Glyphosate : et si on se trompait de débat ?

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Par Hervé Pillaud Modifié le 20 février 2018 à 12h19
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2 milliards d'eurosMettre fin au glyphosate coûterait deux milliards d'euros à l'agriculture française.

Est-ce vraiment sur la place publique et dans les médias que le débat scientifique doit se situer ? Telle est à mon sens la première question que des élus dignes de ce nom devraient se poser.

Interdire les denrées de provenance douteuse plutôt que le glyphosate

L’histoire bégaye, le spectacle politique a quitté le café du commerce pour rejoindre Facebook mais les acteurs se reproduisent et se succèdent avec toujours le même brio. « On est gouvernés par des lascars qui fixent le prix de la betterave et qui ne sauraient pas faire pousser des radis » disait Michel Audiard.

Pourquoi interdire le glyphosate ? Si le risque premier du glyphosate est la santé, ce n’est pas son utilisation par les agriculteurs européens qu’il faut interdire. Il faut interdire tout de suite la commercialisation de denrées alimentaires dont la traçabilité ne prouve pas qu’il n’y ait pas eu d’utilisation de glyphosate dans le parcours cultural. Si nous voulons véritablement faire de la précaution un principe, c’est la seule attitude vraiment responsable. Une telle mesure nous garantira réellement, s’il y a un moindre doute sur le caractère cancérigène de telle ou telle substance.

L’interdiction de l’utilisation du glyphosate comme de toute autre matière active par les agriculteurs français et européens, n’aura pas cet impact. Elle n’aura pour autres résultats que de créer de la distorsion entre nos productions et les importations de produits low-cost d’origine douteuses. Elle n’aura qu’un effet limité sur le risque potentiel de cancer.

La traçabilité, gage de la sécurité alimentaire

La question n’est pas de produire sain mais de commercialiser sain, pour consommer sain. C’est au niveau de la traçabilité alimentaire que les choses doivent se mettre en place. Le cynisme atteint son paroxysme quand de grandes enseignes de la distribution sont capables de communiquer sur des pratiques vertueuses tout en bourrant leurs rayons de denrées ayant reçu des quantités de pesticides sans aucune commune mesure avec ce qui est pratiqué en France. Une grande enseigne de la distribution se gausse dans tous les médias de vendre des légumes interdits et de construire des jardins vertueux sur ses toits tout en laissant des aliments low-cost d’origine douteuse remplir ses rayons. Les seuls légumes qu’elle devrait s’interdire de vendre sont ceux dont elle n’est pas sûr de la traçabilité, si une once d’honnêteté intellectuelle lui traverse un jour l’esprit.

Cultiver sans glyphosate (ou presque), c’est possible

Ainsi va la France, critique à deux sous pour se croire responsable. Dans le même temps des pays en Europe travaillent et encouragent les agriculteurs pour aller vers des pratiques vertueuses. Les paysans français n’ont rien à apprendre de leurs collègues néerlandais, irlandais ou allemands sur leurs pratiques agricoles. Le peuple français, s’il se veut citoyen, serait avisé de s’inspirer de la manière dont ses cousins du nord portent leur agriculture. Les Pays-Bas sont considérés comme la Silicon Valley de l’agriculture : lire Étape à l’intérieur de la Silicon Valley de l’agriculure publié dans le National Geographic.

La différence est essentielle si on prend une posture systématiquement critique ou si on a une attitude encourageante envers les paysans de son pays. En quarante années de pratiques agricoles je n’ai que peu utilisé le glyphosate. Le jeune agriculteur qui depuis un an m’accompagne sur mon exploitation me conduit vers l’agriculture de conservation. Nous avons abandonné le labour, les sols sont toujours couverts même entre les cultures. Nous les entretenons au plus près. Les quantités de pesticides ont diminuées dans nos champs mais l’utilisation du glyphosate, a augmentée. Nous l’utilisons en inter culture sur les couverts végétaux, pas systématiquement mais quand c’est nécessaire. Pouvons-nous nous en passer ? Par dépit, j’ai envie de dire « il faudra bien » et nous travaillons déjà à ça, mais le spectacle politique plus habile dans l’inquisition que dans l’incitation à la créativité ne nous y aide pas vraiment.

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Hervé Pillaud est agriculteur, auteur, conférencier ; responsable professionnel dans les Chambres d’Agriculture et à FNSEA, auteur d’« Agroéconomicus, manifeste d'agriculture collabor'active » et de « E-agriculture, internet est dans le pré » aux Éditions France Agricole.

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