs idées en étendard ! Du panache comme on en voit peu en politique justement !

Alors même que depuis quelques mois, les grandes maisons de disques s’intéressaient et signaient notamment les « Porte-Mentaux » ou à la « Mano Negra », la troupe des Bérurier Noir, porte-drapeaux d’une jeunesse, qui refusait la montée des prix des billets de concert et du nationalisme (il y a 30 ans déjà !) stoppait son ascension commerciale à son faîte.

Un syndrome « poulidoresque » français ? (je relis cet éditorial en apprenant le décès du plus populaire cycliste français, #RIP) ou bien l’aboutissement du « No future » punk ?

Et oui des pans de murs s’écroulaient enfin à Berlin ce 10 novembre 1989, et un pan du rock français s’auto détruisait à l’Olympia. Ou quand l’économie indépendante de la musique française se faisait absorbée par les majors.

Leurs voix porteront longtemps durant les manifestations : du « Salut à toi » planétaire au « Porcherie » ciblé ! Il faudra attendre les Zebda et « Motivés » pour que d’autres hymnes à manifestations antiracistes apparaissent. Et même la force brute du rock bordelais de Noir Désir ne viendra ôter l’aura des Bérus….

4 ans déjà….les souvenirs et l’effroi intacts

Enfin cette tribune ne peut être conclue sans un sincère hommage aux victimes du Stade de France, des terrasses du 10 et 11 ème arrondissement de Paris ainsi que du Bataclan et leur famille. Cent trente et un morts, des centaines de blessés, et la France encore marquée à vif !

Je finis d’écrire à 22 heures ce soir, 13 novembre voilà quatre ans pile, voulant suivre la fin d’un match international de football au sortir d’un entraînement de rugby, j’allumais la radio et plongeais comme beaucoup dans l’horreur. Cette nuit-là plus que d’autres, je m’en souviendrai à vie. Jusqu’ici le terrorisme en France était synonyme de bombe qui explosait à un endroit passant. Au printemps 2012 et plus tard début 2015, cette notion s’était malheureusement élargie. Une attaque coordonnée de plusieurs cellules à l’arme de guerre, en France, me semblait si lointaine….

Fondapol, dirigée par Dominique Reynié, vient de produire une étude très complète : « Les attentats islamistes dans le monde de 1979 à 2019». A cette lecture, on peut tirer beaucoup d’enseignements et j’en retiens deux : le nombre exponentiel d’attaques dans le monde et particulièrement depuis 2013 ; en France ce sont 71 attaques dont 42 qui ont eu lieu entre 2013 et 2019, c’est clairement le pays le plus touché en Europe.

Je pars me coucher ce soir sans bloquer sur les chaînes d’infos en continue comme il y a quatre ans. Mais je ne me sens pas serein. Toulouse, ma ville a payé un lourd tribut en 2012 et 2015. Paris, Nice,… ont été la cible de terroristes. Daech n’est plus mais son pouvoir de nuisance reste bien présent. Et ce soir, je le sais, je vais mal dormir. Bonsoir.

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Philippe BAPT est un communicant. Diplômé de Novancia Business School en management marketing digital et événementiel, il exerce sa passion comme chargé de communication et consultant chargé de projets. Sa seconde passion la « chose publique » l’amène très tôt dans le champ associatif : social, culturel et sportif. Puis il sera élu local d’une commune de la première couronne de la ville rose de 2008 à 2014. Président de club de rugby, puis d’un groupement d’employeurs et administrateur d’un théâtre-centre culturel, ces différents postes lui confèrent  une expertise dans ces domaines. Retiré du strict jeu politique, il n’en demeure pas moins attentif à l’évolution de l’actualité et devient éditorialiste dans divers médias locaux et régionaux, dès la rentrée 2014. Ses sujets de prédilection : le « jeu » politique, les répercussions économiques et sociales, la recomposition du paysage politique français. 

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