En Grèce, la vie a repris (presque) comme avant

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Par Eric Verhaeghe Publié le 18 août 2017 à 10h24
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15%En 2008 le déficit public de la Grèce était de 15 %.

Loin des discours hystérisés en vogue dans certaines fractions de l’opinion, la Grèce tient le coup et la vie y a repris comme si la crise n’existait pas. Ou presque. En tout le cas, le pays est très loin du chaos que certains imaginent.

À Athènes, le 15 août 2017 a curieusement et furieusement ressemblé à tous les 15 août précédents. Les rues accablées de chaleur grouillaient, dans les quartiers proches de l’Acropole, de touristes en effervescence. Les autres quartiers étaient morts de silence et de calme. La plupart des Athéniens avaient profité des fêtes mariales pour rejoindre leur résidence secondaire, lorsqu’ils en ont une, sur une île: à Spetsae, à Hydra. Ou bien ils se sont terrés chez eux. Ou bien ils sont allés à la plage. Dans Athènes, tous les magasins de la rue Hermès (l’Hermou, comme on dit ici) étaient fermés. La ville, comme tous les ans, a fonctionné au ralenti.

Les Athéniens continuent à fréquenter les terrasses

Bien sûr, ce sont des apparences. Mais les apparences grecques sont sauves. Aux terrasses, il n’y a pas que des touristes. Même au cossu bar Galaxy de l’hôtel Hilton, les « locaux » se mêlent aux touristes. Aucun signe d’inflexion dans l’activité n’y est sensible. Une tribu de serveurs s’agitent pour servir les clients qui profitent du soleil face à l’une des plus impressionnantes vues sur l’Acropole.

Derrière les collines de l’Attique, le soleil se couche. Les éclairages des bateaux en rade du Pirée commencent à luire dans la nuit. Et le grec se mêle à l’anglais, au russe, au français, entre les cocktails et les smoothies qui paressent sur les tables.

Psiri la bobo s’embellit

En 2010, j’avais été étonné par l’état de délabrement de Psiri, le quartier sorti de ses ruines dans les années 2000 entre Omonia et Monastiraki. Régnait alors un sentiment d’insécurité dans les rues. Des drogués jonchaient le sol et d’impressionnants cars de police occupaient le terrain pour y maintenir l’ordre.

Aujourd’hui, Psiri est sorti de ce cauchemar. Certes, sur certains trottoirs, on trouve de temps à autre une jeune droguée, décharnée, épuisée, qui tend la main pour avoir quelques pièces dont on ne sait l’usage qu’elle fera. Mais c’est désormais une exception.

Les rues sont plus propres et le quartier semble avoir retrouver la dynamique d’expansion et de restauration qu’il avait connue dans les années 2000. Les restaurants à la mode y font toujours la loi et la fête a repris.

Exarchia l’anarchiste se met au végé

Autre signe qui ne trompe pas, dans Exarchia l’anarchiste, l’ambiance est au calme. Comme toujours, les slogans les plus radicaux y sont taggés sur les murs. Mais le quartier semble s’être endormi à l’occasion du 15 août et on n’y entend plus retentir les agitations qu’on pouvait y connaître.

Signe des temps: le Mamatiera, restaurant végétarien – ce qui est une exception en Grèce – y parle couramment anglais. Il accueille les jeunes touristes anglo-saxons qui veulent échapper aux pitas et souvlakis. Malgré ses prix très bas et sa nourriture maison, le restaurant arbore fièrement son auto-collant Michelin, comme une provocation dans ce quartier ennemi des expressions bourgeoises.

Les enfants jouent comme avant à Pangrati

Quand on s’enfonce dans les quartiers moyens, ceux qui ont le plus souffert de la crise, l’impression d’une grande stabilité et d’une « marginalité » de la crise, est la même. Les enfants jouent avec le même entrain dans les parcs, la nuit tombée, pour échapper à la chaleur. Les boulangeries qui existaient avant la crise sont toujours actives. On n’y trouve pas trace de défaillances massives, ni d’une désertification, ni d’une paupérisation particulière.

Cela ne signifie pas que la crise n’a pas existe, ni qu’elle n’a pas sévi. Cela ne signifie pas que les Grecs n’ont pas durement senti les blessures de la récession. Mais la résilience agit et, sur le fond, Athènes n’a pas subi un bouleversement radical. Le mode de vie grec affiche une constance que les discours excessifs en Europe dissimulent.

Plus de pauvres dans les rues

Quelques éléments seulement laissent percevoir un durcissement de la vie à Athènes.

Par exemple, ce sont ces boutiques fermées en plus grand nombre sur les boulevards fréquentés par les Grecs. Là encore, il ne faut pas imaginer le pire. Les commerces, notamment d’habillement, pullulent encore à Athènes. Mais les enseignes autour d’Omonia ont parfois fermé, laissant derrière elles des rideaux fermés.

Ce sont aussi ces pauvres hères qui dorment, plus nombreux qu’avant, à même le sol. Leur crasse repoussante, leur maigreur, leur fatigue manifeste, témoigne d’une vie à la limite du supportable. Mais ce serait une erreur de croire qu’ils constituent une vague. Ils sont plus nombreux qu’avant certes, mais ils restent beaucoup moins nombreux qu’à Paris.

Le plus étonnant, et le plus délicat à comprendre, c’est la mesure des choses qu’il faut prendre. La vie à Athènes n’est pas aussi florissante qu’elle ne le fut à l’approche des Jeux Olympiques, ni même qu’elle ne le fut juste après ceux-ci. Mais elle se situe loin de la catastrophe et de l’horreur que certains discours alarmistes prétendent.

Et tout ici indique que la crise est passée et que le pays retrouve la voie de l’expansion.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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